L’éducation socioculturelle est une particularité de l’enseignement agricole public initiée par le ministre de l’Agriculture, Edgar Pisani. Depuis plus de 50 ans, Bréhoulou cultive avec enthousiasme cette parcelle ouverte sur le monde, sur la vie.
« La pratique artistique est quelque chose qui vous guide. Qui vous dépasse… et qui va avec la liberté. » Clarisse Denoue exhorte. Elle vous emporte. Elle vous aspire dans le sillage de sa ferveur pour la Culture qu’elle qualifie de « force d’humanité ». Cette Culture qui « donne – redonne – sens à la vie », comme elle le résume.
Le chemin de la liberté
Professeure d’éducation socioculturelle depuis 20 ans au lycée agricole de Bréhoulou, Clarisse Denoue ne « donne » pas des cours ; elle « partage ». Elle partage sa passion, sa conviction, que c’est en « poussant les limites, en faisant tomber les masques » que le jeune se découvre, se valorise et ose devenir à l’extérieur ce qu’il est à l’intérieur. Sans complexe vis-à-vis de lui-même, sans fard vis-à-vis de ses contemporains. « Je le pousse dans ses retranchements : le seul chemin pour devenir soi-même, librement. Pour Être – avec un grand E – et non plus être dans l’avoir qui caractérise tant notre société consumériste ».
Comme à chaque rentrée, celle qui se définit comme paysanne-artiste-enseignante proposera un thème de travail pour l’année à ses lycéens et à ses étudiants. L’an dernier, ils ont réfléchi sur leur jeunesse. Exercice difficile qui consistait à se mettre personnellement en scène au travers d’un montage photographique. Mais, avant de passer derrière l’objectif, il a fallu lever des réticences, parfois même briser des carapaces. Toutefois, expérience aidant, la professeure sait lever la pudeur susceptible de figer son public rural plus à l’aise avec les ratios économiques que les levains culturels.
Rendre visible l’invisible
« Depuis 2008, Véronique Brod, photographe professionnelle, m’accompagne dans ce travail d’ouverture sur soi. Grâce à notre travail en duo, l’an dernier, chaque étudiant de BTS aquacole s’est prêté au portrait, à son portrait. Du plus élaboré, au plus sobre, au plus dénudé parfois, chacun est apparu comme il veut « Être ». Tous ces portraits, enrichis d’objets ou entourés de personnes qui leur sont chères – souvent les parents, frères, sœurs… et beaucoup de grands-parents – ont été dévoilés aux yeux de tous dans le lieu le plus fréquenté du lycée. « D’être ainsi montré en photo ? « Cela nous valorise. Cela change les rapports avec les autres : nous disons à notre manière qui nous sommes », commentait ainsi un jeune de première année BTS aquacole en juin dernier.
« En quelque sorte, cela rend visible l’invisible », complète Clarisse Denoue pour reprendre le thème retenu une précédente année scolaire où chaque jeune s’était prêté au jeu du portrait avec un animal totem. « Le résultat fut époustouflant grâce au concours de Véronique qui dans un jeu d’ombre et de lumière avait mis en valeur les jeunes avec les masques qu’ils avaient réalisés. Double mise en valeur simultanée de l’humain et de son travail artistique… « J’en ai encore des frissons », lâche en laissant couler son émotion la professeure formée à la sensibilité de l’école d’art Boulle, à Paris. Et de citer ce jeune arborant un « magnifique masque de cerf rehaussé de cornes blanches. Et cet autre, en coq habillé de belles plumes colorées ! Mais plus encore, c’est la satisfaction de voir tous ces jeunes oser et être fiers de leur réalisation qui est importante ».
Un ADN culturel fort
Parce que la culture c’est l’ouverture sur le monde, Clarisse Denoue entraîne aussi les lycéens dans des lieux qu’ils fréquentent naturellement peu. « Le lycée de Bréhoulou affiche 20 ans de relation avec le Théâtre de Cornouaille. Initiation au cirque, à la danse, au théâtre, etc. sont autant d’activités que les jeunes explorent sur les planches quimpéroises ou sur celles de l’Archipel, centre culturel de la ville de Fouesnant, avec qui nous avons également des liens rapprochés ».
Bref, Bréhoulou cultive avec passion la parcelle culturelle ouverte en 1964 par Pisani. Et pas question de la laisser aller en friche. « Notre lycée a un ADN culturel fort. Sans doute le plus fort des lycées agricoles bretons ! C’est un choix d’établissement. La Draaf reconnaît ce statut en soutenant financièrement nos initiatives », se félicite la professeure qui ne se lasse pas d’accompagner les jeunes sur le chemin de « l’ouverture sur le monde et sur la vie », comme l’avait souhaité en son temps le ministre de l’Agriculture préféré des Bretons en faisant crépiter une petite étincelle de Culture sur le gros paquet de la Loi d’orientation agricole de 1962. De cette étincelle Clarisse Denoue en a fait une flamme. Sa flamme et celle de ses élèves.