Avec la hausse du prix du matériel neuf, investir dans un télescopique d’occasion peut s’avérer judicieux pour l’agriculteur souhaitant maintenir ses performances sans alourdir ses charges de mécanisation. Une stratégie qui reste pourtant jugée risquée par de nombreux exploitants, inquiets du manque de garanties sur l’état réel des machines. « Les chargeurs télescopiques sont souvent utilisés de manière intensive. Le client a besoin d’être rassuré sur la durabilité de son achat », reconnaît Brice Moessard, commercial occasion au sein du groupe Axxel, dont fait partie la société Axxel Manutention, concessionnaire Manitou sur le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. Installé depuis un an à Theix-Noyalo (56), dans les anciens locaux du constructeur de remorques Le Normand, le centre reconditionne une centaine de matériels par an, revendus sur l’ensemble de la Bretagne.
Une quinzaine de télescopiques agricoles reconditionnés par an
« En incluant les engins trop usés, laissés en l’état et revendus à l’export, l’activité occasion totalise près de 350 machines par an, pour un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’euros. Les matériels agricoles en représentent 1,2 million, dont une quinzaine de télescopiques reconditionnés chaque année », détaille Stéphane Aumont, directeur général d’Axxel Manutention. Un volume qui pourrait augmenter, à condition de trouver la main-d’œuvre qualifiée nécessaire, souligne le dirigeant. « Aujourd’hui, il faut compter six à huit semaines entre la reprise de la machine et sa remise en état. »
40 à 50 % moins cher que le neuf en moyenne
Ce temps de préparation est plus ou moins long selon l’état du matériel et le niveau de reconditionnement choisi par l’acheteur. La formule standard comprend une vérification complète des fonctionnalités de l’appareil et un entretien conforme aux préconisations du constructeur. Elle inclut aussi un nettoyage méticuleux, une vérification générale périodique (VGP) effectuée par un prestataire spécialisé, ainsi qu’une garantie de conformité CE attestant qu’aucune modification structurelle n’a été réalisée sur la machine.
Changement des pièces usées à plus de 40 %
La formule premium, choisie par 80 % des clients, prévoit en plus le remplacement des organes usés à plus de 40 % par des pièces neuves d’origine ou, parfois, des pièces d’occasion. Certains composants, comme les vérins hydrauliques, peuvent être réparés par des prestataires spécialisés. Les pneus sont remplacés lorsqu’ils présentent plus de 50 % d’usure. « Le client peut également choisir de faire repeindre certaines pièces selon ses préférences », précise Brice Moessard. Le reconditionnement donne par ailleurs la possibilité d’adapter de nouveaux accessoires, « à condition que le montage ait été validé par le constructeur. » Toutes les machines proposées bénéficient d’une garantie de trois à six mois, selon le modèle et la révision effectuée.



Le coût du reconditionnement varie selon l’état initial de la machine et le niveau de remise en état souhaité. « Le tarif, plus élevé qu’une simple occasion, se justifie par un protocole complet d’inspection et de remise en état, conduit par une équipe spécialisée. Trois salariés, appelés “développeurs services”, suivent chaque étape : expertise, chiffrage précis des pièces et de la main-d’œuvre, puis établissement du tarif final. Le reconditionnement ne débute qu’une fois la machine vendue », explique Stéphane Aumont.
40 à 50 % moins cher que le neuf en moyenne
Au final, le prix d’un télescopique reconditionné reste nettement inférieur à celui du neuf.
« En moyenne, lorsqu’un modèle neuf vaut 100 000 €, le reconditionné se situe entre 50 000 et 60 000 €. L’écart est plus réduit sur les machines récentes affichant peu d’heures », précise Brice Moessard.
Fraîchement sorti de l’atelier lors de notre visite, un MLT 741-140 V+ de trois ans et 2 500 heures au compteur était affiché à 75 000 €. « Soit environ 30 % de moins que le neuf, avec une révision complète, des pneus neufs et un capot repeint », détaille le spécialiste.
Michel Portier
« J’ai sécurisé mon achat d’occasion avec le reconditionné »
Philippe Le Doujet, éleveur laitier à Ploërdut dans le Morbihan (50 vaches avec atelier de transformation et vente directe), a renouvelé son chargeur télescopique en juillet 2024. « C’est mon deuxième que j’achète d’occasion. Effectuant entre 300 et 350 heures par an, je ne pourrai pas rentabiliser un neuf », expose l’agriculteur. Le Manitou MLT 635-130 PS de 2018 affichait 4 000 heures lors de son achat pour un montant de 55 000 euros. « Même s’il est un peu plus cher qu’une simple occasion, ce modèle reconditionné est un gage de tranquillité pour un matériel de cet âge. Il doit être opérationnel tous les jours avec le godet désileur pour l’alimentation. » Les autres tâches principales du Manitou se concentrent sur le curage de la stabulation et le chargement de l’épandeur, ainsi que la manutention des balles de paille et de fourrage. Hormis une révision approfondie, le reconditionnement de cet appareil incluait le changement de pièces, représentant un coût total d’environ 9 000 euros, selon le concessionnaire. Après un peu plus d’un an d’utilisation, l’éleveur est satisfait de son choix. « Je n’ai eu qu’un seul souci sur le vase d’expansion du système de refroidissement, une pièce prise en garantie. »
Des pièces reconditionnées pour réparer à moindre coût
Sans investir dans un engin reconditionné, il est déjà possible de réduire les coûts d’entretien et de réparation en optant pour des pièces d’occasion. Proposées par certains concessionnaires ou par des spécialistes comme TMC Bejenne, ces pièces sont souvent vendues en l’état, sans révision préalable. Pour garantir la fiabilité et la performance, plusieurs constructeurs développent désormais leurs propres programmes de reconditionnement de pièces détachées.Chez Manitou, le programme Reman (pour remanufacturing) compte 230 références de pièces certifiées, dont des boîtes de vitesses, moteurs et composants hydrauliques. Ces pièces sont disponibles via le réseau de distribution de la marque.JCB propose une démarche similaire avec son service JCB Reman. Le constructeur britannique annonce jusqu’à 50 % d’économie par rapport au neuf, tout en offrant une garantie équivalente. Quatre types de produits sont aujourd’hui concernés : moteurs, transmissions, filtres à particules et pompes hydrauliques.Au-delà de l’aspect économique, le reconditionnement répond à un enjeu de durabilité : il réduit la consommation d’énergie et de matières premières liées à la fabrication d’une pièce neuve, et contribue ainsi au développement de l’économie circulaire.

