producteur-lait-sodiaal-jacques-caillaud-frederic-chausson-pascal-nizan-loudeac - Illustration un laitier optimiste

un laitier optimiste

Pour Sodiaal, le déficit mondial en lait ouvre de grandes perspectives à condition de « maîtriser son développement ». Elle met déjà en place des outils dans les fermes pour préparer 2015.

« Le producteur de lait a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’avenir », lançait Frédéric Chausson, directeur du développement coopératif chez Sodiaal, le 15 novembre à Loudéac (22). « Même en faisant progresser la production de manière très volontariste, avec l’effet de la démographie, la production va courir derrière la consommation mondiale », ajoutait-t-il optimiste en s’appuyant sur l’analyse prospective « très fine compilant études internes et littérature disponible ». Des volumes à produire qui accompagneront la restructuration profonde engagée de la filière.

En 2020, 30 % d’éleveurs en moins pour 18 % de lait en plus

« Dans notre réseau, entre 2012 et 2020, le nombre d’ateliers devrait baisser de 12 300 à 8 300 alors que la livraison moyenne par exploitation passerait de 330 000 à 580 000 litres », annonçait Frédéric Chausson. Soit en 8 ans, un tiers de producteurs en moins pour  800 millions de litres supplémentaires (+18 %) à l’échelle de la coop. Une hémorragie réaliste du nombre d’agriculteurs sur laquelle tout le monde semble s’entendre. « Mais la cause de l’augmentation du lait produit par ferme n’est pas l’arrêt des quotas en soi. Il y un effet naturel d’un renouvellement des générations ne couvrant pas les départs en retraire. Inévitablement, la production se reporte sur les exploitations qui restent », précisait Jean-Paul Prigent, de la Chapelle-Neuve (22), président de Sodiaal Bretagne Ouest.

Fort de ce constat, la coop laitière prépare son avenir et celui de ses sociétaires qui resteront dans la partie. « Aujourd’hui, les opérateurs privés se concentrent sur les volumes à valeur ajoutée et réalisent leur développement à l’étranger », expliquait Jacques Caillaud, responsable communication du groupe coopératif. Avec l’obligation de collecter tous ses adhérents, dans un contexte de fin de quota et de volatilité, Sodiaal, elle, nourrit deux objectifs : « Répondre à la demande croissante du marché mondial et ne pas couler l’ensemble des produits de grande consommation avec un prix moyen du lait ou la coopérative avec des excédents… » Pour Frédéric Chausson, l’après-quota revient à un choix de modèle entre des privés français qui semblent « vouloir réduire la livraison de leurs producteurs aux volumes fixés dans leurs contrats » et des coops du Nord de l’Europe « qui n’ont qu’un seul leitmotiv, prendre tout le lait de leurs producteurs. » Il annonce d’ores et déjà la couleur : « Oui, nous allons nous développer mais en maîtrisant notre développement. »

Sur tous les métiers du lait

Un « chemin » que les derniers dossiers de reprise illustrent parfaitement à l’échelle d’un groupe déjà présent sur tous les métiers du lait : lait de consommation et matière grasse, poudres et ingrédients laitiers et produits frais. « Nous croyons en la taille critique pour peser sur l’ensemble des marchés et cherchons encore à nous développer. C’est pourquoi nous avons beaucoup réfléchi à reprendre Coralis mais ça n’a pas abouti », expliquait Pascal Nizan de Lanouée (35), président de Sodiaal Bretagne Est. Frédéric Chausson appuyait : « Par contre, il y a quelques mois, la fusion avec la coopérative 3A allait dans ce sens : 40 000 tonnes de fromages en plus pour Sodiaal, un débouché assurant un lait bien valorisé. » Résultat : si Sodiaal ne boxe pas dans la catégorie des grandes coops laitières comme Friesland Campina (Pays-Bas), Arla (Danemark) ou DMK (Allemagne), « notre périmètre commence à permettre de leur parler… », notait Jacques Caillaud.

La moitié des bretons adhèrent à la linéarité pour plus de lait d’été

Par ailleurs, l’après 2015 ne peut se résumer à une simple croissance par absorption gloutonne d’autres entreprises, aussi réfléchie soit-elle. A ce titre, Frédéric Chausson rappelait surtout que « sociétaires et business units –comprenez unités de valorisation des différentes filiales- doivent toujours être en phase, car un litre de lait valorisé en décalage du marché coûte très cher. » Le fameux « développement maîtrisé » doit s’appuyer sur un travail conséquent sur l’amont, notamment grâce aux outils du programme « Sodiaal Union 2020 ». Il y a d’abord « la Gestion volume prix ou GVP, une approche qui laisse le choix à chaque adhérent. Soit rester sur ses volumes historiques, avec un objectif de prix aux 1 000 litres, dans un cadre de contraintes environnementales, de main-d’œuvre ou de bâtiment… Soit produire du volume supplémentaire pour celui qui le souhaite », expliquait Jean-Paul Prigent. Vient ensuite l’Assurance sécurité approvisionnement. « L’idée de cette Asap est de prévoir au mieux les quantités de lait à transformer pour trouver la meilleure pertinence de valorisation possible. » Concrètement, les producteurs déclarent via internet leur prévision de production des mois à venir. Suivant l’exactitude de la prévision, l’éleveur bénéficie de prime jusqu’à 5 € / 1 000 litres. « 55 % des producteurs y participent : 70 % des litrages dont déjà concernés. » Enfin, le dernier levier, lancé en avril dernier, est la « linéarité ».

Prédire et lisser pour nourrir l’équation laitière

Le problème est simple : l’excédent des premiers mois de l’année génère pour les usines des besoins de main-d’œuvre importants et surtout des ventes de lait peu rémunératrices sur le marché spot alors qu’août, septembre et octobre sont déficitaires. « Nous avons travaillé sur une allocation provisoire illimitée permettant aux éleveurs de produire autant que désiré pour combler ce creux. En Bretagne, la moitié des producteurs ont participé à cette linéarité. Pour une première édition, cette mesure a équivalu à un prêt de quota de 4 %. A l’avenir, nous pouvons encore l’améliorer pour lisser davantage la livraison annuelle », détaillait Pascal Nizan. La valorisation réelle de ces quantités alimente un fonds d’orientation finançant une prime d’incitation au lait d’été. « Cette année, c’est ainsi 2,9 millions d’euros que les producteurs ayant participé à la linéarité auront à se partager. »

Ces outils d’anticipation, de prédiction et de lissage viennent optimiser « l’équation laitière », un mécanisme « qui permet d’ajuster au mieux ressources de l’amont et meilleures valorisations possibles pour ne surtout pas produire pour produire », explique Jacques Caillaud. « C’est une réalité depuis quelques années : chez nous, des traders travaillent devant un mur d’écrans pour trouver les meilleurs débouchés. Les 100 millions d’euros par an investis par le groupe vont aussi dans ce sens. Aujourd’hui par exemple, les sérums sont valorisés en nutrition humaine et infantile. Avant, ils étaient destinés à l’alimentation animale moins rémunératrice. En fait, c’est simple, sans valorisation, il n’y a pas de marché », concluait Jacques Caillaud. Toma Dagorn

L’avis de Jean-Paul Prigent, Président de Sodiaal Bretagne Ouest

Après 2015, cohabiteront différentes tailles d’exploitations. Des fermes n’ayant pas envie de grandir misant sur un atelier rodé, amorti, maîtrisé, hérité de la période administrée. Et des porteurs de projets plus personnels qui viendront vers la coop avec l’objectif d’un développement à plus grande échelle. Ce sera aussi la fin de « celui qui a le plus gros tracteur dans la cour » car il faudra déléguer et, globalement, aborder la production laitière de façon plus professionnelle et spécialisée.


Tags :
Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article