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Environnement - Interview de Loïg Chesnais-Girard, Région Bretagne

«Des immenses efforts accomplis à poursuivre»

Irrigation, qualité de l'eau, pesticides, MAEC et bio... Les nombreuses questions autour de ces thèmes ont fait la Une des journaux ces derniers mois. Où en sommes-nous sur notre territoire ?

Depuis les années 90, l’agriculture est régulièrement pointée du doigt sur la qualité de l’eau. Désormais, elle est aussi la cible pour l’irrigation. Quelle est votre analyse de la situation ?

Loïg Chesnais-Girard : Sur la qualité de l’eau, la Bretagne a essuyé les plâtres pour les autres régions. Désormais nous sommes sortis des contentieux européens quand d’autres y entrent. Il y a encore des efforts à faire pour améliorer la qualité de l’eau mais reconnaissons les immenses efforts accomplis. Sur l’irrigation nous sommes moins concernés en Bretagne, à part pour le légume industrie. Si nous gérons le problème à la bretonne, par la concertation et le dialogue, nous parviendrons à le résoudre j’en suis certain.

Autre sujet sensible : les pesticides. Pour vous, une agriculture sans pesticides est-elle possible ? Souhaitable ? Et le cas échéant dans quels délais ?

L. C.-G. : C’est un sujet de santé publique, et en premier lieu pour les agriculteurs eux-mêmes, car ce sont eux et leur famille qui sont les premiers affectés. Les agriculteurs en sont conscients : quand ils peuvent faire sans, ils le font et beaucoup a déjà été fait. La Région a fixé dès 2019 un horizon 2040 pour sortir des pesticides de synthèse. L’urgence est de réduire partout où c’est possible, pas de passer du tout ou rien intenable. C’est un défi formidable qui demande des moyens de recherche colossaux pour trouver des alternatives. La Région y contribue
déjà à son échelle. Il y aura toujours des dérogations, comme dans certaines filières bio déjà aujourd’hui. Mais on ne peut pas baisser les bras en disant « on n’y arrivera jamais ». C’est aussi un enjeu économique, nous pouvons en faire une force.

Plus largement, selon vous, l’agriculture en fait-elle assez pour la qualité de l’eau ?

L. C.-G. :L’agriculture fait déjà beaucoup pour la qualité de l’eau, c’est indéniable. Les résultats sont-ils à la hauteur ? Non, car elle reste insuffisante, c’est une réalité. L’ambition de reconquête de la qualité de l’eau est intacte. Nous avançons dans la bonne direction. La vraie question est celle de l’accompagnement des agriculteurs pour faire les efforts supplémentaires. Accompagnement par les pouvoirs publics, mais aussi par les coopératives et bien entendu les citoyens.

Les MAEC connaissent un succès auprès des agriculteurs. Considérez-vous les MAEC comme un outil efficace pour la transition agroécologique ?

L. C.-G. : Les MAEC systèmes sont à mon sens l’outil le plus efficace pour accompagner la transition agroécologique. Ce sont des contrats sur 5 ans, qui donnent de la visibilité et stabilisent le revenu pour permettre de prendre le risque du changement. Elles incitent à réinterroger l’ensemble du système de production de l’exploitation. Et surtout il y a plusieurs niveaux d’engagement qui permettent à chaque agriculteur de progresser, quel que soit son système de départ. Tout le monde peut souscrire une MAEC. Leur efficacité pour accompagner le changement est démontrée : les agriculteurs qui s’engagent dépassent leurs objectifs à la fin de leur contrat.

En 2023, la gestion nationale des MAEC n’a pas fait ses preuves. Un retour à une gestion régionale est-il souhaitable ?

L. C.-G. : Quand la Région Bretagne a promu les MAEC en 2014, nous avons fait face au scepticisme. Dix ans plus tard, l’afflux de demandes de MAEC rend hommage à la gestion par la Région. Quand l’État a voulu les recentraliser, nous avions prévenu que nous risquions le nivellement par le bas. C’est ce qui s’est produit. C’est bien la preuve que l’État n’est pas la garantie d’une égalité entre les territoires. Je reste donc convaincu que les agriculteurs bretons auraient intérêt à une régionalisation de la Pac, au plus près de leurs besoins.

Le bio ne se vend plus… ou du moins se vend moins. Selon vous, a-t-il encore un avenir en Bretagne ?

André Sergent : S’agissant de l’agriculture biologique, dans toutes les filières d’élevage et de légumes, la Bretagne est la première région en volumes bio produits. On ne le sait pas assez. Le sujet, c’est le consentement à payer des consommateurs, mais aussi la solidarité de l’aval et de la distribution, quand le marché est fragilisé après une forte période de croissance. C’est aussi la responsabilité de l’État pour faire appliquer la loi Égalim dans toutes les collectivités.
Loïg Chesnais-Girard : Bien sûr que le bio a un avenir. Cette filière fait face à un fléchissement de la consommation, mais ce n’est pas un effondrement. Si la rentabilité économique n’est plus au rendez-vous pour certaines productions, je comprends que certains se désengagent. Mais dans le même temps 40 % des installations se fait encore en bio, cette filière attire donc encore. Les effets bénéfiques de l’agriculture bio sur l’environnement justifient le maintien d’aides publiques et nous continuerons à le faire, sans négliger les autres filières.

Les encouragement plus puissants que la défiance

André Sergent, Président de la Chambre d’agriculture de Bretagne
La Bretagne, ce n’est pas 27 209 km2 d’algues vertes, ni 2 730 km de côtes couvertes d’algues vertes. Les algues vertes sont un sujet sérieux sur lequel les agriculteurs s’impliquent depuis 30 ans. Mais si j’ose dire, sans cynisme, ce dossier pollue notre capacité collective à nous projeter avec les acteurs territoriaux et l’État, dans un climat de confiance. Les agriculteurs se disent « quoi qu’on fasse, jamais bien, toujours défiés et stigmatisés ». La Bretagne est reconnue à l’échelle européenne comme l’une des régions ayant le plus progressé. Les leviers d’encouragement sont plus puissants que la défiance. En Bretagne, les MAEC, sont un parfait exemple d’encouragement, co-construit, plébiscité et s’inscrivant dans la transition écologique. C’est désormais l’État qui gère, dont acte ! Ce qui est inacceptable, c’est qu’un dispositif qui faisait ses preuves avec des agriculteurs engagés soit fragilisé, faute de budget à la hauteur. Promesse non tenue ! Mauvais signe donné aux agriculteurs dont le pays a besoin pour réussir les transitions ! Pour l’environnement, la bonne échelle pour avancer, c’est le territoire avec les acteurs concernés. L’État a tout intérêt à s’appuyer sur des interlocuteurs exigeants dans l’efficacité des politiques publiques. Sur l’utilisation des pesticides, notre projet stratégique, nos stations de recherche s’inscrivent clairement dans une recherche d’alternatives, plus réalistes que des injonctions. Nous sommes proactifs sur la gestion quantitative de l’eau et assumons de travailler sur un partage des usages, sur l’idée de réserves multi-usages.


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