reforme-pac-avenir-veau-boucherie - Illustration Avenir bouché pour le veau de boucherie ?

Avenir bouché pour le veau de boucherie ?

La nouvelle Pac est très défavorable au veau de boucherie. Cette baisse des paiements directs peut-elle ébranler la filière ?

La réforme de la Pac va réduire fortement le niveau d’aides des éleveurs de veaux de boucherie. Les simulations de CerFrance s’appuyant sur les données des 97 éleveurs bretons spécialisés parlent d’une perte de 46 % des soutiens entre 2013 et 2019, passant ainsi en moyenne de 1 420 € à 765 €/ha. Une pilule difficile à avaler pour « l’une des filières d’élevage avec le revenu par UTH le plus faible », selon Hervé Sévenou, installé avec près de 700 places à Sizun (29) et élu à la Chambre d’agriculture. « Une production où le montant des aides représente parfois plus que le revenu qui reste au final », rajoute Catherine Debroize, responsable de la section veau de boucherie de la FRSEA qui mène un atelier de 480 places à Essé (35).

Avec une telle chape de plomb pesant sur les producteurs d’ici 2019, le veau de boucherie a-t-il encore de l’avenir ? Catherine Debroize répond d’un oui franc et optimiste : « Sur le marché français, il y a une entreprise qui s’est engagée dès 2013 à combler les pertes d’aides Pac jusqu’en 2019. C’est courageux. Aux autres intégrateurs de suivre cet exemple, même si pour l’instant ils traînent les pieds. » En début de semaine, Serval, dont la filiale « Veaux des terroirs bretons » basée à Morlaix cherche actuellement de nouveaux ateliers, a annoncé aux éleveurs sous contrat qu’il compenserait « en partie » la chute des soutiens.

Du côté du Syndicat de la vitellerie française (SDVF) dont les intégrateurs adhérents représentent 60 % de la production, on « prend acte des simulations de diminution des aides présentées par le syndicalisme, même s’il n’y a pas deux cas de figure identiques avec des baisses variables d’un atelier à l’autre. » Mais pour son secrétaire général Thierry Berthelot, « l’avenir du veau de boucherie ne peut se résumer à la simple analyse des soutiens Pac. D’ailleurs, un éleveur qui démarre n’aura ni DPU, ni DPB. »

Éleveurs sans terre et DPU spéciaux

En Bretagne, il y a près de 100 éleveurs de veaux sans terre. Ces derniers profitaient de « DPU spéciaux » qui disparaissent avec la nouvelle Pac. Il est impératif pour eux de trouver un hectare de terre d’ici la prochaine déclaration Pac de mai 2015. « Pour cela, ils sont invités à se faire connaître de leur DDTM, Chambre d’agriculture, Centre comptable ou FDSEA », explique Catherine Debroize de la FRSEA qui s’est déjà rapprochée de la Safer et des Comissions structure pour leur faciliter l’accès à un mininum de foncier pour rester éligibles aux aides.

Rallonger le contrat-type

Avec une forte part de producteurs de plus de 50 ans, « tous les intégrateurs se posent la question du renouvellement du potentiel de production. » Raison pour laquelle un tour de table a eu lieu dès 2011 au SDVF pour créer « une trame en s’engageant à fournir au porteur de projet de l’information technique et macro-économique, de la formation, un niveau de prestation à travers la contractualisation et une étude prévisionnelle de rentabilité sur 8 ans par exemple… » Du côté des producteurs, on précise que le « contrat-type d’intégration 3 bandes » du ministère de l’Agriculture court sur une durée de 18 mois environ. « Les études sur des durées plus longues n’ont aucune valeur juridique et donc peu de poids pour faire financer des ateliers à plus de 1 000 € la place », déplore Catherine Debroize. « Depuis le début de l’année, il y a une réflexion à Interveau qui rassemble les 13 familles de la filière pour tenir compte de nos charges grâce à des indicateurs et rallonger le contrat-type.

Au moment des mises aux normes par exemple, le ministère avait permis des contrats 10 bandes adossés au temps de remboursement. » Même chez Serval, on concède que « ce contrat est un peu poussiéreux  : n’y voyant pas très clair, les financiers ne suivent plus alors que la baisse des aides est enclenchée. Nous cherchons à mettre en place des ateliers de 200 à 250 places au minimum, nous voyons des dossiers refusés… » Hervé Sévenou, lui, conçoit que le financement d’un gros atelier spécialisé puisse faire peur. « Avec nos contrats, il est difficile d’aller voir une banque. Mais en porc, les prêteurs financent pourtant sans lisibilité… » Un spécialiste d’un organisme bancaire assure pourtant que « peu importe le montant à mettre sur la table, on regarde avant tout la rentabilité après avoir mis de côté les subventions qui ne doivent pas être les seules à apporter du revenu. Mais d’ici 2019, il faut absolument un accompagnement des intégrateurs… »

Le veau met ses espoirs sur le second pilier

En attendant, la profession compte beaucoup sur les 122 millions d’euros du second pilier de la Pac alloués par la région au plan de modernisation des bâtiments d’élevage. « Vu le contexte, le veau de boucherie doit être encore plus reconnu que les autres filières au titre du second pilier », espère Catherine Debroize. « Pour installer des jeunes, il faudra rénover ou renouveler le parc bâtiment, automatiser, obtenir de meilleures conditions de travail… C’est indispensable pour redorer le blason de notre production. » Hervé Stévenou, lui, ne veut pas tout miser sur l’agrandissement « avec des objectifs à 400 veaux par UTH. » Il préfère parler « d’amélioration de la productivité et de la technicité. » Mais les deux spécialistes se rejoignent sur la nécessité de renouveler le parc en fonction de la demande « comme les intégrateurs semblent le faire depuis la dernière crise en 2007 », et de plancher sur le volet énergie grâce aux financements du fameux second pilier. Le veau de boucherie a donc de la ressource. « Sans oublier notre filière est peu gourmande en terres épandables », conclut le Finistérien alors que l’après-quota laitier accentue la pression sur le foncier. Toma Dagorn

L’avis de Catherine Debroize, Section veau de la FRSEA Représentante à Interveau

Même si la consommation de viande baisse, je crois beaucoup en l’avenir du veau de boucherie, filière régulatrice de la production de lait qui va augmenter en Bretagne avec l’après-quota. Nous récupérons 90 % des mâles laitiers et écoulons une forte part du lactosérum et de la poudre de lait issus des laiteries via les 350 000 t d’aliment d’allaitement consommées. Le chiffre d’affaires du veau en France, c’est 1,15 milliard d’euros pour un prix moyen de 6,20 € par kilo carcasse. Ce n’est pas une paille quand même. Cela représente 13 % de la production de viande bovine, soit 186 000 t équivalent carcasse.


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