6016.hr - Illustration Adieu le lait bonjour les œufs
En premier plan le poulailler de 20 000 pondeuses et le terrassement du second bâtiment. En arrière-plan, les stabulations des laitières qui seront bientôt vides.

Adieu le lait bonjour les œufs

En 2018, Stéphane Rouet a construit un poulailler de pondeuses pour se diversifier de la production laitière. Très vite, il a décidé d’arrêter définitivement le lait et de monter un 2e bâtiment de 20 000 pondeuses.

Stéphane Rouet s’est installé en 1998 en reprenant l’exploitation laitière familiale située sur la commune d’Ambon (56). « J’ai toujours été passionné par les vaches et la production laitière », témoigne l’éleveur de 45 ans. Seul sur l’exploitation, il est passé progressivement de 171 000 litres de lait produit par an à 370 000 litres avec 82 ha de SAU. La fin des quotas laitiers et la crise qui a suivi en 2016-2017 ont été des éléments déclencheurs d’une remise en question pour Stéphane Rouet. « Un an avant la crise, on nous poussait à produire plus de lait. Il fallait pousser les murs des bâtiments et agrandir le troupeau. J’aurais pu monter à 90 laitières en production mais j’ai fait le choix de rester à 50 vaches. J’ai eu peur car je voyais beaucoup d’éleveurs foncer et je me suis dit que ça allait coincer. » L’éleveur a alors souhaité se diversifier et l’idée de construire un poulailler de pondeuses plein air a commencé à lui trotter dans la tête.

Un nouvel atelier pour passer les crises

L’idée première de Stéphane était de continuer le lait en créant un nouvel atelier permettant de passer les crises. « Après 20 ans de production laitière j’avais aussi une forme de lassitude, la contrainte de la traite le matin et le soir commençait à peser. Je ne parle pas des difficultés pour se faire remplacer et prendre quelques jours de congés. » Une fois le poulailler monté, l’éleveur avait en projet d’installer un robot de traite pour alléger la quantité de travail et gagner en qualité de vie. Après un accord de principe de la banque pour le financement de son poulailler, il visite plusieurs élevages pour bien définir le type d’équipement qui lui convient pour son futur bâtiment. « J’ai rencontré les responsables de Huttepain Bretagne qui cherchaient à développer l’élevage de pondeuses avec un cahier des charges précis. J’ai tout de suite été séduit par le mode d’élevage sur caillebotis plutôt qu’en volière. » La construction du poulailler de 20 000 pondeuses plein air a débuté en avril 2018 et les premières poules sont arrivées fin août 2018. L’éleveur a investi 800 000 € pour lancer cette nouvelle production.

Plus facile à gérer que des vaches

Aujourd’hui le 2e lot de pondeuses est en place (démarré en octobre 2019) et l’éleveur livre ses impressions sur son 1er lot : « C’est une production qui me plaît et qui demande des compétences techniques. C’est quand même plus facile à gérer qu’un troupeau de vaches car nous avons des animaux adultes qui arrivent sur l’élevage. J’ai un contrat de reprise de mes œufs sur 12 bandes ce qui me laisse le temps d’amortir mes investissements. » Dès la conception de son poulailler Stéphane Rouet a pris la décision d’en faire un 2e puisque la parcelle permettait de l’implanter facilement et de créer un nouveau parcours de 8 ha. La salle de conditionnement et le matériel sont adaptés pour recevoir la production de 2 poulaillers de 20 000 pondeuses. « Lors du démarrage de mon 1er lot de pondeuses j’ai pris la décision d’arrêter le lait quand le 2e poulailler sortirait de terre. » Les travaux ont débuté et les pondeuses arriveront début février 2021 dans le poulailler. L’aviculteur arrêtera définitivement la production laitière au mois de novembre.

Un travail plus régulier et planifiable

« La moitié des vaches sont déjà parties. Il me reste celles qui n’ont pas pu être vendues pour poursuivre une carrière laitière. C’est dur de me dire qu’une page va bientôt se tourner mais c’est inévitable et ma décision est prise. » Il avoue que l’arrêt du lait va le soulager de la peur permanente de manquer de fourrage sur un secteur où les rendements en maïs et en herbe sont très aléatoires d’une année sur l’autre. La production d’œufs permet un travail plus régulier et facilement planifiable en dehors du démarrage et du vide sanitaire. Il apprécie aussi de travailler toujours à l’abri et ajoute que les bons résultats et la rémunération lui permettent de déléguer le lavage, démontage et remontage du matériel lors du vide sanitaire. « Le 2e poulailler va générer du travail supplémentaire mais qui sera moindre que si j’avais continué le lait avec un seul poulailler. Avec 40 000 pondeuses, en rythme de croisière et si tout va bien, en commençant le travail à 7 h 30, pour 12 h  tout est terminé, ce qui me permettra de me libérer le reste de la journée si besoin. »

Stéphane Rouet insiste aussi sur cet atelier qui dégage du revenu dès le démarrage. Sans donner de chiffres précis, il indique qu’un seul poulailler lui permet de dégager plus d’un Smic, le 2e va lui assurer un revenu confortable. Après une première partie de carrière comme éleveur laitier, Stéphane Rouet est aujourd’hui content de se lancer dans une nouvelle aventure en tant qu’aviculteur spécialisé. Il conclut : « Nos élevages avec des pâtures accessibles autour des bâtiments se prêtent bien pour une reconversion vers de la production d’œufs plein air car nous avons la surface suffisante pour créer des parcours. »

Développer les surfaces pour maintenir la production

Nous avons reçu beaucoup d’appels depuis cinq ans pour des installations ou des reconversions en poules pondeuses plein air, notamment en bio. La perspective de l’arrêt de cages et le développement de l’alternatif ont en effet accru les besoins en surfaces d’élevage : pour maintenir le potentiel de production d’œuf, il faut de nouveaux aviculteurs. Les éleveurs laitiers ont l’avantage de posséder des terres pour le parcours et d’être habitués au travail d’astreinte. L’aviculture souffre d’un manque de connaissance, alors qu’on peut s’y épanouir. Nous recommandons de passer une journée avec un technicien lors de sa tournée ; cela permet de mieux découvrir la production et se faire une idée juste du métier pour éviter les déconvenues. Par exemple, certains éleveurs ont été surpris de passer autant de temps en bâtiment pour une production plein air… Dans tous les cas, il est important de demander un avis extérieur sur les études prévisionnelles qui sont proposées. Élodie Dezat, chargée d’études en aviculture, Chambre régionale d’agriculture de Bretagne


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