Des sols bien nourris pour des fourrages nourrissants

L’agronome Jean-Luc Le Bénézic insiste sur le lien étroit entre le bon fonctionnement du sol et la valeur alimentaire de l’herbe, du maïs et des autres cultures. « Pour produire beaucoup de lait par vache ou par hectare, l’idéal est de s’appuyer sur un bon ensilage de maïs et de l’herbe consommée en vert, en pâturage ou en affouragement. C’est une formule très efficace », démarrait Jean-Luc Le Bénézic, conseiller agronomique chez Eureden, intervenant début mars pour un groupe de coopérateurs Sodiaal et Eureden. Devant les éleveurs rassemblés pour la journée sur l’exploitation de Gwenaël et Nicolas Renaud à Elven (56), le spécialiste s’est efforcé de passer des messages importants concernant le fonctionnement des sols, la croissance des cultures et la qualité des fourrages. « On oublie souvent que l’herbe ne pousse pas toute seule. Pour produire une tonne de matière sèche, qu’elle soit fauchée ou pâturée, elle s’avère deux fois plus gourmande en azote, en potasse et en calcium qu’un maïs », confiait-il. Avant de rappeler un repère à avoir à l’esprit : « Un ensilage de maïs rendu auge coûte aujourd’hui autour de 120 € / t MS. Pour un ensilage d’herbe ou un enrubannage, c’est davantage. » Dans les fosses et les fumières, une richesse Sur cette ferme, les associés cultivent de l’orge et utilisent la paille pour la litière accumulée des vaches. « Riche en carbone en plus de sa richesse en azote, le fumier obtenu a un rapport C / N idéal pour nourrir votre 2e cheptel, les micro-organismes du sol », reprenait l’agronome. Et de marteler : « Le fumier est un super fertilisant, on l’oublie trop. » L’observateur pointait au passage les conséquences de la guerre en Ukraine sur le prix de l’unité d’azote minéral passé de 1 à 3 € en quelques mois. « Aujourd’hui, son prix est redescendu à 2,3 €. Mais on ne reverra plus l’unité à 1 €, vu le coût de l’énergie désormais. » Même s’il a bien conscience que cela coûte de ramasser de la paille, de la déplacer, de la stocker, de l’épandre en litière, de la reprendre… Jean-Luc Le Bénézic voit comme « une richesse » de disposer de fumier ou d’un mix fumier / lisier. Le fervent défenseur de l’élevage tient à rappeler combien les animaux sont indispensables dans la cohérence des systèmes de production. « Les fumiers nourrissent le sol qui ensuite restitue et nourrit les plantes cultivées. Les études ne cessent de montrer que la fertilisation organique est le principal levier pour assurer la bonne productivité et la bonne santé des sols. » Et de comparer au passage les terrains de la Beauce ou de la Marne qui atteignent « péniblement » 1,5 % de matière organique à ceux de ce Gaec morbihannais qui arrivent à 3 %. Amender pour débloquer le potentiel des sols « Avec un C / N autour de 10, le fumier bovin constitue une ration parfaitement équilibrée pour nourrir les micro-organismes du sol qui ont besoin de carbone. Alors qu’en système lisier intégral, il est nécessaire de rapporter du carbone », reprenait le conseiller. « Quand vous faites une analyse de sol, c’est important de regarder le pH, le taux de matière organique… Mais, de grâce, surveillez ce rapport C / N. » S’il se situe entre 8 et 10, tout va bien, l’agronome invite à ne « rien » changer. « Mais si ce rapport se trouve entre 11 et 17, il est probable que la minéralisation soit faible et que vos cultures patinent. » Sur des roches mères acides en Bretagne, Jean-Luc Le Bénézic revient sur l’importance des apports en calcium et magnésium pour ramener le curseur dans la bonne zone. « Les éleveurs font des rations aux petits oignons pour leurs animaux. Mais ils n’ont même pas la moyenne quand il s’agit de nourrir leur sol », lançait-il un brin provocateur. « Au lieu d’appeler le vétérinaire pour des perfusions de calcium dues à des fièvres de lait, apporter régulièrement ce calcium rapidement assimilable au sol pour ramener le C / N en dessous de 10 vous coûtera moins cher. Les anciens disaient fumer sans chauler, c’est se ruiner sans y penser. Aujourd’hui, le calcium et le magnésium sont l’essence de tout, ils vont en effet faire travailler tout le reste. » Pour autant, les pratiques d’antan de chaulage triennal ne sont plus adaptées quand on exporte aujourd’hui 10 t de MS / ha en herbe ou 13 t en maïs par exemple : « La première culture prend presque tout, la 2e le reste et la 3e crève de faim… », résumait l’agronome. Ce-dernier plaide pour un programme de chaulage fractionné pour « donner régulièrement à manger » aux sols, de l’ordre de 600 à 900 kg de chaux mixte / ha ou 1000 à 1500 kg de carbonate magnésien / ha tous les 12 ou 18 mois. Ses recommandations : du carbonate l’été sur les chaumes, une chaux mixte (carbonate + chaux éteinte) en sortie d’hiver. « Simplement en chaulant mieux ses terres et en répartissant bien ses fertilisants organiques, l’agriculteur améliorera la santé de son sol et observera très rapidement une baisse de 20 % de la quantité de produits phytosanitaires utilisée. »

Des sols bien nourris pour des fourrages nourrissants

Gaec de Kerenaud, à Elven (56)

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