Caroline Marsaud et Tanguy Cueff se sont installés le 1er octobre 2024. Leurs cédants conduisaient 140-150 vaches pour livrer 1,3 million de litres de lait par campagne. Leur arrivée a été l’occasion de changer de crémerie pour approvisionner l’entreprise Waouh à Plouédern, bien connue pour ses crêpes. « Nous avons un contrat d’un million de litres, plus ou moins 10 %. Le troupeau a donc été réduit à 100 -110 vaches. Cette baisse d’effectif donne de la souplesse au niveau des infrastructures et désormais génisses et taries sont élevées sur le site principal. »
La souche Identité porte l’Isu
« Le troupeau se situait dans le top 100 français en termes d’Isu avec une moyenne à 152 (3e du Finistère) et de bonnes indexations sur la Santé mamelle à 1,2 point et la Reproduction à 1,1 point notamment », confient les deux anciens techniciens pointeurs chez Prim’Holstein France. Née d’un embryon, Identité (Fenugrec x Voes Tita) a été la vache numéro 1 en Isu en France en 2016 : aujourd’hui, 40 % du cheptel en descendent ainsi que tous les taureaux produits (hors rameau rouge). Historiquement, l’élevage est créateur de mâles pour Innoval : cinq taureaux dont Perivis sont sortis au catalogue en 2021 ou encore Spot RF en 2023. En rouge, la tête de souche Subvention (Spice P x Perikles) est également issue d’un embryon remontant à une souche de l’élevage Rannou à Pleyben. Homozygote sans cornes, pleine sœur du taureau Sho Red PP, sa fille par Tyson Red vient d’être collectée avec le taureau Maksim P. Les Finistériens prévoient de poursuivre les collectes pour produire des « embryons schéma » avec Synetics, mais aussi de rentrer quelques « embryons plus morpho » comme récemment ce produit de la famille Lovhill Goldwyn Katrysha EX 96.
Les vaches, on les rend belles par le lait
Génotypage, semence sexée et collectes
Le troupeau qui comportait une part importante de primipares se situait autour de 81 points en Note globale à la transmission. « Objectif : faire progresser l’ensemble de façon homogène en conservant un petit noyau pour la création génétique basée sur l’Isu en rouge et en noire », explique Tanguy Cueff. « Et rechercher davantage de longévité en visant au moins trois lactations de moyenne. Des vaches revêlent actuellement, les jeunes ont de très bons pis et le pointage a déjà grimpé à 82,2 points. »
Tout le monde est génotypé. « En lisant un linéaire d’index, nous nous projetons aussitôt l’animal en devenir. Nous croyons vraiment aux index génomiques. »



Travailler les membres et exprimer le potentiel
Les meilleures génisses sont inséminées en sexée, « les intermédiaires » reçoivent un embryon, les moins bonnes sont croisées ou accouplées avec « un taureau basique » pour l’export. Les taureaux sortis de la cuve ces derniers mois se nomment Millstone, Haniel P, Larizio, Harrel Red P, Airdrop, Hendrick, Uzeda P, Victorian, Vauban P…
Le cap est clair : sélectionner sur la morphologie fonctionnelle en travaillant sur le triptyque pis – pattes – production en maintenant la largeur de poitrine. « Les animaux qui vieillissent sont ceux qui sont équilibrés, avec de bonnes proportions. » Le couple veut surtout éviter « un troupeau dépendant du pareur » et entrevoit une grosse marge de progression sur le poste Membres. Côté accouplement, l’effort est porté sur les index Santé du pied et Résistance aux lésions. Côté milieu, l’amélioration du confort des bâtiments est au programme « grâce à la bonne valorisation du lait qui permet d’investir ». Des matelas vont être ajoutés aux logettes paillées. Cet automne, les aires d’exercice seront couvertes de tapis (Magellan de Bioret) et l’arrivée d’un robot aspirateur à lisier (Lely Discovery) est prévue.
Concentrer le temps de pâturage
En plus du confort, les éleveurs investissent « temps et argent » sur l’élevage des génisses (poudre de lait à 27 % de protéines, ration sèche avec aliment 1er âge à 18 % de MAT de 0 à 8 mois pour limiter les stress de transition, écornage sous sédation et tonte pour prévenir les problèmes pulmonaires…) et la période sèche notamment la préparation au vêlage. « L’objectif est de tout mettre en œuvre pour augmenter la performance laitière et exprimer toute la valeur génétique déjà présente du troupeau », explique Caroline Marsaud. « Les vaches, on les rend belles par le lait », insiste son compagnon.

Pâturage optimisé
Neuf mois après l’installation, la moyenne d’étable a progressé de plus de 2 000 kg de lait /VL/an. « Le travail autour de la préparation au vêlage et une alimentation soutenue en énergie comprenant de la graine de lin ont contribué à atteindre rapidement cette productivité. » Pour autant, il était primordial pour les associés de maintenir le pâturage. Le troupeau en production bénéficie de 22 ares de pâturage par tête. « De mi-mars à début novembre selon la météo, il ne sort plus qu’en journée. » Concentrer le temps de pâturage a plusieurs objectifs. « D’une part, cela permet d’avoir les animaux sous la main pour démarrer tôt la traite et être au petit déjeuner avec nos enfants à 8 h. D’autre part, pour faire grimper le niveau d’étable, les vaches ont accès sur une durée réduite à une herbe toujours de qualité pour économiser du correcteur – cela passe par des débrayages et fauches régulières de paddocks – et ingèrent ainsi davantage de ration à l’auge. » La stratégie porte ses fruits. Le troupeau tourne aujourd’hui à 35 kg (« On regarde les compteurs monter à la traite ») pour un coût alimentaire de 134 € et une marge sur coût alimentaire dépassant les 400 € / 1 000 L pour 13,7 € par vache par jour.



Randonnée sort du bois aux comices
Les deux amoureux des belles vaches font la part des choses entre « beauté et utilité » quand on aborde la question des concours. « Le ring, c’est une fois dans l’année. La traite c’est tous les jours… Avant d’être des animaux de show, nos vaches sont d’abord des travailleuses. »
Pour autant, trois ouvrières du Gaec ont été présélectionnées pour le Space. À cinq ans, Randonnée du Lac Blanc (Hothand x Luaces) est déjà en 4e lactation. Pointée 87 points en Note globale, 89 points en Mamelle, elle n’était encore jamais sortie avant l’arrivée des repreneurs mais est vite devenue la « mascotte » de l’élevage. « Moderne, fine dans l’ossature, pleine de jeunesse, une mamelle compacte, un bloc arrière bien attaché et beaucoup de lait… Nous l’avons tout de suite repérée. On s’est dit que si elle revêlait, nous avions moyen de nous faire plaisir en concours. » En mai, elle a donc participé au Forum de Ploudaniel où elle a été sacrée Grande championne et Meilleure mamelle adulte pour sa première. En juin, invitée au comice Élorn-Penfeld à Landerneau, elle a à nouveau terminé Grande championne. « Issue d’une souche développée à partir d’un embryon allemand, sa grand-mère a été collectée avec le taureau Luaces : plusieurs vaches présentant de la production et de bonnes attaches descendent de cet accouplement. »
Autre candidate pour Rennes, Ultrafine du Lac Blanc (Rosario x Oublon). « Nous avons vite noté le chic et la belle robe noire de cette génisse. Elle a vêlé fin juin. Sa ligne de dos tendue, son squelette et sa mamelle nous plaisent beaucoup », sourient ses propriétaires.
Tesla, l’as du troupeau de coeur
Dernière prétendante, Tesla (Mooï x Fitz). « Côte bombée, largeur de corps, jolie mamelle… » Des qualités qui lui ont permis de finir Réserve grande championne et Championne espoir au comice Élorn-Penfeld. Pointée 85 points en Note globale et 88 points en Mamelle, cette primipare – porteuse du gène sans corne et du facteur rouge – est issue de leur « troupeau de cœur ». Caroline Marsaud raconte : « En 2021, quand mes parents ont arrêté leur carrière en Vendée, je ne pouvais me résoudre à me séparer d’animaux issus de montages génétiques typés nord-américains que je travaillais depuis mes 15 ans. » Une partie du cheptel a ainsi été mise en pension chez Thierry Picard à Plouzévédé, Jean-François Berthou à Plounévez-Lochrist, à l’EARL de Kreis-Ker à Plogonnec et au Gaec Douar-Breizh à Milizac-Guipronvel. « Grâce à la solidarité et l’amitié, nous avons préservé ces fameuses souches vendéennes alliant morphologie et production. »
Toma Dagorn
Une génétique valorisée à la reprise
« Des vendeurs, on en a vus. Des cédants beaucoup moins… Ici, il y avait une vraie envie de transmettre : les associés tenaient tous les documents administratifs à disposition, l’évaluation était claire, il n’y a eu aucun tabou dans les négociations », sourient Caroline Marsaud et Tanguy Cueff. Une affaire repérée grâce à leur réseau et au Répertoire départ-installation (RDI). « Le site était fonctionnel, évolutif, entretenu et comportait une maison d’habitation sur place, idéale pour notre vie de famille », poursuivent les parents de Gabin, 7 ans, et Mathéo, 5 ans. « Lors des discussions, nous avons fait un pas vers nos cédants concernant la qualité génétique du cheptel. Nous leur avons demandé le gain financier moyen lié à la génétique et l’avons ajouté à l’évaluation comptable », confient-ils. « À l’arrivée, c’est une belle histoire humaine. Le type de transmission que nous souhaitons à tout le monde. Les enfants ont vite trouvé leurs marques ici et nous avons recréé un réseau privé et professionnel. »