Cette parcelle associe des pommiers et du sarrasin (photo prise fin juin). - Illustration Les horizons vertueux de l’agroforesterie
Cette parcelle associe des pommiers et du sarrasin (photo prise fin juin).

Les horizons vertueux de l’agroforesterie

Insérer des arbres au milieu des parcelles permet d’augmenter la production globale de biomasse par ha. Quand l’implantation est rationalisée, il n’y a pas de répercussion sur le temps de travail.

Les haies et talus boisés, les arbres isolés dans les champs constituent déjà de l’agroforesterie. Cette pratique consiste à associer arbres et cultures ou animaux sur une même parcelle. Pour l’agroforesterie intraparcellaire, « on mise davantage aujourd’hui sur des arbres de haut jet qui vont faire du bois d’œuvre. Les systèmes mis en place ont souvent une densité autour de 40 arbres/ha, avec des lignes d’arbres séparées de 25 à 30 mètres et des arbres distants de 6-7 mètres sur la rangée », souligne Jean-Charles Vicet, conseiller agroforestier à la Chambre d’agriculture. « Jusqu’à 50 arbres par ha, on a une agroforesterie stable, limitant les impacts sur les cultures. »

De plus en plus d’agriculteurs s’intéressent à cette technique remise au goût du jour. « Les raisons souvent évoquées par les producteurs sont la recherche de biodiversité, l’ombre pour les animaux, la lutte contre l’érosion, le captage de l’azote et des autres éléments nutritifs par les racines en profondeur… 50 arbres de plus de 15 ans sur 1 ha peuvent capter 30 unités d’azote. » On peut travailler sur des îlots de 5 à 20 ha, et mettre en place des rotations. Elément à prendre en compte : les clôtures dans les lignes agroforestières sont plus faciles à entretenir que près des haies. Et les éleveurs ont plus de visibilité sur les animaux. « Il est préférable de choisir des parcelles avec un bon potentiel agronomique. »

Des effets positifs en volaille, en bovin…

Pour renforcer leur image, des groupements en volailles commencent à rendre systématique l’implantation d’arbres dans les nouveaux parcours. Cette présence végétale « rassure les volailles qui sortent plus facilement. Elles ont moins de gras abdominal et moins de problèmes sanitaires. Et les indices de consommation ne se dégradent pas pour autant. »

Visant à mesurer la performance de ce type de système en polyculture – élevage, une étude a été menée sur dix parcelles d’exploitations du Nord Loire-Atlantique de 2015 à 2017. Pour l’ensemble des parcelles (prairies et cultures), les producteurs n’ont pas enregistré de pertes de rendement. Le temps passé est par ailleurs le même après agroforesterie pour les différents chantiers (travail du sol, semis, récolte, ensilage, fauche) et la gestion du pâturage. Les éleveurs se repèrent même plus facilement grâce aux rangées d’arbres.

« Dans les implantations, nous tenons compte des pratiques et outils existants sur l’exploitation pour ne pas perturber les chantiers. Les arbres pourront être plantés selon un axe est-ouest sur les parcelles travaillées dans ce sens, même si nous savons que l’optimum est un axe nord-sud pour répartir l’ombre. » L’étude sur le Nord 44 montre par ailleurs une présence plus importante d’insectes auxiliaires des cultures sur l’ensemble de la parcelle agroforestière.

En juin dernier, Agrobio 35 avait organisé une visite sur l’exploitation de Béatrice et Jean-Paul Hignet, à La Chapelle-Bouëxic (35). Sur une SAU de 43 ha, ils produisent des pommes, des légumes et des grandes cultures en système bio. « Je pratique l’agroforesterie avec des systèmes fruitiers/cultures pour protéger les plantes des vents dominants et accroître le nombre de pollinisateurs. Sur la ligne d’arbres, on peut mettre des fleurs, des protéagineux… ».

Indispensable taille

Selon les essences choisies ou les besoins de protection des arbres (forcément plus importants avec des vaches allaitantes par exemple), le coût d’implantation pourra varier entre 700 et 1 200 €/ha. « Avec un chantier organisé en équipe, il faut compter 2 à 4 h/ha à la plantation. Et la taille annuelle demande environ 1 h/ha. » Cette taille est indispensable pour éviter que les arbres ne s’étalent trop et nuisent aux cultures. « Nous organisons des formations pratiques pour que les agriculteurs s’approprient les bons gestes. »

Les parcelles agroforestières sont admissibles au paiement de base de la Pac si elles comptent moins de 100 arbres d’essences forestières non fruitières par ha. Des aides Feader existent dans certaines régions comme les Pays de la Loire pour l’installation et l’entretien pendant la première année. Mais la Région Bretagne — qui attribue par contre des aides pour le bocage — n’a pas fait ce choix. Des aides spécifiques ou du mécénat sont possibles selon les zones. Le Département d’Ille-et-Vilaine a par exemple lancé en 2018 un appel à projets pour aider l’implantation d’agroforesterie intraparcellaire. Agrobio 35 fait partie des interlocuteurs.

Interactions positives

On compte 140 000 ha agroforestiers en France. Adaptée à la mécanisation, cette technique est compatible avec tous les systèmes de production actuels. Associer arbres et productions agricoles comporte des intérêts. Les arbres proposent un effet ombrage et brise-vent et réduisent l’évapotranspiration. Avec un enracinement profond, ils augmentent la porosité du sol, l’enrichissent en matière organique, font remonter des éléments nutritifs pour les cultures. La nuit, quand l’arbre ne transpire pas, il y a aussi une remontée d’eau. L’entretien commence dès le plus jeune âge des arbres, pendant 10 – 15 ans. La taille permet notamment de réduire la compétition. Isabelle Sénégas, Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine


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