Une fois purifié et contrôlé, le biogaz est injecté dans le réseau de gaz naturel pour être consommé sur la commune de Liffré. - Illustration Biogaz, une énergie locale, renouvelable et vertueuse
Une fois purifié et contrôlé, le biogaz est injecté dans le réseau de gaz naturel pour être consommé sur la commune de Liffré.

Biogaz, une énergie locale, renouvelable et vertueuse

C’est une première dans l’Ouest. Le Gaec du Champ Fleury alimente en biogaz la commune de Liffré (35) et assure près de 30 % de la consommation annuelle en gaz naturel de cette ville de 7 500 habitants. Pour produire du méthane, les effluents d’élevage de cette exploitation laitière sont mélangés à des déchets d’abattoir, des résidus de tonte et des débris de pommes issus d’une cidrerie des environs. Un exemple d’économie circulaire qui tourne bien.

C’était le 3 septembre 2015, à 15h50. La date et l’heure sont gravées dans sa mémoire. Ce jour-là, Jean-Christophe Gilbert recevait un message SMS de GRDF lui confirmant que le premier mètre cube de biogaz produit par le Gaec du Champ Fleury avait été injecté sur le réseau. L’aboutissement d’une aventure commencée cinq plus tôt.

« Nous avons débuté notre réflexion en 2010, se souvient le jeune quadragénaire, associé à son frère cadet, Arnaud, et à Franck Perrodin, au sein du Gaec liffréen. A l’époque, nous avions deux motivations principales : régulariser la capacité de stockage du lisier sur l’exploitation et diversifier les sources de revenus. Nous avions pu mesurer, lors de la crise du lait de l’année précédente, combien nous étions tributaires du prix du litre… »

La première piste étudiée est celle de la cogénération, procédé qui permet de produire de l’électricité et de la chaleur via la combustion du biogaz issu de la méthanisation. « Mais il nous fallait des débouchés pour valoriser l’eau chaude. Nous avons pris contact avec une coopérative afin d’étudier les possibilités de séchage, nous avons aussi échangé avec des collectivités locales… » Sans succès. Cette formule est finalement abandonnée, sa viabilité économique impliquant la création d’une autre activité pour tirer parti de la chaleur générée.

Dure procédure…

La solution va naître dans l’esprit des associés suite aux discussions nouées avec la mairie de Liffré. Pourquoi ne pas valoriser directement le biométhane ? « Nous avons appelé GRDF et contacté l’entreprise spécialisée PlanET ». Hasard de la vie, un responsable pour la région Ouest de la société distributrice de gaz habite Liffré, commune où est également implanté le siège de PlanET. De bon augure pour un projet qui joue clairement la carte du local !

Des visites d’exploitations et le témoignage d’autres éleveurs achèveront de convaincre les associés du Gaec. Mais ces derniers vont devoir s’armer de patience, car la procédure pour une installation injectant du biogaz dans le réseau de distribution est plus lourde que pour une simple unité de cogénération. « Il a notamment fallu financer une étude pour connaître la consommation de la commune entre juin et septembre, la période la plus creuse ». L’analyse des résultats va révéler que, certes, le futur équipement saturera la demande l’été, mais qu’il pourra, en revanche, tourner à plein durant la saison hivernale.

[caption id=”attachment_24109″ align=”aligncenter” width=”800″]Les trois associés - Arnaud et Jean-Christophe Gilbert, Franck Perrodin - ont investi dans une unité de méthanisation. Les trois associés – Arnaud et Jean-Christophe Gilbert, Franck Perrodin – ont investi dans une unité de méthanisation.[/caption]

Au fil des mois, le projet se précise. « Au départ, nous étions partis sur un débit moyen de 46 m3/heure sur l’année », explique Jean-Christophe Gilbert. Puis après discussion avec d’autres membres de l’AMF, l’association des agriculteurs méthaniseurs de France, ce dimensionnement nous est apparu un peu juste et nous sommes passés à 56 m3/h de façon à assurer une meilleure rentabilité ».

Parallèlement au volet « administratif », il a aussi fallu prendre son bâton de pèlerin et démarcher pour trouver de quoi alimenter le méthaniseur au-delà des seuls lisier et fumier produits sur l’exploitation laitière. « Cela a été un peu décevant. Nous avons surtout eu de petits volumes. Mais cela a été suffisant pour que le projet passe ! » Et, après une année de démarches et une autre consacrée aux travaux, l’installation est finalement entrée en service en septembre l’an passé.  

Du producteur au consommateur

Le financement, d’un total de 2,5 millions d’euros, a été assuré par le Crédit Mutuel de Bretagne qui, en tant que partenaire bancaire de l’exploitation, a suivi toute la genèse du projet (lire par ailleurs). « Une partie a été financée en crédit-bail, précise Jean-Christophe Gilbert. C’était intéressant en termes de garantie et cela permettait, en outre, de préserver la capacité d’investissement ». Le Gaec a, par ailleurs, bénéficié d’aides de la Région et de l’Ademe, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, à hauteur de 18 % du montant total.

Avec un an de recul, l’équipement a démontré toute son efficacité. « Nous sommes même au-delà des prévisions », reconnaissent les associés. La production, qui a été relevée à 70 m3/h, permet de répondre, l’été, à la totalité des besoins en gaz naturel des habitants de Liffré. Et elle couvre 10 % de la consommation hivernale, soit une moyenne annuelle de 30 %. Une énergie produite sur place à partir de déchets « locaux » : lisiers, fumiers, cultures intermédiaires, matières stercoraires issues de l’abattoir SVA voisin, tontes récupérées auprès du syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères ou de paysagistes des environs, débris et marc de pommes provenant de la cidrerie d’à côté… Parfaite illustration de l’économie circulaire qui considère chaque déchet comme une ressource, cet équipement emblématique a valu au Gaec, voici quelques mois, la visite de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, et de Loïg Chesnais-Girard, maire de Liffré et premier vice-président de la Région.

Une ouverture sociale

Derrière cette réussite, il y a aussi beaucoup de travail. « La méthanisation est un atelier à part entière, qui demande du suivi, insiste Jean-Christophe Gilbert. C’est comme une grosse panse de vache, on reste dans le domaine du vivant. Il y a des contrôles à effectuer. Sur la semaine, je considère que cela représente 35 heures. Un mi-temps agricole ! », plaisante l’agriculteur qui, passionné par son sujet et pédagogue, est régulièrement sollicité pour faire découvrir l’équipement lors de visites d’élus, de scolaires… Mais le temps n’est pas extensible à l’infini. Désormais, tous les travaux des champs sont délégués à des entreprises de travaux agricoles.

Et un robot Vector a fait son arrivée sur l’exploitation pour pallier le manque de main- d’œuvre.
Aujourd’hui, les trois associés constatent qu’avec le biométhane, ils ont non seulement trouvé une source de diversification de leurs revenus mais également une nouvelle dimension sociale. Leur agriculture est ouverte sur le monde, résolument tournée vers l’avenir et fière de son passé. À l’image du logo du Gaec du Champ Fleury. Une coupole de méthaniseur y englobe d’un arc protecteur le pommier, qui donne son nom au lieu, et la vache laitière qui est la raison d’être de cette exploitation. Un vrai symbole.

Suivi et accompagnement
Sociétaires du Crédit Mutuel de Bretagne depuis leur installation, les associés nous ont fait part de leurs premières réflexions sur un atelier de méthanisation en 2012. Au fil des mois, ce projet novateur, environnemental, vecteur de diversification et créateur d’emplois a suscité un intérêt croissant de la part des exploitants, des élus locaux et de l’ensemble des partenaires.
Le Crédit Mutuel de Bretagne a suivi et accompagné les porteurs du projet tout au long de leurs démarches pour leur proposer un financement adapté, en prenant en compte les délais de mise en route de l’unité de méthanisation, l’octroi des subventions ou encore l’adaptation de nouveaux matériels. Aujourd’hui, après une année de fonctionnement, le bilan est très positif, Arnaud, Jean-Christophe et Franck ont démontré leur parfaite maîtrise de ce nouvel équipement . Rozenn David, CMB, Pôle professionnel, Cesson-Sévigné


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