« La luzerne est une plante agronomiquement incroyable. Championne des protéines, elle apporte de la valeur alimentaire et résiste au coup de chaud. Cette excellente tête de rotation restructure les sols grâce à son implantation pour 4 ou 5 ans. Parmi ses atouts, comptez aussi l’économie d’apport d’azote réalisée sur les cultures suivantes… », a rappelé Sébastien Grey, chargé de développement chez Eureden, lors d’une rencontre de la Scic Armor Déshy sur une ferme de Lamballe-Armor (22).
Semer en septembre est une erreur
Analyse de sol incontournable
Pour autant, l’observateur note « des échecs de plus en plus récurrents » chez certains agriculteurs. Outre les leviers agronomiques, le climat « qu’on ne maîtrise pas » joue un rôle important. « La luzerne n’aimant pas l’excès d’eau, pour passer les automnes – hivers bretons parfois humides, le bon choix de la parcelle est un prérequis. » Jamais dans un secteur humide. Pour simplifier, Antoine Even, en charge de la zone Bretagne pour le semencier Cérience, recommande de la mettre « dans les bonnes terres à blé ».
Ensuite, l’étude du sol est indispensable, reprend Sébastien Grey. Il faut diagnostiquer l’état de structure – « ce n’est jamais fait sur le terrain » – à l’aide d’un pénétromètre, d’une bèche ou d’un coup de godet pour réaliser un profil. S’il y a un problème de compaction, la luzerne calera à 30 cm de profondeur quand son enracinement voudra se développer au-delà du premier horizon. Ensuite, l’analyse de sol au laboratoire est obligatoire, estime l’agronome. « Cela apporte des informations précieuses pour les 5 à 7 ans à venir pour la parcelle. Pour 100 – 110 €, optez pour une analyse complète avec la granulométrie, donnée mesurée pour toute une carrière et souvent utile pour piloter ses cultures. » Et d’insister : « Faire une analyse peut rapporter gros. Ne pas la faire, c’est prendre le risque de tout perdre dès le départ. »
Le pH est important mais « n’est qu’un indicateur », note Antoine Even, qui conseille de regarder surtout le calcium échangeable et la potasse. Même si les sols bretons sont assez riches, la luzerne consomme 30 unités de chaque par tonne MS exportée, rappelle-t-il. Sébastien Grey enfonce le clou : « On voit aujourd’hui des carences en potasse en maïs. Si on ajoute une luzerne dans la rotation, il faut forcément penser apport de potasse et de carbonate. Un point de vigilance pour toutes les plantes fauchées et exportées. »
Semer tôt ou ne pas semer
La luzerne est une plante de lumière et de jours longs. « L’idéal est de l’implanter dès que le sol se réchauffe au printemps. Mais pas de semis avant avril, ni après août », insiste Antoine Even. « Certains se sentent en sécurité dans les bonnes conditions météo de septembre, mais c’est une erreur. Après le 30 août, la graine doit rester dans le sac. »
Le semis s’effectue en surface, « avec un passage de rouleau systématique », rappelle Sébastien Grey. Le plus tôt possible pour que cette plante « lente à l’installation » profite de l’humidité résiduelle du sol et se développe en période chaude quand le ray-grass et le mouron ne poussent pas.
Toma Dagorn
La luzerne dans la lutte contre les ray-grass
« Le ray-grass dans les cultures est une sacrée problématique partout aujourd’hui. Quand elle est bien implantée, la luzerne, plante pérenne, est un gros atout pour limiter la pression des ray-grass », note Sébastien Grey. Les coupes successives évitent que la graminée arrive à maturité et renouvelle son stock semencier. « Dans certains cas, en agriculture conventionnelle, la luzerne, culture peu gourmande en produits phytosanitaires, peut permettre un traitement en hiver contre les ray-grass. »Pour garder une luzerne vigoureuse, Antoine Even donne une dernière recommandation. « Des échecs sont liés à des fauches trop rases qui peuvent réduire le rendement annuel d’un tiers. Laissez au minimum 5 cm, ou même mieux 7 ou 8 cm, car le système racinaire de la luzerne se dévitalise au fur et à mesure de la saison. » Et comme la tige contient 11 % de protéines et les feuilles jusqu’à 29 %, couper plus haut concentre aussi la valeur du fourrage.