- Illustration Peut-on se réjouir de la bérézina chinoise?
Les adhérents du groupement Evel'up, réunis lors de l'assemblée générale, ont écouté avec beaucoup d'attention les propos de Chen Wei, spécialiste des filières viandes chinoises, la semaine dernière à Carhaix.

Peut-on se réjouir de la bérézina chinoise?

Les Chinois veulent manger du cochon et achètent à l’étranger. Jusqu’à quand? Chen Wei, numéro 2 de China Meet, évoquait, devant les adhérents d’Evel’up, l’impact du virus de la PPA et les efforts de la filière pour contrer ses effets.

Le cheptel truies est en baisse de 21 %, au dernier recensement, en Chine. Il manque déjà 5 millions de tonnes de viande, soit deux fois la production française. Jamais le monde du cochon n’avait connu une telle crise sanitaire. Le virus de la peste porcine africaine poursuit sa progression dans les pays du Sud-Est asiatique et explose notamment au Vietnam, autre gros producteur. Où et quand s’arrêtera cette catastrophe? Chen Wei, numéro deux de la China Meet Association, qui regroupe 18 des plus grosses entreprises de la viande en Chine, prévient : « Tout danger apporte ses opportunités ».

Restructuration de l’élevage

[caption id=”attachment_41287″ align=”alignright” width=”166″] Chen Wei[/caption]

Le gouvernement met le paquet sur l’élaboration d’un vaccin qui ne devrait toutefois pas voir le jour avant 5 ans, selon les prévisions les plus optimistes. Dans l’attente, des efforts considérables sont réalisés pour restructurer la filière. « Jusqu’à présent, la production était essentiellement située au nord du pays. Les abattoirs étaient au sud, ce qui occasionnait des problèmes logistiques, sanitaires… Nous allons travailler sur la gestion des transports, des circuits de vente et surtout sur la mise en place d’une véritable coopération entre les différents mail-lons de la filière, qui faisait défaut jusqu’à présent ».

La disparition des petits élevages familiaux, plus ou moins en plein air, qui représentent encore 40 % de la production, va s’accélérer au profit des élevages industriels, plus sécurisés au niveau sanitaire et plus performants. La commercialisation des viandes sans emballages, qui contribue également à la propagation du virus, vit ses dernières heures…

Pouvoir d’achat

Les importations de produits carnés vont augmenter. « En 2020, nous achèterons peut-être 10 millions de tonnes de porc (deux fois plus qu’aujourd’hui) ». En parallèle, les Chinois veulent renforcer leurs relations internationales pour moderniser les différents secteurs de la filière, de la génétique à la distribution en passant par les équipements d’élevage. Faut-il appuyer ces efforts de reconquête ? La question est dans toutes les têtes des éleveurs français qui profitent des soucis de leurs homologues asiatiques.

« Nous ne sommes pas à l’abri », répond Guillaume Roué, président du groupement Evel’up. « Nous ne pouvons pas nous réjouir. Si cette crise perdure, elle touchera au pouvoir d’achat et impactera la consommation. Nous avons intérêt à collaborer. Le commerce, c’est le bien-être et la paix. Si nous n’avions pas développé des relations avec les Chinois il y a quelques années, nous n’aurions pas agréé nos abattoirs et nous n’exporterions pas actuellement ». Chen Wei renchérit, en s’adressant directement aux adhérents d’Evel’up: « Bien sûr, cette crise vous est favorable dans l’instant. Mais nous devons tous travailler sur du long terme, car vous aussi avez investi pour longtemps dans vos élevages. Nous devons encourager des relations pérennes ». Autre argument, les Chinois seront peut-être les premiers à produire un vaccin dans un monde entièrement touché par le virus…

Protéines végétales

Rien ne permet d’assurer que le consommateur chinois, qui consomme 38 kg de viande de porc par an, reviendra aux achats, une fois la crise passée. De nouveaux équilibres vont s’opérer ; la volaille va s’envoler et les protéines végétales pourraient tirer leur épingle du jeu. « Un seul facteur peut détourner le consommateur de la viande de porc chez nous : le prix ! S’il augmente trop, d’autres filières animales en profiteront. Pour les protéines végétales, c’est une tendance lourde dans les pays riches, pas encore en Chine ».

Quoi qu’il en soit à court terme, Chen Wei se veut optimiste pour l’avenir, et prévient, un brin provoquant, son auditoire d’éleveurs bretons : « La filière porcine chinoise est promise à un bel avenir ». La filière française, quant à elle, serait bien avisée d’écouter les conseils avisés de David Riou, éleveur : « Les Chinois reviendront à la production. Profitons de cette embellie pour moderniser nos élevages. C’est une opportunité qui nous permettra d’abaisser nos coûts de production, d’être compétitifs sur la durée à l’export et de répondre aux nouvelles demandes des consommateurs sur le marché intérieur »…

La production porcine en Chine

  • 56 millions de tonnes de viande de porc consommées dans l’année, soit 62 % des produits carnés ;
  • 38 kg par habitant/an ;
  • 2,5 millions de tonnes importées (soit plus ou moins l’équivalent de la production française) ;
  • 5 % de baisse de production sur un an ;
  • + 1,7 %, de consommation de bœuf, +1,4 % de mouton et +2,1 % de volaille (1er trimestre 2019).


Tags :
Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article