Le printemps pluvieux de 2024 a engendré un retard dans les chantiers prévus sur le mois d’avril et de mai décalant par la même occasion les semis de maïs, notamment en maïs fourrage. Les semis des maïs ont finalement commencé principalement la semaine du 8 mai avant de s’interrompre puis de reprendre sur fin mai jusque mi-juin. Cette année, les dates de semis sont très hétérogènes sur la Bretagne en corrélation avec la pluviométrie également hétérogène. Les Côtes d’Armor ont semé majoritairement sur la 1re décade de mai, tandis que d’autres secteurs ont dû attendre le mois de juin pour semer.
225 degrés d’écart
En 2023, les semis étaient également décalés sur la fin mai avec néanmoins une récolte dans les dates calendaires classiques en raison d’excès de températures sur juin et fin août/début septembre permettant de rattraper le retard pris aux semis. Cela n’a pas été le cas en 2024, l’année est anormalement fraîche par rapport aux précédentes (voir graphique) : sur la station de Rostrenen en Centre-Bretagne, on observe une augmentation des températures sur les 15 dernières années de manière linéaire entre le 30 mai et le 30 septembre, mais la campagne 2024 se retrouve anormalement dans la médiane des 30 dernières années au lieu d’être dans la lignée de l’augmentation continue des températures. C’est près de 225 °C d’écart entre 2024 et 2022-2023 soit l’équivalent d’un écart d’une dizaine de points de matière sèche à la même date entre 2024 et 2023 !
En conséquence, les ensilages ont timidement commencé sur fin septembre pour atteindre un pic à la mi-octobre avant de s’éterniser jusque début novembre. Les rendements en maïs fourrage sont bons à très bons, mais ces récoltes tardives en fourrage imposent d’être extrêmement vigilant sur la qualité sanitaire vis-à-vis des teneurs en mycotoxines.
Pour le maïs grain, rares sont les maïs qui ont atteint leur maturité physiologique à 32 % d’humidité du grain. La récolte grain a commencé fin octobre avec des humidités du grain autour de 37 %, les températures basses de novembre ne permettent plus d’espérer un avancement du maïs sur le mois de novembre. Les rendements en maïs grain sont toutefois bons à très bons, ce qui augmente le volume de grains à sécher à des humidités élevées. Cela impose de sécher moins fort et plus longtemps pour ne pas dégrader la qualité alimentaire du grain. Ce sont donc les séchoirs qui dictent l’avancement de la récolte pour maîtriser les flux de matières. À l’instar du maïs fourrage, le risque mycotoxine est bien présent et d’autant plus élevé que la récolte est tardive.
Une pression ravageurs discrète, mais plus de sangliers
Les corvidés sont l’ennemi public n° 1 depuis quelques années en Bretagne. Toutefois, les dégâts sont relativement modérés à l’échelle régionale cette année. Les attaques de géomyze étaient relativement contenues, en lien potentiellement avec les semis étalés qui diluent le risque de synchronisation des levées du maïs avec le vol des géomyzes. Des attaques d’oscinie ont pu être observées également, parfois en complément des attaques de géomyze. Les taupins sont restés discrets et le risque est à mettre en lien avec l’historique parcellaire. Les attaques de pyrale ont pu être davantage remarquées cette année dans les secteurs historiques de l’est de la Bretagne avec une pression moyenne, ce qui ne réduit pas le risque mycotoxines déjà élevé en raison des récoltes tardives. À noter, la pression sangliers qui augmente depuis 2-3 ans et cette année encore.
Des phénomènes de verse à plusieurs origines
Les phénomènes de verse sont un autre fait marquant de la campagne 2024. Plusieurs types de verses ont coexisté (parasitaire, physiologiques…) sur cette campagne avec des impacts différents. La plupart résultent d’excès d’eau sur le début de cycle, de manque de rayonnement sur le mois de juillet et surtout d’un cycle décalé, retardé et davantage exposé aux intempéries de septembre et octobre. Les épisodes de vents violents sur ces deux derniers mois ont été des facteurs déclencheurs que l’on a peu connus en 2023 du fait des récoltes plus précoces qu’en 2024.
Des valeurs alimentaires correctes
Les maïs ensilage bretons, récoltés en moyenne à 31,1 % MS, sont plus humides que l’année passée (- 5 pts de MS), et n’atteignent pas 30 % de MS dans le Finistère (29 %). La teneur en amidon est bonne, à 32,6 % de la MS, mais inférieure d’un point à celle des maïs récoltés en 2023. Alors que la part de grains est équivalente à 2023 sur le 22, 35 et 56, elle est inférieure de 3 points dans le 29, à cause d’une maturité insuffisante à la récolte. La teneur en protéines (7,1 %) est équivalente à celle de 2023 (+0,2 pt).
La digestibilité des maïs 2024 est correcte (dMO = 71 %), mais légèrement inférieure à celle des maïs de l’année passée (-0,7 pt). En cause : une teneur en amidon ainsi qu’une digestibilité des fibres (dNDF = 49,7 %, soit -0,5 pt vs 2023) légèrement inférieure à celle des maïs 2023. In fine, la teneur en énergie des maïs 2024 est de 0,94 UFL2018 par kg MS, inférieure de 0,01 (22, 35, 56) à 0,02 UFL/kg MS (29) par rapport aux maïs de la récolte 2023. La valeur alimentaire des maïs bretons est correcte, une attention à la qualité sanitaire (butyriques, mycotoxines) sera nécessaire au vu de la météorologie au cours du cycle et des conditions de récolte.
Benjamin Collin et Alexane Perret / Arvalis