Les petits ruisseaux font les grandes rivières », c’est en s’inspirant de ce proverbe que les éleveurs de volailles cherchent à faire des économies sur tous les postes de charges et activer des leviers techniques pour pouvoir dégager du revenu. Certains facteurs clés du résultat, comme la qualité des poussins livrés sur l’élevage ou encore l’alimentation, ne sont pas entre les mains des aviculteurs.
Par contre, dans ce dossier, vous découvrirez des témoignages d’éleveurs qui ont optimisé leurs résultats économiques. Comme, le changement de mangeoires qui a permis de gagner 3 points d’indice de consommation, ou des économies sur la main-d’œuvre grâce à l’automatisation du ramassage des dindes. Mais aussi, l’installation d’une chaudière bois qui a mis hors-jeu le chauffage au gaz, le changement de microbisme en produisant de la pintade qui profite au lot de poulet qui suit…
[nextpage title=”Gagner 3 points d’IC avec les nouvelles mangeoires”]Emmanuelle Le Dorze, éleveuse de poulets lourds à l’EARL AVI POM à Bieuzy (56), a mis un peu de temps à trouver le bon réglage de ses nouvelles gamelles. Mais sur les lots qui ont suivi l’indice de consommation s’est amélioré en moyenne de 3 points.
« Lorsque je me suis installée en 2009 avec mon frère en reprenant l’exploitation familiale, nous nous sommes réparti les tâches : lui les cultures et moi l’élevage », raconte Emmanuelle Le Dorze, avicultrice à Bieuzy (56), avec 3 000 m2 de poulaillers en poulets lourds sexés pour le Gaévol. La première année, l’éleveuse a alterné un lot de dinde dans un bâtiment pendant qu’elle faisait deux lots de poulets dans les deux autres poulaillers, comme le faisaient ses parents. « J’ai ensuite tout basculé en poulet, car en dinde mes performances étaient moindres ».
[caption id=”attachment_1520″ align=”aligncenter” width=”300″] Laurent Boscher, technicien Sanders et Emmanuelle Le Dorze, avicultrice.[/caption]
Entre 2013 et 2014, Emmanuelle Le Dorze décide de remplacer ses gamelles « Chore Time », qui datent des années 1980, pour installer des mangeoires multibecks de chez Le Roy. « Dans les anciennes gamelles, les poussins rentraient à l’intérieur, ils y laissaient des fientes, rendant l’aliment moins appétent. De plus, la hauteur des gamelles m’obligeait à mettre des becquets et de les laisser jusqu’au neuvième jour des poulets. » L’éleveuse a investi entre 3 000 € (version courte) et 3 500 € (version longue) par bâtiment pour s’équiper. « En changeant de matériel, j’ai dû me réadapter et faire des réglages. Le premier lot, j’ai réglé les gamelles à ¾ de tour comme le préconise le fabricant. Je trouvais qu’il n’y avait pas assez d’aliments, je suis donc passé à 1 tour complet le lot suivant. Finalement, je me trompais et j’ai pénalisé mon indice de consommation (IC). »
Après coup, elle décide d’opter pour un réglage sévère pour qu’il y ait peu de quantité dans les mangeoires et que les animaux aillent chercher l’aliment plus loin. « Le point négatif est qu’avec ce réglage la première semaine, je ne peux pas lever les chaînes pour que les poulets aient accès au centre de la mangeoire, aussi, ils mettent de la paille dans les gamelles et il faut l’enlever régulièrement. En passant à un réglage à un ½ tour, j’ai environ 100 grammes d’aliment en miettes par gamelle et un peu plus en granulé puisque ça coule mieux. J’ai même pensé régler à un ¼ de tour, mais c’est trop restrictif. » L’avicultrice estime que le poulet doit aller chercher son aliment et qu’il ne faut pas lui faciliter la tâche.
« Ralentir sa vitesse d’ingestion est positif. Le fait qu’il y a une petite quantité d’aliments dans les gamelles, qu’il se renouvelle plus souvent, l’aliment rend plus frais et donc plus appétent. » Laurent Boscher, technicien de l’élevage de chez Sanders, apporte la preuve que la technique et les réglages sont bons par les chiffres : « Depuis qu’Emmanuelle Le Dorze a réglé ses mangeoires à un ½ tour, nous avons gagné en moyenne 3 points d’IC. Nous estimons le point à 160 € ce qui fait une économie de 480 € par bâtiment (1 000 m2) et par lot. En faisant 5 lots par an, c’est donc une économie de 2 400 € sur l’année. » Emmanuelle Le Dorze tempère : « Les économies sur l’indice sont avérées, mais tout ne vient pas uniquement du changement de mangeoires, c’est multifactoriel. »
La moindre erreur est pénalisante
Le technicien fait remarquer que l’analyse scrupuleuse et quotidienne des prises de poids et des consommations d’eau est une bonne pratique partagée par les éleveurs. L’agricultrice confirme : « Nous avons des animaux qui poussent très vite, du matériel plus performant et donc des risques d’élevage plus importants qu’avant. On se doit de détecter d’éventuels problèmes très rapidement pour pouvoir réagir très vite. » Elle s’est donc équipée très tôt de pesons automatiques dans ses 3 poulaillers. Cela ne l’empêche pas de faire des pesées manuelles, mais les informations recueillies par les pesons sont précieuses pour détecter des problèmes.
Avec un gain de 3 points d’IC, à 160 € le point, c’est une économie de 480 € par bâtiment (1 000 m2) et par lot.
C’est aussi du temps supplémentaire pour pailler et faire du tri dans les poulets. « Le tri d’aujourd’hui, c’est la mortalité et la saisie de demain », déclare Laurent Boscher. Cette durée d’élevage assez longue fait que la moindre erreur est pénalisante. « On sort vraiment de l’élevage classique du poulet, on se rapproche de l’exigence technique de la production de dinde », conclut Emmanuelle Le Dorze. Nicolas Goualan
[nextpage title=”Économies d’énergie et confort des animaux pour construire un résultat “]Dans une filière où l’aviculteur n’est « qu’un maillon de la chaîne qui ne maîtrise pas tout », Sylvain Colléaux de l’EARL de l’Écusson, à Guer (56) mise sur la rénovation et l’amélioration de l’ambiance de ses poulaillers pour viser une progression technico-économique.
« Aujourd’hui, en aviculture, nos performances ne sont pas à la hauteur », lâche de but en blanc Sylvain Colléaux, installé avec son frère Lionel à Guer (56). Outre les qualités des poussins et de l’aliment « sur lesquelles nous n’avons pas suffisamment de contrôle », l’éleveur ne démord pas : « Il faut travailler sur la maîtrise des charges variables, notamment en optimisant les dépenses énergétiques et le confort des animaux, pour aller chercher de la rentabilité. »
[caption id=”attachment_1531″ align=”aligncenter” width=”300″] Sylvain Colléaux devant les onduleurs qui équipent ses bâtiments : des boîtiers qui ont la fonction de fournir « une électricité lisse évitant la surconsommation des appareils. »[/caption]
L’élevage, via la coopérative Triskalia, fait partie du réseau de fermes de référence « Grignon Énergie Positive » qui « évalue les pratiques agricoles en termes de consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre, en intégrant l’économie et la vocation nourricière de l’exploitation. » Depuis 2010, les éleveurs disposent ainsi de données chiffrées pour se situer : « Mesurer est essentiel pour s’améliorer. La comparaison avec les indicateurs permet de se remettre en question, de revenir en arrière quand ça ne fonctionne pas. »
Économie de gaz en changeant les injecteurs
De la démarche, des recommandations utiles émergent. « Un truc tout bête, les injecteurs sur les radians se détériorent avec le temps. » Le trou par lequel passe le gaz s’agrandit peu à peu et la consommation augmente. « Les nettoyer avec une limaille, comme on l’a vu sur le terrain, est donc une erreur », souligne l’aviculteur qui conseille « tout simplement de changer régulièrement ces injecteurs. À la clé, on économise 10 à 15 % de gaz. » Un investissement loin d’être prohibitif : « Environ 150 € tous les 3 ou 4 ans pour 1 200 m2 de poulailler, soit 32 radians. » L’entretien des radians est également important : « Je les nettoie et les souffle tous après chaque bande. »
Une ambiance moins agressive grâce aux échangeurs
Par ailleurs, Sylvain Colléaux et son frère considèrent que l’amélioration de l’ambiance du bâtiment reste « un des principaux leviers » pour améliorer les résultats. « Au départ, nos poulaillers fonctionnaient en ventilation naturelle, système économe en énergie… » Mais, il y a 2 ans, des échangeurs – récupérateurs de chaleur (ERC) sont installés pour passer en ventilation dynamique : « Accentuer le renouvellement d’air a été bénéfique sur l’ambiance : moins d’ammoniac, une ambiance globalement moins agressive et moins de piquage. Ce n’est pas facile à chiffrer mais les lots sont plus faciles à gérer. » La dépense énergétique supplémentaire liée aux ERC « est compensée par le confort des animaux. Les litières sont plus sèches. Et sur un support sec, les problèmes de pattes disparaissent. » Cette ambiance plus saine limite les pertes au démarrage. « Or, si nous ratons ce démarrage, nous le payons tout au long de la bande. »
Ne pas mettre tous ses œufs dans le même couvoir
Pour l’éleveur, la rentabilité en volaille passe par l’opportunité « de recevoir au démarrage une souche propre », indemne d’un point de vue sanitaire. « Il y a une forme de compétition entre couvoirs sur la qualité des poussins. Nous essayons de ne pas prendre de virage brusque dans la conduite de nos poulaillers. Nous remplissons donc les deux bâtiments avec un couvoir. Puis, au démarrage suivant, nous nous approvisionnons avec un autre fournisseur avec l’objectif de limiter le risque en amont. » Avec le recul, cela peut aider à faire un tri entre les entreprises et de faire émerger une liste des plus sûres.
Et là aussi, l’entretien des ERC est crucial. « Notre système de filtration qui ressemble à des nids d’abeilles est assez facile à nettoyer, même en cours de bande. Les premières semaines, j’effectue un nettoyage tous les 15 jours à l’aide d’un compresseur de chantier. » Puis après chaque bande, un passage de nettoyeur haute pression et une désinfection sont pratiqués. Ces rituels garantissent que les ERC « font bien leur travail, d’autant qu’en hiver, ils sont chargés de l’intégralité du renouvellement d’air pendant les 7 ou 8 premières semaines. » Les agriculteurs ont aussi cherché à aménager des bâtiments « hyperétanches » plus contrôlables : « À l’heure de la rénovation, tout le câblage commandant l’ouverture-fermeture des trappes a été revu pour limiter les entrées d’air parasites. Nous n’avons pas encore une année de recul, mais cette chasse au courant d’air devrait économiser 3 à 4 000 € de gaz par an. Et en volaille, il n’y a pas de petites économies. »
Passer en bâtiment semi-clair
Autre progrès : « Le passage en bâtiment semi-clair avec l’installation d’éclairages à économies d’énergie. Désormais, le programme lumineux est défini en fonction de la saison. Avant, les lampes étaient perpétuellement allumées. » Enfin, les poulaillers sont équipés d’onduleurs, des boîtiers qui fournissent « une électricité lisse évitant la surconsommation des appareils. »
L’EARL a aussi installé un système dioxychlore (Aquadis) pour que « la qualité de la chloration et donc de l’eau en bout de ligne soit la même que dans le ballon : propre, sans algue, sans résidu… » Avant, l’eau était parfois « chargée en coliformes. » Après une vérification de l’état de toutes les canalisations, les associés s’efforcent désormais de les maintenir propres. « En aviculture, on ne s’intéresse pas assez à l’eau. Mais rappelons que pour manger 1 kg d’aliment, la volaille doit boire 2 L d’eau. Si la qualité n’est pas au rendez-vous, l’atelier va dans le mur car les croissances ne seront pas à la hauteur. »
[caption id=”attachment_1532″ align=”aligncenter” width=”300″] Le passage en ventilation dynamique avec l’installation d’échangeurs – récupérateurs de chaleur a amélioré l’ambiance des poulaillers : « Moins d’ammoniac, moins de picage…).[/caption]
La propreté, c’est la santé
Et les chantiers à venir ne manquent pas : « Passer les 2 derniers poulaillers en semi-clair. Peut-être installer une chaudière à biomasse quand elle sera homologuée pour s’affranchir du gaz… » Sylvain Colléaux s’intéresse aussi au paillage avec l’objectif d’investir pour diminuer les dépenses de santé et la paille nécessaire. « Le compresseur de ce nouveau système souffle la paille via un tuyau dans le bâtiment. Il permet d’en apporter seulement aux endroits qui en nécessitent, sans stresser les animaux. L’opération étant facilitée, j’imagine intervenir 2 ou 3 fois par semaine en faveur de la propreté. Alors qu’aujourd’hui, on paille une fois par semaine et quand on commence une botte, on l’étale en entier, y compris là où la litière n’est pas salie. »
Le retour des huiles essentielles
« Je reviens à l’utilisation d’huiles essentielles (thym, romarin…) diffusées à l’aide d’un système de fumigènes. Sur la santé respiratoire des animaux, il n’y a pas photo, c’est mieux. Cette maîtrise du sanitaire laisse espérer des économies sur les dépenses en produits vétérinaires. »
Propreté et confort font partie de ses marottes. « L’œil de l’éleveur est primordial dans les performances. Si le poulailler est sale sous la ligne de pipettes, il faut pailler immédiatement. Sans ça, sur une journée humide, c’est de la dermatite, des articulations qui gonflent… » Toujours intervenir tôt, en amont et en prévention, « car plus on est vigilant, moins on a de travail. Et surtout, c’est en étant attentif à une somme de petits détails qu’on a construit la marge », termine Sylvain Colléaux.
Conseils d’aviculteur : Une douche de bienvenue pour les poussins
« Jusque récemment, je faisais tourner mes échangeurs trop tôt, je surventilais dès l’entrée des animaux. C’était une erreur : ça déshydratait les poussins de 45 g et ça donnait des pédaleurs… Maintenant, les ERC tournent à partir du 4e jour, pendant 7 semaines. Autre pratique mise en place : à l’arrivée des poussins, je les réhydrate à l’aide d’un pulvérisateur à dos de 5 litres. Cette douche de bienvenue leur apporte de la fraîcheur pour se déplacer rapidement jusqu’à trouver le point d’abreuvement. » Toma Dagorn
[nextpage title=”Ramassage automatisé, charges diminuées”]Gilles Monfort, éleveur de dindes à Goudelin (22), estime économiser 2 300 €/an grâce à l’automatisation du ramassage des volailles. Avec des camions plus adaptés, les coûts de ramassage pourraient encore diminuer et les débits de chantier être accélérés.
[caption id=”attachment_1535″ align=”aligncenter” width=”300″] Gilles Monfort, éleveur de dindes à Goudelin (22) devant la machine, permettant d’automatiser le ramassage des volailles.[/caption]
« À la fin des années 90, nous avons commencé à avoir des problèmes liés à la main-d’œuvre lors des enlèvements de nos dindes. Nous avons souvent été coincés durant des départs de nuit, ce qui nous obligeait à appeler les collègues aviculteurs du secteur pour assurer le chargement des camions », raconte Gilles Monfort, éleveur de dindes, à Goudelin (22). Ce problème de personnel pour assurer le ramassage des volailles n’est pas un cas isolé et tous les aviculteurs de Bretagne ont aussi leur lot d’anecdotes.
Conduire les dindes comme un troupeau de vaches
« On avait entendu dire qu’en Italie, il existait une machine pour automatiser le ramassage des dindes, ce qui a attisé notre curiosité. Les Italiens sont très forts dans ce genre de machines-outils. » En 2000, une dizaine d’aviculteurs bretons décident de partir à proximité de Milan pour rencontrer le fabricant de la machine de marque Ciemme, permettant d’automatiser le ramassage des dindes. « Le patron nous a expliqué que des industriels français avaient déjà fait venir la machine pour des essais sur le territoire, mais ils n’avaient pas trouvé cela concluant. »
[caption id=”attachment_1536″ align=”aligncenter” width=”300″] Il faut 2 personnes dans la cabine de la machine pour piloter, ouvrir et fermer les caisses des camions.[/caption]
De leur côté, les éleveurs ont été convaincus et totalement séduits par les démonstrations auxquelles ils ont assisté sur des élevages italiens. Bilan du voyage : 4 machines achetées par 4 groupes d’éleveurs. La première est livrée en 2001 chez Gilles Monfort et ses 6 collègues producteurs de dindes autour de Goudelin. « Dans les mois qui ont suivi, une dizaine de machines ont été vendues en Bretagne. Après coup, il y a eu un petit désenchantement, certains aviculteurs n’avaient pas le savoir-faire. Lors du départ de nos volailles, cela se conduit comme un troupeau de vaches. Les dindes doivent aller vers la machine placée en bout de poulailler, ce qui exige des animaux sans problème locomoteur. »
Des camions qui n’ont pas évolué
En France, les camions ne sont pas adaptés pour optimiser le chargement des volailles. « Il faudrait que les camions soient équipés d’un étage de caisses en plus en hauteur pour pouvoir transporter plus de tonnage de volailles », estime Gilles Monfort. Il y a de la compétitivité à gagner sur ce point. Un camion qui part de l’élevage transporte entre 16 et 18 tonnes de dindes. Avec des camions dimensionnés, ils devraient pouvoir embarquer au moins 20 tonnes. « Quand on connaît la problématique des coûts de transport, ce n’est pas rien cette différence de 2 à 4 tonnes. »
4 personnes sur le chantier et 1 h 30/camion
Avant l’achat de la machine, le ramassage était totalement manuel et il fallait 12 personnes pour envoyer les dindes au pignon ou sur le côté du poulailler et les charger dans le camion. Mais très vite, le télescopique est arrivé et les containers pouvaient alors être envoyés directement dans le bâtiment, ce qui permettait d’avoir le même débit de chantier avec 8 ramasseurs. « Certains éleveurs, alors équipés de machines, ont choisi de passer au système télescopique/container », témoigne Gilles Monfort. Le groupe d’éleveurs du secteur de Goudelin a persisté dans ce système et aujourd’hui, avec presque 15 ans de recul. Ils considèrent que le ramassage est toujours le moins coûteux. « Pour un départ automatisé, il faut 4 personnes en plus l’éleveur et environ 1 h 30 par camion. Un départ au télescopique et container mobilise 8 personnes plus l’éleveur pour un camion chargé en 1 h. Le coût en main-d’œuvre est donc de 162 €/camion à la machine et de 216 €/camion au télescopique », chiffre l’aviculteur.
Il faut évidemment ajouter à cela l’investissement et l’entretien des machines. « À ce jour, nous possédons 4 machines qui tournent entre nos différents élevages, l’investissement et l’entretien représentent 0,56 €/m2/an, ce qui fait un coût machine de 42 €/camion chargé (16 t par camion). La location d’un télescopique est de 90 €/camion. » Au total, selon l’éleveur, un départ de dindes chargées à la machine coûte 204 €/camion et au télescopique 306 €/camion, tout compris équipement plus main-d’œuvre. Gilles Montfort modère ces chiffres : « Il faut ajouter à cela la mise en place de la machine qui prend autour de 20 min et son lavage et la désinfection qui prend 1 h 30 min. Comme nous avons plusieurs machines, chaque éleveur utilise la même lors de tous ses enlèvements ce qui évite de multiplier les nettoyages. »
30 minutes pour charger un camion en Italie
En Italie, les camions sont adaptés pour des départs élevage à la machine. Les cages sont deux fois plus grandes et les camions n’ont pas besoin de faire demi-tour puisque toutes les dindes sont chargées du même côté. Grâce à cette méthode, un camion est chargé en 30 minutes lorsqu’il faut 1 h 30 en France. « Cette adaptation des camions nous ferait faire de grosses économies sur nos charges de ramassage et on gagnerait en débit de chantier », lance l’éleveur. Les Italiens pensent toujours gain de main-d’œuvre et mécanisation, c’est pour ces raisons que beaucoup d’éleveurs ont mécanisé le ramassage et que les camions des abattoirs ont évalué.
2 300 € d’économie/an en mécanisant le ramassage
L’économie réalisée sur l’année grâce à la machine sur l’élevage de 4 250 m2 de volailles de Gilles Monfort se chiffre à environ 2 300 €. « J’ai obtenu ce résultat en me basant sur une moyenne de 2,3 lots/an, ce qui me fait un total de 46 camions à charger sur l’année. En chiffrant une économie de 100 €/camion de différence entre un chargement machine et un départ au télescopique, cela fait un total de 4 600 € d’économisé grâce à l’automatisation. L’économie réelle est environ de la moitié, donc 2 300 € lorsque l’on déduit le temps que je passe à la mise en place et au nettoyage/désinfection de la machine. » L’aviculteur estime que l’économie est bien réelle mais pas phénoménale. Il conclut : « Nous sommes dans un métier de gagne petit, il faut faire attention à tous les postes de charges et la main-d’œuvre en est un. Ici, je n’ai que l’élevage et pas de terres pour rattraper le revenu. Il faut donc que j’optimise tous les postes, je suis sans cesse à chercher des moyens pour gagner du temps et un peu d’argent. » Nicolas Goualan
[nextpage title=”Le démarrage sur la moitié du bâtiment”]Sur l’EARL de Sévrigné, au Sel-de-Bretagne (35), des bâches de séparation adaptées permettent de ne chauffer que la moitié des bâtiments en début de lot. Des échangeurs de chaleur contribuent aussi à faire baisser la facture énergétique.
[caption id=”attachment_1544″ align=”aligncenter” width=”300″] Sébastien Gautier (à gauche) et Mickaël Auroy, à côté de l’échangeur de chaleur (en rouge), avec la bâche de séparation dans le fond.[/caption]
Sébastien Gautier est un nouveau producteur de volailles. Quand il a rejoint sa mère Marie-Annick sur l’exploitation familial, en 2012, l’atelier avicole était son projet d’installation. « Je savais que les Fermiers de Janzé recherchaient des producteurs ; je me suis lancé après avoir rencontré quelques éleveurs. Trois poulaillers neufs de 400 m2 ont été mis en service en décembre 2012, suivi d’un quatrième récemment », détaille Sébastien Gautier. « Pour le moment, malgré les départs en retraite, tous les bâtiments sont repris, d’autres sont créés (25 sur 3,5 ans) », précise Mickaël Auroy, responsable technique Fermiers de Janzé.
Pour accompagner les producteurs économiquement, les responsables du groupement se sont attaqués depuis quelques années à l’énergie, plus gros poste de charges après l’alimentation. « Le chauffage représente la moitié des charges variables. Nous n’avons pas trouvé de solution de meilleur rapport qualité/coût que les radiants au gaz pour chauffer les bâtiments tous espacés les uns des autres », note Mickaël Auroy. Mais d’autres solutions ont été trouvées.
Déploiement des échangeurs de chaleur
La coopérative propose également aux producteurs de mettre en place des échangeurs de chaleur (Lead Le Roy). « Tous les bâtiments mis en service en 2014 sont équipés d’un échangeur. En tout, 80 ont été installés. Le coût pour l’éleveur est de 2 800 € avec la pose. Des aides vont à nouveau être possibles dans le nouveau Plan pour la compétitivité », précise Mickaël Auroy.
Sébastien Gautier a mis en place des échangeurs dans ses quatre poulaillers. « Avant d’entrer dans le bâtiment, l’air extérieur est chauffé par l’air qui sort. Les petits ventilateurs de 100 W affichent une consommation très réduite. Je les fais tourner pendant toute la durée du cycle ; l’air est davantage renouvelé dans le bâtiment et l’ambiance est plus saine », constate l’éleveur qui dépoussière régulièrement ces équipements pour une meilleure efficacité.
La bâche enlevée à 28 jours maximum
« Nous offrons aux éleveurs des bâches adaptées à la forme des bâtiments qui permettent de séparer l’espace en deux en début de lot, et de ne chauffer que la moitié du bâtiment. La bâche est enlevée à 28 jours maximum. » C’est au démarrage que les gains énergétiques sont les plus importants. « Je place les bâches à la mise en chauffe, trois jours avant l’entrée des poussins. Cela me prend 5 à 10 minutes seulement. Un palpeur intermédiaire a été installé sur la chaîne d’alimentation », détaille Sébastien Gautier. Cette technique peut engendrer un peu de condensation du côté non chauffé du bâtiment : « J’écarte un peu la litière des parois pour éviter qu’elle ne s’abîme. Cette partie du bâtiment est chauffée une semaine avant d’enlever la bâche. »
[caption id=”attachment_1546″ align=”aligncenter” width=”300″] L’échangeur de chaleur permet de réchauffer l’air entrant avec l’air sortant. Les rideaux de ventilation en polycarbonate sont hermétiques grâce à leurs joints.[/caption]
90 % des producteurs équipés
Avoir une double densité dans un bâtiment, puis “détasser” ensuite dans un autre poulailler n’est pas autorisé en Label. « De toute façon, cela générerait plus de travail et sans doute, un stress pour les animaux. » Aujourd’hui, 90 % des producteurs des Fermiers de Janzé utilisent les bâches de séparation. Les nouveaux bâtiments mis en place sont par ailleurs très hermétiques, y compris au niveau des fermetures des rideaux de ventilation (en polycarbonate). Agnès Cussonneau
[nextpage title=”Du bois et des idées pour chauffer “]Maîtriser ses coûts de production est un des meilleurs leviers pour augmenter son revenu. Benoît Riou, éleveur de dindes à Saint-Servais (29), l’a bien compris : il s’est équipé d’une chaudière à bois déchiqueté pour diminuer son coût de chauffage.
[caption id=”attachment_1556″ align=”aligncenter” width=”300″] Benoît Riou chauffe écologiquement ses bâtiments avec du bois déchiqueté.[/caption]
En voyant les prix de gaz augmenter, combiné à une installation de radiants infraconic à remettre aux normes, Benoît Riou a fait le choix de reconsidérer la partie chauffage. Aujourd’hui, le gaz n’est utilisé que pour certains démarrages de lot et est gardé seulement en sécurité. Les 6 000 m2 de production de dindes ont pour système de chauffage une ressource locale et bon marché. « Je pensais utiliser les résidus de la station de compostage, produisant une matière première assez ligneuse. Cependant, les déchets qui peuvent s’y trouver nécessitent une opération de criblage pour éliminer d’éventuelles matières plastiques ou métalliques. J’ai donc opté pour une solution de bois plaquette ».
[caption id=”attachment_1558″ align=”aligncenter” width=”300″] L’entretien est simple sur la partie chauffage, à raison d’une journée après chaque lot.[/caption]
500 kW, eau à 85 °C
C’est en 2008 que l’installation est mise en route. Coût de l’opération : 160 000 € pour la chaudière, la création du réseau de chauffage, et l’équipement des bâtiments, amortie sur 5 ans. Les 500 kW délivrées par la chaudière chauffent l’eau d’un ballon tampon de 6 000 litres à 85 °C. « Chaque poulailler est pourvu de 3 aérothermes de 70 kW qu’il a fallu alimenter hydrauliquement. La distribution centralisée se connecte aux quatre bâtiments », explique-t-il, en avouant qu’il a dû changer la gestion de la production. « Il faut être vigilant sur la température de la litière, je chauffe 4 à 6 jours avant l’entrée des animaux ».
Ambiance plus saine
Le chauffage par plaquettes de bois a permis à l’élevage d’assainir son ambiance. « La combustion de gaz au niveau des radiants engendrait de l’humidité et de la consommation d’oxygène. Le bois offre une solution plus sèche, et je maîtrise beaucoup mieux la ventilation. J’ai aussi remarqué un léger gain de paille, et une diminution des problèmes respiratoires. Du côté des inconvénients, je remarque l’absence de points de chauffe. Si les dindes sont mouillées par de l’eau d’abreuvement par exemple, elles pouvaient sécher rapidement sous les radiants. Ce n’est plus le cas, et je dois alors installer des lampes chauffantes pour les dindonneaux ». Une vérification quotidienne de la chaudière est réalisée, car c’est un mode de chauffage plus contraignant en temps que le gaz.
[caption id=”attachment_1557″ align=”aligncenter” width=”300″] Les 2 bâtiments de stockage ont une capacité de 4 000 m3[/caption]
La SCEA Riou utilisait 37 tonnes de gaz pour la production de dindes, « à 900 € la tonne en moyenne ». Les 600 tonnes de bois brûlé au maximum par an ont un prix de revient situé entre 25 et 30€ la tonne si le chantier de bois est assuré seul, soit 18 000 € contre 33 000 € avant 2008. « À ces économies vient s’ajouter une écoprime de mon assurance, car je n’ai plus de risques d’incendie ayant pour origine les radiants. 4 000 € par an sont ainsi économisés ». La matière première bon marché issue d’abattages locaux ou de l’entretien des parcelles de l’exploitation fournit les quelque 4 000m3 entreposés en attendant leur passage dans la chaudière.
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Des idées plein la tête
En plus de son système de chauffage innovant, écologique et économique, Benoît Riou garde d’autres idées en tête. « J’ai essayé d’alimenter la chaudière avec un lot de triticale impropre à la consommation, et j’ai obtenu de très bons résultats. Les céréales ont un pouvoir calorifique très intéressant ». D’autres points sont aussi améliorables, comme « la création de points de chauffe dans le bâtiment en distribuant l’eau vers les aérothermes par un réseau intérieur ». Pour le paillage, l’éleveur a récemment essayé le miscanthus, qui « a l’avantage de ne pas se compacter et fait gratter les dindes. Attention toutefois aux dégagements plus importants de poussière qui peuvent atteindre les voies respiratoires ». [/hors-text]
Une gestion durable s’impose
« Le broyage est confié à la société Adel Service. Le stockage est assuré sur la ferme dans deux hangars pour le séchage ». Le bois est un mode de chauffage écologique qui intéresse les grosses structures, c’est pourquoi Benoît Riou conseille d’avoir une gestion à moyen terme de cette ressource. « Quand on monte ce type de projet, il faut penser à l’approvisionnement futur. Avec des tonnages consommés qui seront plus importants à l’avenir, le coût de la matière première risque de grimper ». Pour conserver l’intérêt économique du bois, une gestion durable s’impose. Fanch Paranthoën
[nextpage title=”De l’intérêt de la polyvalence”]En 2014, Thomas Couëpel a bouclé une « bonne année » en s’appuyant sur un roulement des espèces dans ses deux poulaillers. Il met notamment l’accent sur la production de pintade.
Éleveur de poulets exclusif au départ, qu’est-ce qui vous a conduit aux autres espèces ?
En 2009, le poulet marchait moins bien. Ce marché moins porteur m’a poussé à la diversification. Je venais de bétonner le sol des poulaillers facilitant l’accueil d’autres espèces. Parallèlement, via la résorption au niveau du canton, j’ai saisi l’opportunité de récupérer 5 000 unités d’azote gratuites pour augmenter la capacité de l’atelier. Cela m’a contraint à déposer un nouveau dossier ICPE. Tant qu’à dépenser 4 000 € en démarche administrative pour une autorisation d’exploiter supérieure à 22 poulets / m2, j’en ai profité pour y faire inscrire le maximum d’espèces : dinde, coquelet, pintade…
[caption id=”attachment_1562″ align=”aligncenter” width=”300″] Thomas Couepel, éleveur à Andel (22)[/caption]
À l’époque, le groupement Savel cherchait à placer de la pintade. En 2010, vous tentez l’aventure. Quelle différence par rapport au poulet ?
D’abord, en pintade, le temps d’élevage est de 77 jours, soit la durée pour mener 1,5 bande en poulet. Cela signifie donc moins de démarrages et moins d’enlèvements. Doublé d’une gestion sanitaire plus simple. Ensuite, la pintade est démarrée en double densité, dans un seul des deux bâtiments. Dans le second, il est ainsi possible de mener en dérobée une bande de coquelets ou de poulets aux cycles plus courts. Avec à la clé, l’idée d’améliorer la rentabilité en limitant les périodes de vide.
Depuis ce coup d’essai, j’ai élevé un ou deux lots de pintade chaque année. En marge PA, on parle de 12 ou 13 € / m2 en pintade. Au départ, j’ai suivi les conseils du technicien et j’ai eu la chance de ne pas avoir de problèmes sanitaires.
La pintade réclame aménagements et savoir-faire…
En effet. Il faut par exemple compartimenter l’espace. Dans 1 200 m2, à l’aide de cloisons grillagées d’1 m de haut, je crée 4 zones séparées, recevant chacune 5 000 poussins. Cet animal à l’instinct grégaire se déplace en masse. En formant ainsi des groupes plus petits, on réduit les risques de griffure et de tassement quand on entre dans l’enceinte. Car une pintade griffée, c’est une saisie à l’abattoir. Au démarrage, l’abreuvement réclame aussi un petit matériel adapté : abreuvoirs siphoïdes, minidrinks, alvéoles … Sans oublier les perchoirs. Au final, j’ai investi 2 000 euros par poulailler.
[caption id=”attachment_1563″ align=”aligncenter” width=”300″] Au démarrage, les pintadeaux réclament une attention particulière.[/caption]
L’expérience montre que les poulets ou coquelets élevés derrière des pintade ont de meilleurs résultats.
Au début, je ne voulais pas le croire. Mais j’ai constaté de meilleures performances sur la bande qui suit : plus de GMQ, moins d’indice de consommation… Avec l’espèce, le microbisme évolue : après pintade, la pression sanitaire est moindre pour le poulet qui suit. Comme s’il entrait dans un bâtiment neuf. À l’arrivée, ce phénomène compense une production de pintade qui peut paraître moins rémunératrice au premier abord. Quand je regarde tout, la pintade vaut le coup.
La diversification pour limiter les vides sanitaires
« Plus souvent les portes des poulaillers sont fermées, mieux un aviculteur se porte. Or, en poulet, à raison de 6 bandes par an pour des vides sanitaires de 15 jours minimum, un bâtiment n’est plein que 9 mois sur 12. Pour abaisser ces périodes improductives, la polyvalence de l’atelier permet de se rabattre sur une autre chose quand la rémunération d’une espèce n’est pas au rendez-vous, ou comme c’était le cas l’année passée avec les turbulences du poulet export.
En 2014, j’ai bouclé une bonne campagne basée sur cette diversification : poulet lourd, poulet export, pintade et coquelet. Auparavant, on nous demandait d’être spécialiste d’une production. Aujourd’hui, la polyvalence en aviculture est devenue stratégique.
Malheureusement, depuis janvier, je n’ai pas encore réussi à rentrer de pintades. La Savel, leader du créneau, ne voudrait plus alimenter les outils des Côtes d’Armor, trop loin des abattoirs. Décevant mais sans recours car nos poulaillers ne sont pas sur roulettes… La lumière pourrait venir, peut être, si d’autres acteurs s’intéressaient à la pintade. Affaire à suivre. »
Pourtant, beaucoup restent focalisés sur le poulet…
C’est vrai. La pintade a souvent été placée chez des éleveurs de dinde ou dans des bâtiments plus âgés, moins fréquemment chez les éleveurs de poulet. Il y a bien sûr l’obstacle de l’investissement en matériel, mais le plus gros frein est dans la tête des aviculteurs qui n’osent pas faire le pas, les préjugés ont la vie dure.
Il faut dire que le démarrage de la pintade est différent du poulet. Elle réclame davantage d’attention. Pendant 3 semaines, il faut disposer l’aliment sur des alvéoles. Réduire l’espace pour que les poussins trouvent aisément les points d’eau et leur nourriture. En fait, ça se rapproche du démarrage de la dinde. J’apprécie car cela nous ramène à notre métier d’éleveur. En plus du côté économique, cette production est stimulante pour l’animalier. Changer d’espèce, c’est casser la routine et se remettre en cause. Propos recueillis par Toma Dagorn