Brexit, un report pour éviter un scénario catastrophe ?

Les responsables ovins craignent le « no deal » et ses conséquences néfastes pour la filière.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a invité le 14 mars le Royaume-Uni à « repenser sa stratégie pour le Brexit » s’il veut obtenir une « prolongation » pour reporter la date de son divorce avec l’Union européenne prévue le 29 mars. Votée au Parlement britannique le 14 mars, cette décision sera à son tour portée au programme du sommet européen qui se tiendra les 21 et 22 mars.

-20 % de viande ovine sur les étals français

Les errements britanniques sur ce dossier laissent planer la menace d’un Brexit sans accord. Un tel cas de figure serait « très préjudiciable aux agriculteurs irlandais et français » et tout particulièrement pour la filière ovine, relancent les responsables professionnels lors de la journée grand angle ovin, organisée par l’Institut de l’élevage le 14 mars. Si, d’ici une semaine, aucun accord n’est trouvé, la Grande-Bretagne deviendra un pays tiers « avec rétablissement des droits communs par défaut : rétablissement de contrôles sanitaires sur les animaux vivants et produits d’origine animale, contrôles phytosanitaires, instauration de droits de douane… », rappelle Vincent Hébrail-Muet, de la DGPE au ministère de l’Agriculture… Et même si Londres a annoncé le 13 mars que, pour atténuer les conséquences d’un Brexit sans accord, les droits de douane britanniques seraient supprimés temporairement pour 87 % des importations du pays, l’Europe imposera les siens, et à taux plein pour les importations ovines. « Or, 50 % des importations européennes de viande ovine passent par le Royaume-Uni, en majorité en provenance de Nouvelle-Zélande », insiste François Guérin, du Copa-Cogeca.

« Personne n’en sortira gagnant, alerte Michèle Baudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO). Sans accord, le marché ovin sera perturbé des deux côtés de la Manche. Sans l’importation de ces produits anglais, la filière française sera déstabilisée. La viande ovine risque de ne plus être visible pour le consommateur dans les linéaires. Ce dernier risque alors d’orienter ses achats vers d’autres viandes. » Au final, dès le Brexit prononcé avec ou sans signature des négociations, les volumes provenant de Nouvelle-Zélande seront répartis à 50-50 entre l’Europe et le Royaume-Uni. « Mais cela représentera plus de 20 % du volume qui ne sera plus accessible pour les consommateurs… », chiffre François Guérin. Moins de produits, moins d’achats, une catastrophe pour cette filière qui peine depuis plusieurs années à conquérir de nouveaux consommateurs.

« Ne pas perdre un seul producteur »

Les éleveurs français vont être « coincés dans un étau entre un risque de perte de compétitivité face à l’agneau britannique (suite à une potentielle baisse de la devise anglaise) et les provenances de Nouvelle-Zélande et d’Irlande (pénalisée sur ses exports vers l’Angleterre, voir encadré). Deux pays qui risquent de faire le forcing pour maintenir leurs volumes à l’export », analyse Michèle Baudoin. Avant de rajouter : « L’Europe ne doit pas être autiste. Si elle finance la promotion pour la viande ovine européenne, c’est qu’elle y trouve un intérêt. Nos productions contribuent à l’économie dans nos territoires. Elle se doit d’être vigilante afin de parvenir à un accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, pour ne pas perdre un producteur, un consommateur, un territoire… ».

Exportations irlandaises mises à mal

Les droits de douane britanniques seront maintenus sur les exportations irlandaises (bœuf, agneau, porc, volaille et certains produits laitiers) afin de soutenir les producteurs anglais. Le bœuf irlandais pourrait perdre 800 M€, 50 % des exportations du pays dans ce secteur étant destinées au voisin britannique, selon l’IFA. Un volume qui pourrait alors se diriger vers la France ou vers nos marchés historiques (Italie, Grèce, Allemagne…) craignent les responsables professionnels de ces filières.


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