L’arbre, un rempart naturel contre la chaleur

Les bovins ne s’y trompent pas. En se réfugiant sous les arbres en période de forte chaleur, ils profitent d’une température plus clémente de 2 °C en moyenne, voire inférieure de 6 °C. 18 juillet 2022. La Bretagne suffoque sous près de 40 °C. Quand ils ont la possibilité, les bovins en prairie sont tous alignés le long des haies et des talus ou amassés sous l’ombre portée d’un chêne séculaire qui se tient avec panache au milieu de la pâture, comme c’est souvent le cas en Ille-et-Vilaine. Pas si bêtes, les bêtes… Les vaches n’ont pas besoin de regarder le thermomètre pour savoir qu’il est plus confortable de se mettre à l’ombre d’un arbre que de rester prostrées au milieu de la parcelle. Quoique. « Une race du Sud, comme la Blonde d’Aquitaine, ne cherche nullement à se mettre à l’ombre dans des conditions caniculaires comme l’an dernier », rapportait l’été dernier un éleveur. Un comportement atypique qui s’expliquerait par des modifications épigénétiques induites par l’environnement ? Protéger du soleil plus que de la pluie « Mesurée sur un mois d’été, la température est en moyenne inférieure de 2 °C sous un arbre », confirme Brendan Godoc, chargé d’études sur l’adaptation de l’élevage des ruminants au changement climatique et sur l’agroforesterie à l’Idele. Il ajoute : « L’écart de température sous un arbre peut atteindre -6 °C en période caniculaire. L’arbre fait en fait office de rempart naturel, simple et efficace en situation de température élevée. » En Bretagne, jusque les années 90, la fonction microclimatique du bocage consistait essentiellement à abriter les bovins du mauvais temps. Désormais, haies et talus servent d’abord à protéger les animaux du (trop) beau temps ! Inimaginable il y a 30 ans et encore plus probable dans 30 ans… Un peu de biologie… Commençons par un peu de biologie pour expliquer ce rôle climatisant de la végétation. L’effet rafraîchissant des arbres est en fait la résultante de deux composantes : l’ombre portée et l’évapotranspiration. Dans son processus de photosynthèse, un arbre libère de la vapeur d’eau par les stomates pour réduire l’échauffement de ses feuilles et les maintenir à une température proche de celle de l’air. En s’évaporant, l’eau refroidit en effet l’atmosphère immédiate selon le même principe que la transpiration chez l’humain. À titre d’illustration, on considère qu’un chêne adulte pompe 300 à 500 litres d’eau (voire jusqu’à 1 000 litres / jour selon l’ONF) et en libère presque autant sous forme gazeuse, qui contribue donc à l’abaissement de la température en s’évaporant. Une mécanique de refroidissement efficace tout à fait naturelle que l’homme tente de copier en fabriquant des brumisateurs. À l’image de ces appareils de terrasse de café qui consomment une centaine de litres d’eau par cycle de 24 heures…. et beaucoup d’énergie. Les rideaux d’arbres ont aussi leur intérêt à proximité des stabulations. « Jacques Capdeville, ingénieur Idele, avait bien montré l’effet rafraîchissant réel d’un rideau de peupliers plantés à proximité d’une stabulation », rappelle Brendan Godoc, soulignant, qu’en cas de plantation, « il vaut mieux privilégier les arbres à feuilles caduques plutôt que les conifères. En hiver, un arbre qui perd ses feuilles permet une meilleure circulation de l’air et laisse passer la lumière ». Le couple agroforesterie-élevage L’Institut de l’élevage n’a pas attendu les vagues de chaleur de 2019 et 2022 pour travailler sur le changement climatique. « Nous menons des programmes de recherche sur ce sujet depuis 2006 en partenariat avec Météo France et l’Inrae », précise l’ingénieur d’Idele. Avec, en particulier des projets sur l’agroforesterie. Une agroforesterie très en vogue actuellement qui peut être vue comme un palliatif aux kilomètres de haies et talus arrasés lors du remembrement – Illustration que les opérations de restructuration foncière n’ont pas intégré la fonction systémique du bocage dont son rôle dans le cadre d’un dérèglement climatique –. « L’agroforesterie est largement diffusée dans les pays tropicaux. Par exemple, dans le cadre des caféiers cultivés près des forêts », explique Brendan Godoc, en faisant le parallèle avec le couple agroforesterie et élevage : « L’arbre permet de maintenir le pâturage en été car il décale la pousse ce qui permet de pâturer en été et de jouer potentiellement sur les conditions de portance en hiver. » Sans nuire au rendement tant que la densité ne dépasse pas 100 arbres par hectare. Pour limiter la compétition racinaire entre l’arbre et la prairie, le passage d’un outil à dent (voire une sous-soleuse) à proximité raisonnable du tronc arbres incite les racines de ces derniers à aller en profondeur. Reste que l’arbre ne doit pas être vu comme un concurrent de la culture qui se trouverait de fait privée d’une partie des ressources nutritives. Pour en savoir plus Des groupes d’éleveurs bovins du Grand Ouest « engagés face à un nouveau climat » – 4 groupes en Bretagne – co-animés par l’Institut de l’élevage, la Chambre d’agriculture, Adage et le Civam participent à deux programmes de création d’outils, de connaissances et de références. Ces deux programmes, Fermadapt et Climatveg, ont pour ambition d’imaginer des systèmes adaptés au climat de 2050.

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