gaec biodiversite quessoy 1 - Illustration Faire vivre ses laitières au rythme des prairies
Neuf mois sur douze, les vaches de Fabrice et Christelle sont en pâture. « C’est toujours et d’abord l’approche économique qui nous a guidés dans notre transition avec pour principal objectif d’améliorer la performance du système tout en réduisant la charge de travail ».

Faire vivre ses laitières au rythme des prairies

Suite à la crise laitière de 2008, Christelle et Fabrice Charles sont passés d’un élevage conventionnel à un système 100 % herbager reposant sur un principe simple : réduire les charges et le temps de travail.

« Le bon sens et la raison, les anciens disent ça… ». Sous entendu : c’est vrai affirment Fabrice et Christelle Charles qui, depuis dix ans, suivent le conseil à la lettre. Arrivés au terme d’une transition vers un système tout à l’herbe, ils témoignent du parcours qu’il leur a permis de changer de vie tout en restant à la tête d’un outil performant.

Simple et cohérent

Tout commence en 2008 avec la crise laitière. « On produisait 300 000 litres de lait avec en complément un atelier d’engraissement porcin de 250 places et un atelier de veaux de boucherie. Ça fonctionnait bien, mais quand les cours se sont effondrés, on ne gagnait pas plus de 1 000 € à deux… ».
Déstabilisés, Fabrice et Christelle ne renoncent pourtant pas. Au sein des groupes de réflexion animés par le contrôle laitier, ils suggèrent qu’on les aide à répondre à une question : « Peut-on faire du lait différemment avec une bonne rentabilité ? ».
Voilà comment, courant 2009, ils se retrouvent à visiter la ferme d’Erwan Le Roux dans le Finistère. Le couple y découvre un système herbager avec comme principe de base : la réduction des coûts. « En sortant, beaucoup se sont dit que c’était une ferme atypique. Nous, on a trouvé ça simple, cohérent et qu’il y avait matière à creuser ».

Marge de manœuvre

Très vite, ils contactent la Chambre d’agriculture qui les oriente vers le Cédapa* : « On leur a fourni un bilan et le parcellaire pour qu’ils établissent un diagnostic de changement de système ». Quelques semaines plus tard, la technicienne leur confirme qu’ils ont de la marge de manœuvre : « Vous allez commencer par arrêter les céréales dans les parcelles directement accessibles et vous former à la gestion de l’herbe ».
Ils intègrent alors un groupe de travail composé d’éleveurs du Mené : « Ça a été très important d’être écouté par la technicienne puis de rencontrer d’autres paysans qui étaient passés par là. On s’est dit : s’ils ont tenu, ça peut marcher ! »

Fabrice et Christelle apprennent, réapprennent ce qu’est une prairie et se mettent au travail : « Il a fallu créer et aménager des chemins d’accès, poser des clôtures, gérer au mieux la repousse de l’herbe d’un paddock à l’autre ».
Ils stoppent d’abord la culture des céréales puis diminuent celle du maïs tout en mettant de la trésorerie de côté pour acheter du foin en cas de sécheresse : « Quand on démarre une transition, il ne faut pas tout changer d’un coup ! ».

[caption id=”attachment_55015″ align=”aligncenter” width=”720″]gaec biodiversite quessoy 2 Un système 100 % à l’herbe exige une gestion rigoureuse pour préserver la ressource. En fin de traite, avant de libérer son troupeau, l’éleveur pose une passe pour délimiter l’espace pâturable de la journée dans un de ses paddocks.[/caption]

Recentrage de l’activité

Dès la première année, ils économisent sur les semis, le travail de la terre, les compléments alimentaires… « Avec une marge d’environ 500 € à l’hectare de céréales, le Cédapa nous a expliqué qu’on gagnerait plus à faire pâturer nos bêtes. C’était exact ».
2011 : nouvelle visite. Cette fois chez Jean-Yves Penn à Ploërdut, toujours en système herbager. « Là, on n’y a pas cru, des charges tirées au maximum. Sur un euro, il lui restait 85 centimes…».
De quoi les encourager à aller plus loin en passant au vêlage groupé de printemps. Objectif : caler leur troupeau sur le cycle de l’herbe (lire encadré). Pour bien s’y préparer, ils intègrent un nouveau groupe de travail toujours au sein du Cédapa : « On a fait venir des intervenants comme Valérie Brocart de l’Institut de l’élevage (Idele), de quoi se rassurer, crédibiliser notre démarche ».

Ainsi en quatre ans, Christelle et Fabrice parviennent à concentrer leur période de vêlage sur 10 semaines. Parallèlement et sans brusquer les choses, ils recentrent l’activité sur le lait : abandon successif des deux ateliers d’engraissement, passage au bio et conversion de l’ensemble des parcelles en prairies permanentes. Seul gros investissement : l’achat de matériel pour récolter le foin.

Temps libre

Aujourd’hui, le bilan est plus que positif. Côté revenu, si la production de lait a été divisée par deux, ils margent à 85 % sur un litre (+ 25 % en dix ans) : « Seul moyen de faire mieux… la météo ! Avec une belle année à herbe, on a une superproduction qui ne coûte presque rien ». Quant à la charge de travail : « On passe par trois périodes intenses et consécutives : les vêlages de mi-février à mi-avril, l’insémination en mai, les foins en juin. Mais ramené sur l’année, on travaille chacun en moyenne, une trentaine d’heures par semaine ».

De quoi se dégager du temps libre. Fabrice le met aujourd’hui au service de ceux qui voudraient, eux aussi, prendre « la clé des champs ». Depuis décembre 2020, il est le nouveau président du Cédapa.

Vêlage groupé et monotraite

L’adoption d’un système avec vêlage groupé de printemps s’inscrit directement une logique du tout à l’herbe visant à réduire au maximum les coûts de production. En tarissant l’ensemble des vaches quand vient l’hiver, on peut nourrir les bêtes au foin et fermer la salle de traite de la mi-décembre jusqu’aux premiers vêlages de printemps. Ainsi, le cycle du troupeau se cale au mieux sur celui de l’herbe. Dans la même logique, il est possible d’adapter son système de traite : double au printemps, mono en été et en automne, saisons où la quantité et la qualité de l’herbe pâturable diminuent progressivement. Mais la mono traite peut aussi se pratiquer en continu comme chez Fabrice et Christelle avec un impact limité sur la rentabilité pour une forte réduction d’astreinte : « Quand on a vu l’effet que ça avait sur notre charge de travail, on a choisi de rester en monotraite toute l’année. De plus, ne déplacer les vaches qu’une fois par jour, nous a permis d’agrandir le rayon des pâtures accessibles (jusqu’à 1,5 km).

Pierre-Yves Jouyaux

*Le Cédapa (Centre d’Etude pour une Agriculture Plus Autonome – Côtes d’Armor) est lui-même membre du Civam de Bretagne (Centre d’Initiatives pour la valoriser de l’Agriculture et le Milieu rural).

Contact : Christelle et Fabrice Charles, Gaec de la biodiversité, Le Bois Hello, 22120 Quessoy – 06 07 60 98 42


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