La grande braderie

Depuis plus d’un demi-siècle, Bruxelles dessine à coups de milliards les contours de la ferme européenne. Ou plutôt celle qu’elle ne veut plus. Compétitivité prix : tel est le dogme depuis 1992. Pour résister à cette forme d’ubérisation, les agriculteurs doivent compter encore plus qu’hier sur les aides pour se constituer un revenu. Elles représentent désormais plus de 100 % du revenu d’un producteur de bovin, 85 % pour un éleveur laitier et deux tiers pour un éleveur de porc.

Aujourd’hui, la grande réforme de la Pac annoncée par Bruxelles semble provisoirement figée par le Brexit et la perspective des élections européennes. Mais quelle réforme promise par la Commission n’est-elle jamais allée jusqu’au bout ? Elle a d’autant plus de chance d’aboutir que la fixation de l’enveloppe de la future Pac s’inscrit dans le cadre plus large de la négociation du budget 2021-2027 d’une UE dont les priorités changent.
En prévoyant d’être moins généreuse avec ses agriculteurs, c’est un peu comme si l’Europe s’apprêtait à les abandonner au milieu du gué ; sur cette zone périlleuse où elle les a entraînés par l’envoûtant tintinnabule des écus et où, en réalité, rugit la féroce bataille mondiale du prix des commodités alimentaires.

L’enveloppe attribuée à l’agriculture européenne baisserait de 43 milliards d’ici 2028. Ce n’est pas rien. Cette somme représente l’équivalent des aides agricoles versées ces 3 dernières années à la France. Les fermiers européens seront condamnés à composer avec moins d’aides sans pouvoir imposer des prix plus élevés. Qui peut en effet croire que l’on peut augmenter les prix alimentaires en période troublée ? En fait, l’agriculture s’apprête à payer une partie de la note du désordre qui gagne notre monde : populisme, grogne sociale, terrorisme…


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