installation-eleveur-lait-exploitation-laitiere-cdoa - Illustration L’installation laitière a perdu ses repères

L’installation laitière a perdu ses repères

La CDOA des Côtes d’Armor a ajourné 5 dossiers d’installation. Cette position inédite reflète une tendance à des projets laitiers plus lourds et parfois précaires.

Traditionnellement, la Commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) distribue des avis favorables aux dossiers d’installation devenant ainsi éligibles à la DJA et à exonération de charges. Mais en février, la CDOA dans les Côtes d’Armor a tiré, et fort, la sonnette d’alarme : 5 dossiers, le quart de ceux présentés, ont été ajournés. « Du jamais vu », rapporte un observateur. « Autour de la table, nous étions tous d’accord, professionnels et représentants de l’Administration, pour dire que certains dossiers sont à risque. À nos yeux, des éléments n’ont pas été suffisamment pris en compte. Montant d’investissement massif sur 5 ans, surcharge de travail, souci d’autonomie fourragère ou marge de manœuvre inexistante…

Au moindre accident, certains projets pourraient partir à la dérive », explique Sébastien Rouault, président des Jeunes Agriculteurs qui siège à la Commission. Avant de  préciser que les dossiers ajournés ne sont pas plus fragiles que certains acceptés l’an passé. « Ils sont dans la droite ligne. Déjà, à la première CDOA, en avril 2015, nous avions constaté des prix d’équilibre passés de 300 à 330 € / 1 000 L. » Les JA avaient alors invité les banques à la vigilance. « Oralement avant le Congrès national de notre syndicat en juin. Puis, à nouveau, en septembre, par écrit cette fois… »

Typologie de projets bouleversée

Mais pour le Costarmoricain, « il ne faut pas se focaliser seulement sur ce prix d’équilibre. Certains à 340 € / 1 000 L ou intégrant 350 000 L de lait en plus sur une structure bien développée en rythme de croisière ne m’inquiètent pas. Malheureusement, il y a une telle disparité dans les dossiers… »
En fait, la libéralisation des volumes a bouleversé la typologie de l’installation en Bretagne. « L’après-quotas a créé un effet d’opportunisme via les rallonges des laiteries, après 30 ans de captivité », caricature un Morbihannais installé au début des années 80. « D’autant plus que la demande d’un JA est couverte à 90 % en prix A. C’est motivant, y compris pour des associés de la génération précédente qui vivent un peu ce développement par procuration. »

Auparavant, dans les projets d’installation (beaucoup par reprise) les compléments de référence étaient  généralement inférieurs à 100 000 L, « maximum 160 000 L et en moyenne 70 000 L en 2013 », rappelle André Corlay, chef du service Conseil aux entreprises à la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor. L’année 2014 a marqué une rupture avec un bond à 200 000 L de complément moyen… « L’approche du projet lait a changé : avant, le quota était très souvent le facteur limitant. Maintenant, c’est la main-d’œuvre, le bâtiment, le foncier… C’est à chaque jeune de définir son projet en fonction de ses objectifs et de son exploitation et non en fonction du volume maximum proposé. » Et parfois, il existe un risque réel de crise de croissance : « Le système des parents n’est pas forcément reproductible en passant de 400 000 à 700 000 L ou de 700 000 L à 1 million de L de lait ». Augmentation du cheptel et du niveau de production, nouveaux outils, travaux à mener… Le conseiller rappelle qu’une phase de développement n’est pas facile à maîtriser car beaucoup de paramètres bougent en même temps.

Développement sans foncier

Gildas Alléno, élu à la Chambre d’agriculture, qui siège à la CDOA, confirme : « On voit des dossiers de développement sans que l’assise foncière n’évolue, avec parfois 30 à 50 % de cheptel en plus à nourrir. Le poids du fourrage à collecter à l’hectare devient alors énorme. Sans oublier l’investissement nécessaire en bâtiment… Le risque sur un dossier installation vient d’un cumul de points de faiblesse. » Alors à l’avenir, les Jeunes Agriculteurs et la Chambre d’agriculture prévoient d’insister encore sur la préparation en amont des dossiers d’installation. Un diagnostic approfondi du projet technique devrait être mis en place. « Surtout pour les systèmes qui évoluent beaucoup par le volume de lait avec des incidences majeures comme l’introduction de la traite robotisée, l’arrêt du pâturage, le besoin en main- d’œuvre… » Après l’installation, des formations grands troupeaux seront également proposées aux jeunes. En attendant, les 5 jeunes aux dossiers ajournés se préparent à repasser devant une CDOA exceptionnelle le 17 mars pour expliquer leur projet. « Certains n’ont qu’à fournir des pièces en complément. D’autres doivent envisager de reporter une partie de leur plan d’investissement pour abaisser leur prix d’équilibre… », termine Sébastien Rouault.

Un certain nombre de jeunes installés dans les 3 dernières années sont en difficulté.
Souvent, ils ont surestimé dans leur Plan le prix du lait ou des éléments techniques comme le volume de lait par UTH. Ils font face à de trop grosses annuités. En cause, la conjoncture défavorable mais aussi parfois des coûts de reprise surévalués par rapport à la rentabilité de l’outil. Les dossiers d’installation sont généralement basés sur un prix du lait « moyenne des 5 dernières années ». Aujourd’hui, nous aimerions favoriser en Bretagne le mode de calcul d’Ille-et-Vilaine : moyenne du prix du lait des 7 dernières années en laissant de côté la meilleure et la moins bonne campagne, avant de prévoir une marge de sécurité de 5 %, indispensable pour affronter un souci de conjoncture ou financer ce qui a été prévu trop court dans le projet. Aujourd’hui, il donnerait 310 € / 1 000 L en prix de base.Auteur de la citation


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