Adapter les espèces aux sols séchants ou humides

Philippe Le Dû a participé au projet AEP « Adapter ses prairies en zones séchantes » qui lui a permis d’ajuster ses mélanges et sa conduite. De nouvelles espèces sont introduites telles que le brome, la fétuque rouge et bientôt le trèfle fraise. Sur une SAU de 94 ha, Philippe et Catherine Le Dû conduisent un élevage laitier bio basé sur 65 vaches dans le sud Ille-et-Vilaine (319 000 L/an). Leur système est très herbager avec 73 ha en prairies multiespèces, dont 59 ha facilement accessibles aux laitières. Depuis quelques années, Philippe Le Dû travaille sur le choix des espèces pour qu’elles soient adaptées au mieux à son système de production. « Nous avons différents types de parcelles sur l’exploitation dont certaines sont séchantes sur des buttes, d’autres, près des cours d’eau, sont parfois très humides ou très séchantes l’été. Cette diversité est aussi un avantage car cela échelonne la production fourragère et le pâturage », explique-t-il. Il travaille pour le moment avec une base RGA - fétuque élevée - pâturin des prés - trèfle blanc sur toutes ses prairies. « Le RGA donne du rendement mais ne produit plus à partir de 25 °C même s’il a de l’eau. La fétuque démarre assez vite la 2e année mais il faut la limiter un peu car elle peut être envahissante. Le pâturin des prés démarre vite quand les sols sont suffisamment humides. De la fétuque des prés est ajoutée sur les parcelles moins séchantes. » Sur les prairies de fauche, « j’ajoute de la luzerne quand les terres ne sont pas trop humides, du trèfle violet et du RGH qui est opérationnel 3 ans. » Pour mieux maîtriser le pH des terres, l’agriculteur réalise des amendements de sable marin. Sur les pâturages, « je limite un peu le RGH et choisis plutôt un type anglais qui assure le rendement la 1re année. Je mets plusieurs trèfles : blanc nain et intermédiaire. Le trèfle hybride est intéressant pour les terres plus humides. » De la luzerne est aussi implantée dans les parcelles saines de pâturage. « Je préfèrerais mettre la variété luzelle qui résiste mieux au piétinement mais elle est difficile à obtenir en bio… ». Du plantain aide à gérer le parasitisme. Chicorée sur les parcelles à retour rapide des vaches « Dans les parcelles proches de la stabulation, j’ajoute de la chicorée. Cette plante appréciée des vaches amène du potassium et une bonne valeur alimentaire. Sa profonde racine pivotante structure le sol et va chercher des éléments en profondeur. Par contre, elle monte rapidement en graines. Je fais donc revenir les vaches toutes les trois semaines sur ces parcelles moins éloignées. » Comme la luzerne et la fétuque élevée, la chicorée fait partie des prairiales qui résistent le mieux à la sécheresse. « Globalement, mes prairies, en pause cet été, sont bien reparties en automne dernier. » S’agissant du dactyle, « je ne l’utilise plus car il est trop agressif et envahissant. Cela peut être acidogène pour les vaches. » Avec une dizaine d’autres éleveurs laitiers, Philippe Le Dû a participé au projet AEP (Agriculture écologiquement performante) « Adapter ses prairies en zones séchantes » qui s’est déroulé sur trois ans, animé par Agrobio 35. Un travail en groupe qui a permis de bâtir des références locales. « Nous allons poursuivre cette démarche de mutualisation », ajoute-t-il. Le groupe est accompagné par Vladimir Goutiers, de l’Inrae, qui propose notamment des mélanges d’espèces correspondant aux différents contextes de parcelles. « Des analyses de sol ont été réalisées lors de l’AEP. » 2-3 cm de profondeur pour le brome Dans le cadre du projet, Philippe Le Dû a testé de nouvelles espèces comme le brome (de sitka et valdivianus) en association avec du plantain, de la fétuque élevée, des trèfles (blanc nain, blanc géant, violet diploïde). « Le rendement attendu grâce au brome n’a pas été au rendez-vous car il a été semé en même temps que les autres espèces, en surface, et n’a pas germé. Il est préférable de le semer à 2-3 cm de profondeur. Je retente cette année un semis simultané, mais avec le semoir de la Cuma qui a deux trémies : le brome a été semé à l’avant et rappuyé par un rouleau, les autres espèces à l’arrière. Ça a l’air de mieux fonctionner… » Autre décision prise suite au travail en groupe : semer les mélanges avec luzerne au printemps « pour une implantation plus rapide. » Davantage de lotier corniculé De bonne valeur alimentaire et non météorisant, le lotier corniculé intéresse aussi l’éleveur, amenant des protéines de manière plus tardive au printemps - début d’été et résistant bien dans le temps. « Son coût est cependant élevé… » Sur une parcelle humide sous les chênes, de l’agrostide blanche a été intégrée dans un mélange pour concurrencer l’agrostis stolonifère, plante qui peut poser problème. De la fétuque rouge, résistant au piétinement, a aussi été ajoutée. Bientôt, le trèfle fraise, couvre-sol robuste sous les sabots et poussant sur les parcelles humides, va être essayé. Pour la fertilisation, « nous avons du fumier et du lisier. C’est intéressant d’avoir les deux pour une réponse plus ou moins rapide de la production fourragère. » Les parcelles « spéciales fauche » sont récoltées 4 à 6 fois par an. « Toutes les prairies sont fauchées au moins une fois dans l’année. » Le stockage se fait uniquement en enrubannage et les bottes sont triées et utilisées selon la valeur. Méteil grain pour les génisses Globalement, l’investissement en semences est important sur les prairies, avec des mélanges qui peuvent monter à 300 voire 400 €/ha (contre moins de 200 € il y a quelques années). « Mais mon objectif est de les faire durer. » Les éleveurs cultivent aussi 3 ha de méteil grain (triticale, féverole, pois) pour les génisses et du maïs épi sur 6 ha (ensilage ou déshydraté) pour la ration des vaches. « Nous souhaitons arrêter le maïs grâce à des prairies plus équilibrées. » Seuls du minéral, des pierres de sel et de l’argile sont achetés, parfois de la paille. Des céréales pour la consommation humaine (blé, seigle) sont aussi produites sur 12 ha.

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