guerre-14-18-musee-plouigneau - Illustration Guerre : derrière le monument, des histoires d’hommes

Guerre : derrière le monument, des histoires d’hommes

Faire un bout de chemin avec vingt-cinq poilus de la guerre 14. C’est ce que propose le musée breton de Plouigneau (29) au travers d’une exposition aussi courte que la Grande Guerre s’annonçait brève.

Annie Quéméré, enseignante, a mené un travail de bénédictin. En fouillant les archives de l’état civil, elle a recensé 1 084 Ignaciens – c’est le nom des habitants de Plouigneau (29) – potentiellement mobilisables pour la Grande Guerre. Soit près d’un habitant sur quatre sur une population de 4 420 habitants à l’époque. « Il s’agit d’hommes nés entre 1870 et 1900. Deux tiers d’entre eux étaient mobilisables ».

[caption id=”attachment_5019″ align=”aligncenter” width=”300″]Les cadres de décoration militaire étaient accrochés au mur des maisons Les cadres de décoration militaire étaient accrochés au mur des maisons, comme le rappelle Annie Quéméré.[/caption]

Et de livrer cette anecdote : « Deux frères, Jean-Marie et Yves-Marie Morin passent devant le conseil de révision, l’un en 1906, l’autre en 1908. Tous deux sont réformés parce qu’ils ne mesurent pas le minimum requis de 1,60 m. La France ne les oubliera pas longtemps. Après le massacre de l’automne 1914, tout homme valide intéresse l’armée afin de combler les pertes de l’infanterie. Le 24 décembre, ils sont reconnus “bons pour le service armé”. Autrement dit, ils étaient trop petits pour l’armée, mais assez grands pour la guerre. Le plus jeune sera tué en 1916 ».

Des fratries décimées

Plouigneau, comme de nombreuses communes rurales, a payé un lourd tribut à la guerre. Plus de deux cents hommes en âge de combattre, pour la plupart des paysans, n’ont jamais revu leur terre natale. « Sur la commune, nous recensons notamment deux fois trois frères tués et huit fois deux frères », indique Daniel Picart, agriculteur et passionné par la Grande Guerre. Et de faire remarquer que la période d’août à décembre 1914 a été particulièrement meurtrière avec 40 morts à Plouigneau, dont 10 le même jour. Aux 212 noms gravés en lettres d’or sur l’obélisque du monument érigé à l’entrée du cimetière viendra prochainement s’ajouter une dizaine « d’oubliés » récemment recensés.

[caption id=”attachment_5020″ align=”aligncenter” width=”300″]Daniel Sannier présente un portrait de soldat Daniel Sannier présente un portrait de soldat merveilleusement préservé.[/caption]

Dans le cadre de la Mission centenaire, Annie Quéméré, Daniel Picart et Daniel Sannier, ancien directeur d’école, se sont rapprochés de l’association des anciens combattants de la commune pour faire revivre des soldats et officiers de Plouigneau mobilisés lors de ce premier conflit mondial. « Quand j’étais enseignant, je n’accompagnais jamais les enfants aux cérémonies du 11-Novembre. Je préférais leur faire lire le nom et l’âge des soldats sur le monument aux Morts. Pour leur faire prendre conscience que la guerre n’est pas une histoire de vieux, mais une hécatombe pour des jeunes ».

Le Bleuet de Lanleya

Cent ans plus tard, ces jeunes « tombés à l’ennemi » ou miraculeusement épargnés sont mis en avant par leurs arrière-petits-enfants pour témoigner de cette drôle de guerre. « Nous avons fait un appel à la population pour qu’elle nous prête des documents, des objets, des souvenirs », explique Daniel Picart, ravi du succès de l’opération. « Les gens ont fouillé leur grenier, ont dépoussiéré des cadres de décorations militaires, nous ont confié des lettres, des photos, etc. »
À partir de ces éléments de mémoire, les bénévoles de l’association ont reconstruit un bout de chemin d’une vingtaine d’Ignaciens mobilisés. Parmi ces soldats mis en avant, le Bleuet de Lanleya, alias Jean-Marie Geffroy, né en 1896 et qui, à son retour des tranchées, a ouvert un commerce inspiré d’un modèle allemand au lieudit Lanleya.

[caption id=”attachment_5021″ align=”aligncenter” width=”300″]Casque à pointe allemand en « carton bouilli » Casque à pointe allemand en « carton bouilli » pas plus protecteur que le képi rouge garance des Français.[/caption]

« Bleuet était le surnom donné aux soldats qui avaient 20 ans en 1916 et qui arrivaient au front à partir de 1915 avec la nouvelle tenue couleur bleu horizon qui remplaçait les trop visibles képis et pantalon rouge garance ». Ce surnom donné par les anciens était une marque de sympathie envers ces nouveaux, ces bleus. Le nom va rester dans le langage militaire et populaire. De la tenue militaire bleu horizon au bleuet qui fleurissait sur le champ de bataille, il n’y a qu’un pas. C’est ainsi que le bleuet est devenu la fleur emblématique du premier conflit mondial pour les Français, comme le coquelicot l’est pour les anciens pays du Commonwealth.

Du 11 au 16 novembre

L’exposition 14-18, initiée par trois bénévoles en partenariat avec l’association des anciens combattants, avec le soutien de la municipalité et d’entreprises, se déroulera à l’écomusée de la Métairie, du 11 au 16 novembre, de 10 h à 18 h.

À découvrir :

  • La collection de Dominique Broudin, de Plouaret (portion de tranchée reconstituée, uniformes de zouave, de poilu…)
  • 25 panneaux retraçant la vie de soldats pendant la guerre (vie dans les tranchées, correspondance, etc.).
  • Objets d’artisanat des tranchées, photos, cartes postales, décorations, tenues militaires…
  • Entrée libre

Le web est entré en résistance

Bien d’autres portraits seront tracés au cours de cette exposition. Symbole de fraternité, une délégation de la ville de Bedernau (Bavière) jumelée avec Plouigneau depuis 35 ans, participera à l’inauguration de l’exposition.En revanche, pas de représentant de l’armée américaine qui débarqua en 1917 sur les côtes ouest françaises, mais un mannequin posant près d’un tracteur Mac Cormick (modèle Titan) qui servit à tirer les canons sur le front. Les visiteurs avisés remarqueront certainement la tenue et les équipements parfaitement adaptés du soldat américain pour la guerre de tranchées. Ils remarqueront également les équipements du Sammy en toile anglaise que l’on appelle web. Une autre toile plus virtuelle et tout autant indestructible porte aujourd’hui ce nom de « web » qui favorise l’universalité des liens entre les peuples. Tout un symbole… Didier Le Du


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