Comment réduire l’usage des herbicides ?

Lors d’un séminaire à Pontivy en décembre, Dephy Ferme a présenté les différents leviers pour réduire les usages des produits phytosanitaires en Bretagne. « Au regard des chiffres, nous notons une évolution positive Ecophyto en Bretagne, avec une baisse de 43 % des produits, hors biocontrôle », note Hervé Simon, de la Draaf. « Mais l’enjeu reste axé sur les herbicides qui représentent 70 % des ventes en Bretagne. » Effectivement, sur le volet hors herbicides, les leviers sont dorénavant bien connus et assez ‘simples’ à mettre en place : choix des variétés et mélanges variétaux, pour une meilleure résistance face aux maladies, densité et date de semis… « Il faut d’abord approfondir en groupe la connaissance des maladies et des adventices, pour être plus autonome par rapport à la prise de décision. Et être prêt à passer plus de temps dans les cultures, c’est parfois le frein », apporte Philippe Le Dantec, éleveur de porcs à Saint-Urbain (29). « Et il faut accepter que les parcelles soient moins propres qu’il y a dix ans », ajoute Paul Guernion, agriculteur à Pommeret (22). « Les témoignages convergent tous vers plus d’observation dans les champs, un cheminement en groupe, l’appui d’OAD comme le Bulletin de santé du végétal (BSV)… Les résultats sont assez rapides avec les mêmes cultures maintenues dans le système de production », analyse Mathilde Lefèvre, ingénieur territorial Dephy. Pour lutter contre les adventices, ce n’est pas si simple… Elle ajoute : « Pour réduire l’IFT herbicide dans la rotation maïs/blé, c’est plus compliqué, le système est sensible sans changement de rotation. » Diversifier les rotations, un passage obligé Hervé Le Pironnec, éleveur laitier à Questembert (56), a augmenté la part des prairies dans son assolement et introduit des méteils dans un premier temps puis du pois protéagineux dans sa rotation. « La rotation blé-maïs est coupée avec 3 à 4 ans de prairie. Cela nous permet de gérer les rumex par la fauche. Avec une meilleure observation des cultures, et un conseil extérieur depuis 2011, le désherbage se réalise à ½ dose, et nous n’utilisons plus de fongicide ni de régulateur. Les rendements n’ont pas chuté sur orge (65 q). Sur maïs, l’observation prime. On agit plus rapidement, en désherbage mécanique ou en traitement à mi-dose. » Il ne relate que des atouts à ces modifications sur son système : meilleure protection de sa santé avec moins de phytosanitaires (baisse de l’IFT total de 4,83 à 1,35), de bons rendements pour les stocks dorénavant basés sur l’herbe et +1 000 kg de lait/VL en production avec le maïs épi venu remplacer le maïs ensilage ainsi que des protéagineux introduits dans la ration. Mais si la prairie constitue un atout pour allonger les rotations, comment faire quand on n’a pas de ruminants ? Cela n’a pas arrêté Vincent Ménard, aviculteur à Bréal-sur-Montfort (35). « En cherchant des leviers pour allonger mes rotations maïs/blé/colza/blé, je suis allé au contact de mes voisins. Un producteur de chevaux était intéressé pour m’acheter de l’enrubannage. En contactant Terres de Sources, lancé par la métropole de Rennes, j’ai aussi pu essayer l’implantation du blé noir, permettant une couverture rapide du sol après un semis précédant des pluies. » Pour l’éleveur, la réduction des phytosanitaires, « cela se passe à l’échelle d’un territoire et non plus seulement dans une exploitation ». Néanmoins, « changer les rotations, c’est une grande bascule. La volonté du groupe était d’atteindre cet objectif, sans augmenter le temps de travail », note Erwan Collin, ingénieur réseau. La démarche dans le groupe qu’il anime a été progressive : des voyages ont permis de se projeter et de créer une dynamique dans le groupe. Chaque adhérent a ensuite simulé la résilience économique de son système en introduisant du colza, du tournesol ou du soja et des méteils fourragers dans les rotations blé-maïs. « Les marges étaient identiques ». Ensuite, est venue la phase d’essai sur des morceaux de parcelles ou des parcelles entières, chacun avançant à son rythme pour minimiser les risques… « Les solutions étaient diverses : mise en commun de culture ou affouragement en vert pour pouvoir mettre des prairies plus loin ou de l’autre côté de la route. Ils ont aussi acheté en commun une charrue déchaumeuse complétée par du désherbage mécanique ensuite ». Le joker du désherbage mécanique « Ne pas aller traiter quand les autres sortent leur pulvérisateur, ce n’est pas toujours simple… », témoigne Paul Guernion. Si le concept du désherbage mécanique s’est démocratisé, son utilisation n’est pas toujours simple à mettre en œuvre. « Nous passions la herse étrille sur le maïs. Cette année nous avons investi dans une bineuse. Achetée le mardi, elle a été rangée sous le hangar dès le mercredi car nos terres argileuses ne se ressuyaient pas ! », explique-t-il. Avant de préciser : « Heureusement que l’on peut avoir recours aux produits phytosanitaires, cela stresse moins quand on opte pour le désherbage mécanique. »

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