Cadmium

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Pendant que les pays du Nord – Suède, Finlande, Danemark – imposaient des seuils stricts de cadmium dans les engrais phosphatés, parfois limités à 20 mg kg, la France, elle, fermait les yeux. Là-bas, les agriculteurs ont payé leurs engrais un peu plus chers, mais ont préservé leurs sols… et leur image.

Ces bons élèves n’étaient pourtant pas exempts de contradictions. Une part de leurs engrais provenait de Russie : moins de cadmium, certes, mais des devises qui ont indirectement soutenu l’économie de guerre du Kremlin. Entre santé publique et géopolitique, chacun a fait ses compromis.

Au lieu de resserrer la norme, la France l’a relevée

La France, elle, a longtemps privilégié les phosphates marocains, à forte teneur en cadmium. Moins chers, plus accessibles. Une stratégie rentable pour les importateurs, moins pour les agriculteurs, à qui l’on demande aujourd’hui des comptes. Car ce sont eux, indirectement, que l’on désigne.

Depuis 2020, les alertes s’accumulent. Médecins, toxicologues, Santé publique France parlent même de « bombe sanitaire ». L’exposition au cadmium a doublé en dix ans, et les enfants français sont quatre fois plus contaminés que leurs voisins allemands. Le sénateur Joël Labbé réclamait déjà en 2020 une réduction du seuil à 20 mg/kg, comme l’Anses aujourd’hui.

Mais au lieu de resserrer la norme, la France l’a relevée. En février 2023, un arrêté ministériel a discrètement porté le seuil à 90 mg/kg pour certains engrais, invoquant des tensions d’approvisionnement. Une décision « temporaire », toujours en vigueur. « Un choix politique, pas sanitaire », tranche le député Benoît Biteau.

Et comme souvent, ce sont ceux qui n’ont rien décidé qui paient. Les agriculteurs seront-ils bientôt sommés de répondre de ce qu’on leur a imposé ?


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2 commentaires

  1. jacques DUTHEIL

    à la suite du précédent commentaire il faudrait conclure de la façon suivante :

    le bouc émissaire de la situation sanitaire française catastrophique, avec une population fortement contaminée au cadmium, reste difficile à traquer ; il pourrait ne pas se trouver du côté des agriculteurs, captifs d’un modèle agricole qui utilise beaucoup d’engrais d’extraction, non plus du côté du secteur des producteurs d’engrais ou des accords commerciaux entre France et Maroc, au vu des valeurs de concentration qu’on a pu recenser au commentaire précédent…

    alors peut-être davantage et du côté de la géologie et… des habitudes de consommation qui forcent un peu trop sur les céréales matinales (enfants) et les frites pour les autres repas… ?

    à la lumière de ces développements et de cette tentative de documenter cette question de santé publique on ne se privera pas de brocarder une autre question… celle écrite au gouvernement, du député Tristan Lahais (Ille-et-Vilaine (2e circonscription) – « Écologiste et Social »), le 18 mars 2025, qu’on reproduit ici :

    « M. Tristan Lahais attire l’attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger, sur l’importation de phosphate en provenance du Maroc, lequel est utilisé dans la fabrication d’engrais. Ce phosphate marocain affiche des teneurs en cadmium très supérieures à celles d’autres pays exportateurs de phosphate. L’HAS (Haute Autorité de santé) et l’ANSES ont démontré la dangerosité du cadmium, métal lourd et classé depuis plus de 10 ans comme cancérigène. Les accords de libre-échange entre la France et le Maroc permettent d’économiser 6,5 % de droits de douane sur chaque tonne achetée et provoquent une entrée sur le sol français d’un phosphate dangereux pour la santé des concitoyens. Il lui demande ce qu’il compte faire pour protéger les populations des effets délétères du cadmium, qui se retrouve, in fine, dans nombre de produits de consommation journalière (pain, biscuits, légumes). »

    source :

    https://questions.assemblee-nationale.fr/q17/17-5184QE.htm#:~:text=Ce%20phosphate%20marocain%20affiche%20des,de%2010%20ans%20comme%20canc%C3%A9rig%C3%A8ne.

  2. jacques DUTHEIL

    « […] seuil de 20 mg/kg de cadmium dans les engrais phosphatés en Suède, Finlande, Danemark…
    […] seuil porté à 90 mg/kg pour certains engrais en France en février 2023 par arrêté ministériel… »

    cependant si l’on se réfère aux documents FAO, dont un cite Van Kauwenbergh, (1997. Cadmium et autres éléments mineurs dans les ressources mondiales de phosphate naturel . Actes n° 400. Londres, The Fertilizer Society), on dépasse rarement de tels seuils de contamination dans les engrais issus des principaux producteurs mondiaux de phosphates naturels :

    3 mg/kg de cadmium pour le Maroc (2d producteur mondial et principal fournisseur pour la France), moins de 2mg/kg pour la Chine (1er producteur mondial) pour le gisement de Kaiyang…
    …mais toutefois 33 mg/kg pour les Etats-Unis (3e producteur mondial) pour les gisements de Caroline du Sud et 34 mg/kg pour la Tunisie (10e producteur mondial) pour le gisement de Gafsa…

    sources :
    https://www.fao.org/4/y5053f/y5053f0c.htm#TopOfPage
    https://lelementarium.fr/product/engrais-phosphates/

    d’autre part beaucoup de sols sont naturellement riches en cadmium, par décomposition de la roche mère, le plus souvent calcaire, ceux donnant lieu à la culture des céréale, avec des concentrations en cadmium de 2 à 3 mg/kg de sol, avec un maximum de 5,53 mg/kg pour les sols à la plus forte contamination « naturelle »…

    source :
    GIS sol RQMS 2011 INRA BDGSF 1998, https://www.gissol.fr/RESF_pdf/chap%203_p143_logo.pdf

    enfin on peut tenter de reconstituer la contribution de l’apport fertilisant issu des engrais phosphatés en France à partir des sources citée plus haut, à partir de ces indications :

    – consommation annuelle de P2O5 par hectare = 16 kg
    – consommation totale pour 2020-21 = 441000 t

    on obtient :

    0.016 kg d’engrais par m2, soit
    0.00016 kg d’engrais par dm2

    soit un ajout annuel (concentration 3 mg/kg Maroc) de 0.00048 mg Cd/dm2

    compte tenu d’une concentration « naturelle » pour une terre calcaire de 2 mg Cd/kg de sol, correspondant au 5 premiers centimètres, à raison d’une valeur de densité qu’on choisira pour 2kg/l de sol, la part de cet ajout annuel est de 0,024%, ou encore de 2.4% sur un siècle…
    si l’on évalue la contribution à la contamination au cadmium de l’apport fertilisant sur une profondeur de sol de 50 cm le résultat est de 0,0024% par an soit 0.24% par siècle, marginal donc…

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