Le porc, ce mal-aimé

Accusé de provoquer des cancers, de polluer, d’être nourri aux antibiotiques, le cochon est régulièrement cloué au pilori. D’éminents nutritionnistes et spécialistes de l’élevage le défendent.

Plus que tout autre animal d’élevage, le porc fait régulièrement la une des médias. Rarement pour louer ses qualités. Bien au contraire. Le gras des charcuteries et leur richesse en sel et en nitrites (E 251) provoquent des cancers colorectaux. Les Danois, qui enregistrent quatre fois plus de cancers de ce type que les autres Européens, ont réduit de moitié la teneur en nitrites dans leurs charcuteries, dans les années 80, sans résultat notable, selon Gilles Nassy, de l’Ifip.

Rien à signaler non plus chez les Allemands et les Espagnols, gros consommateurs de viande de porc transformée. Quant au gras, provoque-t-il autant de problèmes cardiaques qu’il n’est dit ? « Le gras de porc est naturellement meilleur que le gras de bovin », répond Jean-Michel Lecerf, nutritionniste. « Il est plus riche en acides gras insaturés et l’alimentation permet de renforcer cet atout, par l’apport de lin (oméga 3). Le gras des charcuteries, comme le sel et les additifs, ne présente donc aucun inconvénient dans le cadre d’une alimentation équilibrée ».

Succès sur les antibiotiques

De nombreux pays autorisent toujours l’utilisation d’antibiotiques comme facteur de croissance en production porcine, essentiellement en Amérique et en Asie. L’Union européenne les a bannis depuis quelques années, dans ce cadre. La France vient de boucler son premier plan d’économie d’antibiotiques. Avec succès. La consommation s’est réduite de 41 % entre 2012 et 2017. L’objectif du plan éco-antibio était de 25 %. Depuis 2 ans, la colistine est beaucoup moins utilisée en préventif, au moment du sevrage (- 51,6 %). « Aucun résidu d’antibiotiques n’a été détecté dans les viandes en 2016 », assure Anne Hémonic, de l’Ifip. En parallèle, la réussite du plan d’économie en santé humaine se fait attendre… La filière porcine partait de loin. La partie la plus facile du chemin est faite. Le second plan de réduction (2017-2022) ne donne pas d’objectif chiffré mais la baisse devra se poursuivre pour éviter les griefs.

Azote bien utilisé

Le porc, pollueur, est responsable des algues vertes en Bretagne. Une sentence que l’on entend moins souvent. La filière a progressé. L’indice de consommation a diminué et l’azote consommé est de mieux en mieux utilisé (alimentation multiphase, utilisation d’acides aminés). Tous les effluents sont intégrés dans des plans d’épandage. Le traitement biologique et l’exportation de fertilisants organiques ont contribué à limiter les apports. La couverture généralisée des sols en hiver a donné un bon coup de main aux filières d’élevage en limitant les fuites dans le milieu. L’ensemble a fait de la Bretagne une région louée au niveau européen pour la reconquête de la qualité des eaux. Plus de reproches à faire aux cochons…

Talon d’Achille

Les éleveurs maltraitent leurs animaux, assure-t-on. Des vidéos circulent. Ils ont réagi en mettant en place un réseau sentinelle afin de détecter (via les groupements) les éleveurs qui « décrochent psychologiquement », et qui sont susceptibles de délaisser leur élevage. Ils devront néanmoins répondre à ce que le citoyen consommateur entend par bien-être animal. Celui-ci plébiscite, dans les enquêtes, la production en plein air, sur paille ou à l’herbe. Les filières volaille, pondeuse ou de chair, proposent une gamme complète. La filière bovin viande vante désormais les mérites de l’élevage à l’herbe. La filière laitière lance le lait de pâturage.

En porc, on évoque les objets manipulables dans les cases ou l’arrêt de la castration, peu susceptibles de séduire le consommateur. Les labels répondent, en majorité, à l’objectif nutrition santé (Oméga 3) plus qu’à celui du bien-être. Certains éleveurs produisent sur paille mais ne le valorisent pas. Le bio est à l’état embryonnaire. Ce manque de segmentation bien-être est actuellement le talon d’Achille du porc en France. Le plan de filière, dévoilé fin décembre, propose, entre autres, une différenciation de 30 % de la production pour enrayer la baisse constante de la consommation. Il est temps.

[caption id=”attachment_31931″ align=”alignright” width=”185″]didier-deszelcaux-inaporc Didier Deszelcaux, Directeur d’inaporc[/caption]

Redéfinir les critères techniques des labels

Au delà du porc standard d’origine France, nous proposons, dans le plan de filière, une nouvelle segmentation avec des critères qualitatifs dans une charte collective servant de base aux démarches privées. Exemple : aujourd’hui, pour un même message « porc sans antibiotiques », il y a 5 réalités différentes sur les barquettes (aliment, après 42 jours, tout au long de la vie….). Cette charte doit donner de la cohérence au collectif sur ce type d’initiatives. Nous voulons développer les filières label et bio. Pour les labels, nous devrons réviser certains points techniques pour qu’ils répondent aux nouvelles attentes sociétales (bien-être animal). Ensuite, informer le consommateur sur ces évolutions. Il y a du travail à faire sur les races locales, pour un segment très haut de gamme. Les Espagnols en tirent profit ; pourquoi pas nous ? Il faudra sécuriser les élevages qui se convertissent par une stratégie de contractualisation (volumes, valeur, durée). Didier Delcezcaux, Directeur d'Inaporc


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