Le panneau directionnel blanc à l’encre noire indique la route à prendre pour arriver à la ferme. Kervellec, on est arrivé. Un bâtiment classique, un plateau à paille attend son chargement, un très beau bocage accueille le visiteur. Au loin, on aperçoit un petit troupeau de vaches noires et blanches. Mais à y regarder de plus près, ce ne sont pas des Prim’Holstein, comme on peut en rencontrer beaucoup sur cette commune de Plougonven (29). Il s’agit ici de Bretonnes Pie Noir, élevées avec grands soins par Floriane Lecossier.
Elles sont petites, rustiques
Le bon moment pour s’installer
La gestion d’un troupeau, la traite, les soins aux cochons…la Finistérienne connaît bien. Avant son installation officielle en décembre 2023, elle a été tour à tour salariée de Partag’Emploi, de Terraliance. De quoi venir en aide aux éleveurs, et surtout se forger une solide expérience. Une de ses missions l’a conduite sur la ferme qu’elle a reprise aujourd’hui, auparavant en production laitière. Une amitié s’est créée avec les agriculteurs en place : « Je venais ici dès que je ne travaillais pas pour le service de remplacement ». Puis l’opportunité de reprendre s’est présentée. On dit que choisir, c’est renoncer ; pour autant Floriane a choisi de s’installer, sans pour autant abandonner d’autres rêves. « M’installer, j’avais cette idée en tête depuis mes études, mais je ne voulais pas le faire à tout prix ». Ce fut alors une sorte d’alignement des planètes : des taux bancaires au plus bas, une ferme qui correspond à ses attentes, avec des terres regroupées, des bâtiments récents et entretenus, de l’eau dans les paddocks, bref… « Un site très facile pour de l’élevage. Si je ne m’installais pas à ce moment-là, je ne l’aurais jamais fait ». Cerise sur le gâteau, un troupeau à reprendre est trouvé en Loire-Atlantique, composé de 19 mères et d’un taureau. Direction le Trégor pour ces animaux noir et blanc, la ferme Les Bretonnes de Kervellec est lancée. « Il est très difficile de trouver un troupeau complet en Pie Noir », avoue l’éleveuse, qui a choisi cette race pour la qualité de sa viande mais surtout pour « sauver un patrimoine. Aussi, elles sont petites, rustiques, abîment peu les pâtures ».


L’ancien temps a du bon
En rythme de croisière, le nombre de têtes passera à 25 mères. La ferme vend des colis de viande de veau, les femelles sont vendues à d’autres éleveurs et à des particuliers. Les jeunes mâles « sont abattus entre 6 mois et demi et 7 mois. C’est tardif mais c’est un choix : ils se plaisent à rester avec leur mère, qui a aussi moins de lait quand on laisse les veaux 2 mois de plus, elles sont alors plus calmes ». Le bien-être animal est ici partout, il se ressent : beaucoup de temps est passé au cœur du troupeau, le dialogue est permanent. « Le problème avec les animaux est la barrière de la langue, il n’y a que le comportement physique pour se comprendre ». Les imposantes cornes en forme de lyre ou de croissant peuvent en dissuader plus d’un ; pas l’éleveuse. « J’ai toujours un bâton au champ, mais il ne me sert jamais à taper. Quand elles montrent leurs cornes, je montre simplement ce bâton. Je suis patiente, j’obtiens toujours ce que je veux. Elles l’ont compris ». Cette forte relation éleveuse/troupeau s’illustre par le ton de voix utilisé, « gentil quand je suis devant », plus autoritaire à l’arrière des vaches.
Toutes ces attentions finissent par payer, et se ressentent dans la qualité de la viande. « Je reprends tout ce qui était bon de l’ancien temps, avec une nourriture à base d’herbe et de betteraves. Mes clients me disent retrouver le bon goût de la viande d’antan ». Pour arriver à cette excellence, les veaux sont sevrés le jour de leur abattage, sur un site proche de seulement quelques kilomètres, sur Plounévez-Moëdec (22). Puis la viande mature 12 jours.
VIP arrive en brouette
Dans les bâtiments, quelques ajustements ont été nécessaires pour s’adapter à la race. Par exemple, les abreuvoirs ont été descendus pour que chacune et chacun puisse se désaltérer. L’ancien quai de traite sert à la prophylaxie, toutes les barrières déjà en place « permettent de travailler seule ». Floriane aime à dire que « c’est une petite ferme, avec du petit matériel mais qui me convient très bien ! », explique-t-elle en montrant sa charrue à 3 socs, qui sert à retourner la terre avant les semis de betterave.
À leur naissance, chaque animal est baptisé. On retiendra, chez les mâles, Truant, fils de Justice, ou Verlan, né en position arrière. Chez les femelles, VIP s’est vu affubler de ce nom car « elle ne voulait pas rentrer seule dans le bâtiment. Elle y est entrée en brouette », comme si elle ne voulait pas se souiller, à la manière de l’hermine qui, dans la légende, a préféré la mort plutôt que la souillure. Décidément, ces bêtes blanche et noire ont du caractère.
Fanch Paranthoën
Pour retrouver la viande de la ferme
Les colis de viande sont à retrouver en vente directe à la ferme, au 145 Kervellec à Plougonven, sur réservation au 06 03 93 95 25.