- Illustration Le semis par drone prend son envol
« Piloter un tel drone, capable de semer ou d’épandre en emportant 10 kg de charge, ne s’improvise pas. La maîtrise des enjeux de sécurité notamment passe par une formation intense et contraignante », explique Stéphane Ballas, d’Ovalie Innovation.

Le semis par drone prend son envol

Dans le Sud-Ouest, la possibilité d’épandre ou semer par voie aérienne se concrétise. Une solution technique, polyvalente et à coût modéré, qui ne manque pas d’air.

« Il y a cinq ans, nous constations que le drone était utilisé en agriculture pour des activités de télédétection ou d’inspection, mais pas pour de l’épandage ou du semis  », raconte Stéphane Ballas, chef de projet chez Ovalie Innovation dans le Sud-Ouest. Cette filiale R&D des groupes coopératifs Vivadour et Maïsadour s’est alors lancée dans un travail  à grande échelle pour aboutir, aujourd’hui, à une application commerciale. « Dans notre région, la problématique est simple : le meilleur moment pour semer un couvert en maïs est la fin d’été / début d’automne, c’est-à-dire bien avant la moisson, quand la terre est chaude et l’irrigation encore en service. Mais à cette période, les parcelles ne sont plus praticables avec un tracteur et un semoir : les plantes au stade 8-10 feuilles atteignent 2,5 m de haut. » D’où l’idée d’apporter la graine en passant au-dessus de la végétation.  

Bien adapté aux petites graines

Ovalie Innovation a mené un intense travail en collaboration avec Reflet du monde, start-up bordelaise spécialisée dans l’univers de ces engins volants (conception, formation au pilotage, expertise). Ces années d’expérimentation et de développement, « d’apprentissage et parfois de galère », à partir de prototypes ont abouti à la mise au point du RDM-AG, seul drone agricole gros porteur épandeur homologué auprès de la Direction générale de l’aviation civile (juin 2020) en France. « Il est capable d’emporter 10 kg de charge pour un poids total au décollage de 25 kg ». Les tests réalisés au fil du temps ont montré que le semis par cet aéronef est bien adapté « aux petites graines implantées à 4 à 12 kg / ha type phacélie, luzerne, trèfle, moutarde, colza, vesce… » Exit donc la féverole par exemple. En moyenne, il est possible de prendre en charge 6 à 8 ha à l’heure. « C’est plus rapide pour un semis de trèfle à 12 kg/ha de semence qu’une moutarde à 4 g. »

Semer sans compacter le sol

L’opération peut intervenir de fin juillet jusqu’à un mois avant moisson. « Il y a deux scénarios. Généralement, le drone intervient avant le dernier ou l’avant-dernier tour d’eau : l’irrigation va alors sortir les graines tombées dans les cornets et plaquer la semence au sol en faveur de la germination. Ou plus tard, quand le maïs commence à sécher, la lumière passe davantage vers le sol, mais il faut alors compter sur les orages pour stimuler la levée. » Grâce à ce semis précoce en sol réchauffé (et humide), le couvert est « très bien développé » à l’heure de la récolte du maïs grain sur octobre et novembre.

Et le drone a l’avantage d’être tout terrain : « Chez nous, des agriculteurs ont recours à la monoculture, mais la directive Nitrates impose impérativement l’implantation d’un couvert entre deux maïs. Fin 2019, alors que la pluviométrie a été exceptionnellement haute et que le risque de compactage du sol était trop important pour intervenir avec des engins, le drone a été appelé à la rescousse pour semer… »

Un prix compétitif pour un outil collectif

« Hors prix de la semence, le drone permet une prestation de semis à partir de 20 € / ha. Difficile de trouver plus compétitif pour implanter un couvert », apprécie Stéphane Ballas. Mais un agriculteur seul n’est a priori pas près d’investir dans un tel engin. « Si on cumule les prix de la machine et de la formation contraignante du télépilote qui passe par l’obtention d’un brevet d’état auprès de la DGAC et le suivi de modules spécifiques à notre activité agricole pour maîtriser un engin de 2 m de diamètre, nous estimons qu’il faut garantir 800 à 1 000 ha de travaux pour l’amortir. » Pour le développeur, cette solution clé en main se destine, avant tout, aux coopératives, sociétés de négoce, Cuma, Ceta, groupements d’agriculteurs et ETA…
Cette année, Ovalie Innovation devrait réaliser par drone l’épandage de trichogrammes sur 400 ha et semer 200 ha de couverts dans le Sud-Ouest, mais aussi pour un groupement de producteurs de la Meuse et la Chambre d’agriculture de Côtes d’Or.

Polyvalent sur les toits et dans les champs

L’épandage de produits phytosanitaires est interdit en France par voie aérienne. Mais le RDM-AG s’affirme comme un outil multifonctions. On change en 15 minutes le module de chargement qu’il reconnaît automatiquement pour adapter son plan de vol. Le drone peut ainsi épandre des produits liquides de biocontrôle -biofertilisants, stimulateur de défense naturelle…- ou des larves de trichogrammes pour la lutte biologique contre la pyrale, appliquer de l’anti-mousse sur toiture ou de l’opacifiant sur les serres. Des semis de couverts ont aussi été testés sur blé, vers la mi-juin pour ne pas concurrencer la céréale et bénéficier des dernières pluies avant l’été. Et sur vigne également.Stéphane Ballas, Ovalie Innovation


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