Méconnu, le rayonnement exacerbe le risque de stress thermique

Par les translucides, les rayons du soleil tombent sur les animaux, mais aussi sur des matériaux capables d’absorber et de restituer de la chaleur. Ce phénomène participe fortement à dégrader le confort thermique des bovins. Le fameux THI (Temperature humidity index) qui croise les données de température ambiante et d’hygrométrie est un indicateur d’alerte pédagogique pour sensibiliser les éleveurs à la notion de stress thermique. « Mais, en aucun cas, il ne permet d’évaluer le ressenti réel des vaches », tient à préciser Daniel Le Clainche. L’expert technique chez Innoval martèle que le bon indicateur pour apprécier le confort des vaches en bâtiment est le HLI (Heat load index). « Ce HLI correspond à la ‘charge thermique’ pour le traduire simplement. » Son calcul (voir encadré) intègre non seulement l’humidité relative et la température ambiante comme le THI, mais aussi la vitesse de l’air et surtout la température liée au rayonnement solaire à la fois direct et indirect mesuré avec un thermomètre à globe noir. Le 18 juillet 2022, 54 °C de température globe noir Daniel Le Clainche rapporte qu’entre la température mesurée avec un thermomètre classique et un thermomètre globe noir, il y a en général un écart de 5 à 15 °C. Le fameux lundi 18 juillet 2022 où il a fait très chaud en Bretagne, le spécialiste était dans un élevage d’Ille-et-Vilaine. « La température ambiante atteignait alors 39 °C. Mais sous les translucides du bâtiment qui laissaient cogner le soleil sur les animaux et les bétons, j’ai mesuré 54 °C en température globe noir. Ces données converties en HLI indiquaient que les vaches subissaient un stress thermique sévère ! » En fonction de son LHI, chaque zone d’un bâtiment peut en effet être relié à quatre niveaux de ressenti pour le bovin : une absence de stress, un stress léger (« Les vaches commencent déjà à développer des comportements pour s’adapter »), un stress modéré (« Les animaux commencent à souffrir, augmentent leur fréquence respiratoire. Certains commencent à tirer la langue. ») ou enfin un stress sévère. Naturellement, les vaches désertent une partie d’un bâtiment où le LHI renvoie à un stress thermique sévère. « Sauf si cette zone présente des équipements d’intérêt qui pousse l’animal à s’y aventurer comme l’abreuvoir, les logettes, le robot de traite… Mais dans ce cas, conséquence immédiate, il souffrira fortement. » Et ces conditions dégradées à un endroit peuvent avoir des répercussions ailleurs : d’autres secteurs à l’ambiance plus vivable ou supportable peuvent alors être surfréquentés au risque de bloquer la circulation dans des passages étroits, d’augmenter la compétition localement à l’auge ou autour d’un abreuvoir, voire de maintenir les animaux debout de façon prolongée… Avec des conséquences immédiates ou à plus long terme sur les performances (baisse d’ingestion et de production, dégradation de la reproduction…) et la santé (boiteries…). Sur le toit, une solution de chaux pour l’effet albédo Mais une fois la cartographie de l’étable en main et les zones critiques bien identifiées suite aux mesures de HLI, que faire ? « La solution la plus élémentaire pour éviter le rayonnement solaire direct sur les vaches est de les mettre à l’ombre, explique Daniel Le Clainche. Ce qui n’est pas si simple dans des bâtiments avec beaucoup de translucides en toiture voire équipés d’un dôme éclairant. Dans ce cas, l’alternative consiste à profiter de l'effet albédo qui correspond à la capacité d'une surface à réfléchir l'énergie solaire. » Plus un matériau a une couleur claire, plus son coefficient albédo est faible et plus il va réfléchir les rayons infrarouges. « Comme sur les serres en production de tomates, l’idée est de peindre en blanc pour l’été les éléments qui laissent passer le rayonnement. » La chaux éteinte est un produit adéquat pour cela : peu coûteuse, non polluante et facile à appliquer, elle assure un effet albédo important. « La recette est simple : 1 kg de chaux éteinte pour 1 L d’eau. 10 L de cette solution permettent donc de couvrir 100 m2 de toiture. » L’application se fait au pinceau ou au pulvérisateur à dos (les gros serristes espagnols utilisent un drone voire un hélicoptères). Dernier avantage de ce mélange, les pluies d’automne lessivent la chaux. Limiter le rayonnement avant de ventiler ou de brumiser L’été dernier, plusieurs éleveurs ont testé la méthode en Bretagne pour limiter le stress thermique subi par leurs animaux à l’intérieur. Daniel Le Clainche a suivi en particulier une stabulation morbihannaise en traite robotisée. « Seule la moitié des toitures de ce bâtiment grande largeur a été couverte à la chaux. Cela a permis de faire des mesures comparatives. La température globe noir était en moyenne inférieure de 10 °C dans les zones sous toit blanchi », rapporte l’expert. Avant de rappeler que la variable globe noir a un poids important dans l’équation HLI par rapport à l’hygrométrie ou à la vitesse d’air. « Dans les campagnes, quand les vaches souffrent de la chaleur, beaucoup sautent sur l’occasion pour installer des ventilateurs voire des brumisateurs… Mais dans un bâtiment avec beaucoup de translucides et / ou un large dôme éclairant, c’est mettre la charrue avant les bœufs, l’intérêt est quasiment nul. La priorité des priorités est de réduire le phénomène de rayonnement pour baisser la température infrarouge et redonner de manière efficace du confort thermique à ses vaches. » « Un bâtiment parasol l’été » « Le bâtiment idéal l’été reste le concept du “bâtiment parasol” : On met les vaches en dessous à l’ombre et on crée un flux d’air… Je suis donc un fervent défenseur de l’idée du zéro translucide en toiture. Et plus particulièrement sur les surfaces sud ou sud-ouest qui sont exposées aux rayons du soleil à son zénith », confie Daniel Le Clainche. Pour lui, avec des matériaux type polycarbonate en pignon, des bardages modulables ou des filets sur les longs-pans, on aura tout de même la luminosité nécessaire à un bâtiment agréable pour les animaux et les éleveurs mais « sans l’effet de serre » qu’induit le phénomène de rayonnement.

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