Un paillage abondant est favorable à la montée en température de la litière. - Illustration Traquer les mammites d’environnement
Un paillage abondant est favorable à la montée en température de la litière.

Traquer les mammites d’environnement

L’hiver, ses vaches en bâtiment et… ses mammites. Chaque hiver c’est le même scénario. À l’origine de ces gros ennuis, souvent une petite bête invisible mais coriace : streptococcus ubéris. La traque est ouverte.

[caption id=”attachment_32697″ align=”alignright” width=”164″]Marylise Le Guénic, Vétérinaire Chambre d’agriculture Marylise Le Guénic, Vétérinaire Chambre d’agriculture[/caption]

Marylise Le Guénic, vétérinaire au pôle herbivore des chambres d’agriculture de Bretagne, connaît bien streptococcus ubéris. Plus de vingt ans qu’elle traque cette bactérie, une des grandes responsables des mammites d’environnement en Bretagne. Autrement dit des mammites favorisées par les conditions d’élevage. Et si elle reconnaît humblement que certains aspects échappent encore – et pour longtemps ? – à la maîtrise de cette petite bête capable de grands dégâts et de terribles tourments pour les éleveurs, elle n’en délivre pas moins quelques mesures efficaces pour lui faire barrage. Même si un barrage n’est jamais tout à fait hermétique…

Association de 4 malfaiteurs

Connaître les conditions qui font les beaux jours et les mauvais jours de cette bactérie permet de mieux lutter contre elle. « Tout d’abord, streptococcus ubéris a besoin de nutriments : la paille est un bon milieu. Elle a besoin de chaleur : elle le trouve dans la litière qui s’échauffe. D’oxygène : une paille généreuse et aérée permet une bonne diffusion de l’air dans la litière. De la vapeur d’eau : pas très difficile en Bretagne ».

Mais, ce n’est pas parce que toutes ces conditions sont réunies que les mammites d’environnement vont exploser : encore faut-il que la bactérie soit présente dans l’élevage. Ce qui n’est pas toujours le cas. Il y a les élevages avec et des élevages sans. D’où ces différences entre exploitations dans l’expression de mammites d’environnement. « S’agissant d’une bactérie fécale, elle peut être introduite, par exemple, par l’achat d’animaux. Mais encore faut-il qu’elle trouve les conditions pour se développer ».

Pas d’égalité face au risque

Cette bactérie a par ailleurs quelque chose de déconcertant. Ce n’est pas parce que la litière est souillée qu’on va en effet la retrouver. « Des prélèvements ont été réalisés en aire paillée dans des élevages contaminés : pour partie en zone propre et pour partie en zone sale. Les colonies de streptocoques fécaux les plus nombreuses se trouvaient dans les zones les plus chaudes qui étaient aussi les plus propres ». Ce qui conduit la vétérinaire à revenir sur les 4 facteurs favorisant leur développement (nutriments, oxygène, chaleur, vapeur d’eau). Or, dans les zones souillées, un de ces facteurs favorables à leur développement peut manquer : « En zone souillée, la température est souvent plus faible ; à cause du piétinement, l’oxygène peut faire défaut ; la vapeur d’eau prend plutôt des allures de marais, comme à proximité des abreuvoirs ».

Conclusion de cette étude : « Une litière propre n’est pas un signe d’absence de streptococcus ubéris. Et surtout, il n’y a pas d’égalité face au risque ». Autrement dit, ce n’est pas parce que c’est nickel partout que streptococcus ubéris ne fera pas des ravages. Une autre étude des années 70, conduite sur colibacilles, avait abouti à la même conclusion : « Le nombre de bactéries n’est pas corrélé à la propreté ». Ce constat n’est pas une invitation au laisser-faire. Au contraire, car les vaches sales généreront des difficultés de décontamination des trayons en début de traite. Ce constat est avant tout une invitation au « faire autrement ».

Facteurs de risque liés aux bâtiments

Une étude réalisée de 1995 à 1997, sur 237 exploitations des Pays de La Loire, pilotée par Nathalie Bareille, ENV Nantes, montre que l’aire paillée comme type de couchage ne constitue pas un facteur de risque beaucoup plus important que des logettes pour l’expression de mammites : le ratio est de 1,13 en mammites subcliniques et de 1,18 en mammites cliniques. Autrement dit, quand on compte 5 mammites cliniques sur 50 vaches avec des logettes, théoriquement le même troupeau logé en aire paillée en aura 6. À titre de comparaison quand 5 % à 20 % des vaches ont des lésions et verrues, le ratio de risque augmente de 1,45 comparativement à un troupeau qui présente moins de 5 % de verrues et lésions. De même, la fréquence des troubles autour du vêlage a plus d’incidence sur les mammites cliniques : ratio de 1,30 quand +30 % des vaches sont concernées (par rapport à moins de 15 %). En revanche, pour l’expression des mammites aigues, l’aire paillée présente un facteur de risque de 1,60 par rapport à des logettes.

Conseils de base qui peuvent être utiles

Des observations ont montré qu’il n’y avait pas forcément de différence de propreté des vaches entre un paillage modéré (<1,2 kg/jour) par rapport à un apport ≥ à 1,6 kg/jour, dans des bâtiments correctement dimensionnés.
En revanche, l’échauffement de la litière est corrélé à la quantité de paille : « Avec moins de 1,2 kg/j, la température de la litière ne dépasse pas en moyenne 30 °C ; avec + de 1,6 kg par jour, la température atteint + de 35 °C au bout de 15 jours d’accumulation de litière et continue d’augmenter ensuite ». Déduction pratique : un bon paillage crée une litière plus favorable à la montée en température ; cocktail qui est favorable au développement des bactéries.

« 12 heures après paillage, la contamination en surface est déjà à son maximum lors de la présence des animaux ». Ce qui signifie que la pratique qui consiste à pailler le matin n’est pas forcément idéale, mais réaliser deux paillages par jour quand les vaches ne sortent pas a l’inconvénient évident de surcharger le travail.
« Lorsqu’on sort les animaux, il serait sans doute aussi préférable de pailler en soirée, pour limiter l’exposition de la paille à l’humidité et à la chaleur, avant même l’ensemencement par les animaux ».

« Pas de message unique pour préconiser un curage tous les 15 jours ou toutes les 3 semaines ». Entre autres, parce que les montées en température dépendent d’abord des pratiques de paillage et de l’utilisation plus ou moins intensive de l’aire paillée par les vaches (densité, temps de présence, tassage, etc.).

[caption id=”attachment_32695″ align=”aligncenter” width=”720″]Avoir l’œil sur le thermomètre permet de décider du moment pour vider le fumier. Avoir l’œil sur le thermomètre permet de décider du moment pour vider le fumier.[/caption]

De même, dans une même stabulation, les curages peuvent être espacés ou doivent être rapprochés selon les conditions météo extérieures : l’échauffement est ralenti par un hiver froid et sec et peut être considérablement accéléré au printemps quand les températures extérieures montent ; une période brumeuse ou un passage de grippe peut inciter à vider pour remettre les compteurs à zéro. Sans oublier les contraintes de stockage qui peuvent conduire à espacer les opérations. Conclusion : pas de règle unique sauf que l’œil doit être sur le thermomètre.

« La vapeur d’eau, c’est le problème breton ». Et si on ne peut pas chasser les nuages, on peut fermer un peu les vannes pour réduire la fraction de l’eau qui arrive sur l’aire de couchage.
Cela commence par avoir des gouttières efficaces ; par des abreuvoirs (qui ne fuient pas) situés à l’écart de l’aire paillée ; par des aires raclées quotidiennement pour ne pas transformer les pattes des vaches en goupillon de bénitier.

« Sortir les vaches dans la journée en conservant les mêmes pratiques sera bien souvent améliorateur », évoque Marylise Le Guénic. « Mais, sans entretien journalier, ce sera détériorateur. »
Sortir les vaches peut aussi être une solution envisagée quand on est en surcharge dans le bâtiment. Et la vétérinaire d’inviter à avoir cette réflexion parallèle : « En cas de surcharge, il peut être également intéressant de différer l’entrée des taries et des primipares. À condition que ces dernières ne soient pas logées dans des conditions plus défavorables que les vaches en lactation ». Faut-il rappeler que la sensibilité aux mammites est maximale les premières 3 semaines de tarissement et autour du vêlage.


Les logettes : « On ne gagne pas à tous les coups »

De nombreux éleveurs entrevoient la sortie du problème des mammites par la transformation des aires paillées en logettes. Sans remettre en cause ce choix qui peut se justifier pour de multiples raisons, Marylise Le Guénic rappelle que « l’on ne gagne pas à tous les coups ». Et d’expliquer : « On n’a pas le même cocktail (nutriments, oxygène, chaleur, vapeur d’eau) sauf, qu’à vouloir trop économiser de la paille, on aboutit parfois à un mélange bouse-paille proche du fumier. Et d’autant plus en contact avec la mamelle que le raclage de l’arrière des logettes n’est pas effectué régulièrement parce que l’on avait imaginé que les logettes « c’était moins de travail…».

Le paillage au compost

Technique développée dans les pays au climat plus sec, le « paillage » des logettes avec du compost obtenu par séparation de phase du lisier connaît quelques adeptes en Bretagne. « Le risque en Bretagne, c’est d’utiliser une matière première humide ou qui va rapidement s’humidifier et qui, au contact des animaux, crée un contexte favorable au développement des bactéries. « Mais encore une fois, tout dépend de l’état sanitaire de l’élevage ».


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