5702 - Illustration La ration du cochon contre le cancer du côlon
Les charcuteries sont souvent décriées pour raison de santé.

La ration du cochon contre le cancer du côlon

Une consommation importante de viandes rouges et de charcuteries représente un risque avéré, pour l’homme, de cancer du côlon. Une étude récente montre qu’une ration orientée peut limiter ce risque.

« Il ne faut pas être anxiogène », rassure Fabrice Pierre, directeur de recherche à l’Inrae. « Mais au-delà de 500 g de viande rouge (bœuf, porc, agneau) et de 150 g de charcuterie par semaine, le risque de développer un cancer est démontré ». 63 % des Français sont au-dessus de ces recommandations pour les produits transformés issus du porc, 32 % pour les viandes rouges. Le message, diffusé dans la population, n’est pas intégré de la même manière par les différentes catégories socioprofessionnelles. Si certaines en tiennent compte, notamment les plus aisées, d’autres sont peu enclines à modifier leurs habitudes. Quant à parler de régime…
« La première étape consistait à identifier les agents impliqués », poursuit le chercheur. Trois composés ont été suspectés : le fer héminique, les nitrites et les amines hétérocycliques.

Vitamine E

Des expérimentations ont montré que le fer héminique permet, à lui seul, d’expliquer l’effet promoteur. Élément constitutif de l’hémoglobine et de la myoglobine, il permet de lutter contre l’anémie, mais « joue un rôle central dans le risque de cancer ». Il est impliqué dans les réactions d’oxydation dont celle des lipides, nuisibles à l’organisme. « Le nombre de lésions tumorales est associé à une augmentation de la péroxydation des lipides dans le colon ». Comment limiter ce problème ? « Des travaux ont permis de démontrer que l’ajout de sel de calcium ou d’antioxydants (vitamine E par exemple) dans le régime des rongeurs était suffisant pour limiter la peroxydation. Les choix nutritionnels peuvent donc être pertinents ». Chez l’homme, la prévention par les antioxydants peut être indiquée. Les fruits et les légumes en contiennent en quantité mais, pour diverses raisons, ne sont pas suffisamment consommés.

« Comme le calcium, la vitamine E, antioxydant naturel, suffit à protéger contre le risque ». Cette recommandation s’apparente à l’établissement d’un nouveau conseil du type : mangez un produit laitier riche en calcium ou un produit riche en antioxydant lors de la consommation de viandes rouges et/ou de charcuteries. Toutefois, le risque d’inégalité face aux messages nutritionnels impose de chercher une solution alternative. Chez des volontaires, d’autres essais ont permis de démontrer que l’ajout de vitamine E dans la charcuterie pendant sa fabrication était suffisant pour limiter, comme chez le rat, la peroxydation lipidique dans le côlon. Une solution valable seulement pour les viandes transformées…

Dans les rations des animaux

De nouvelles études montrent que la modification des conditions d’élevage peut être un levier. « Des porcs nourris avec un aliment enrichi en vitamine E produisent une viande riche de cet antioxydant. Leurs congénères n’ayant pas consommé cette ration enrichie produisent une viande pauvre ». Une étude de même type, réalisée sur des bovins, a montré les mêmes effets bénéfiques. Enrichies en lin et en antioxydants, les rations ont un effet protecteur. « Ces résultats encourageants demandent à être validés par d’autres essais. La prévention du risque du cancer du côlon par l’alimentation des animaux est une voie qui s’avère prometteuse ». Les filières d’élevage suivent l’expérimentation de près. Confirmés, ces essais permettraient de contrer un argument de poids des pourfendeurs de la consommation de viande.

Une nouvelle étude pour préciser le coût

Les résultats de cette étude sont confortés par un essai réalisé en Italie. La vitamine E dans l’alimentation des porcs limite l’oxydation des lipides qui provoquent des lésions cancérigènes chez l’homme. Cette vitamine a un coût et devra être produite en grande quantité si on l’introduit dans les rations. Avant de demander de l’argent à la filière, il faut réaliser une nouvelle étude ciblée pour définir précisément le dosage de la vitamine et la durée d’utilisation en élevage. L’ajout de vitamine a un autre atout : il protège aussi du rancissement (goût) et du changement de couleur (jaunissement). Dans un à deux ans, après ces nouveaux essais, la filière sera en mesure de répondre aux interrogations qui subsistent, mais c’est très prometteur.Gilles Nassy, Ifip


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