Alimentation : Le bio peut-il nourrir le monde entier ?

Malgré des rendements parfois inférieurs, l’agriculture biologique demeure compétitive et s’appuie sur des leviers concrets pour répondre aux besoins alimentaires. Les chercheurs rappellent que les obstacles sont moins techniques que politiques et organisationnels.

Champ de blé - Illustration Alimentation : Le bio peut-il nourrir le monde entier ?
Le soutien politique reste obligatoire pour initier une transition. | © Pixabay

« L’assertion qui dit qu’on ne peut pas produire beaucoup sans recourir aux produits de synthèse est fausse », affirme Samuel Rebulard, ingénieur agronome et enseignant à l’université de Paris-Saclay. « Cela a été prouvé sur le terrain et par des études scientifiques. D’ailleurs, aucune étude ne montre que le bio à grande échelle serait impossible. » En 2017, l’Inrae a par exemple publié une étude portant sur la relation entre l’usage des pesticides et les performances des systèmes de culture en termes de productivité et de rentabilité. Les données concernent 946 fermes de grandes cultures conventionnelles.

Économiquement, c’est un système qui tient la route

Les résultats sont sans appel : dans 94 % des cas, réduire l’utilisation de pesticides est possible sans perte de performance. « Beaucoup de traitements sont utilisés de manière préventive », précise l’ingénieur. Avec un accompagnement technique et financier adapté sur des changements de pratiques agroécologiques (diversification des cultures, allongement des rotations, ajustement des dates de semis, désherbage mécanique…), la réduction de l’usage des pesticides pourrait atteindre 30 % à l’échelle nationale.

Objectif 100 % bio ?

Pour tendre vers un système biologique à grande échelle, une restructuration des exploitations, une évolution des habitudes de consommation et un véritable soutien politique à la recherche et aux agriculteurs sont nécessaires. « À chaque fois qu’un financement suffisant a été mis en place pour accompagner les conversions, beaucoup d’agriculteurs se sont tournés vers le bio. Économiquement, c’est un système qui tient la route : selon l’Insee, une ferme bio génère en moyenne plus d’emplois et plus de marge qu’une exploitation conventionnelle », rappelle Samuel Rebulard.

Limiter le gaspillage

Selon l’ingénieur agronome, produire suffisamment de nourriture avec peu d’intrants pour nourrir la population mondiale nécessite d’abord de réduire le gaspillage alimentaire. « En moyenne, 30 % de l’alimentation produite n’arrive pas dans l’estomac du consommateur », rappelle-t-il. Une partie est en effet perdue avant d’être disponible à la vente, et le reste est jeté par les ménages, les distributeurs ou les restaurateurs. La France est d’ailleurs davantage concernée par le gaspillage en bout de chaîne.

Réduire la consommation de viande

La baisse de la consommation de viande est aussi un levier majeur. En France, l’apport moyen est de 1,4 g de protéines/kg de poids corporel/jour, dont environ 65 % d’origine animale, alors que les recommandations sanitaires se situent autour de 0,83 g/jour.

De plus, deux tiers des cultures de céréales sont dédiés à la production de viande. Une partie de ces surfaces pourrait être réorientée vers l’alimentation humaine, compensant ainsi les rendements plus faibles de la bio « sans pour autant devoir déforester dans le but de trouver de nouvelles parcelles. » Bien sûr, l’élevage (notamment de bovins) reste important pour valoriser les terres non cultivables, introduire des prairies dans les rotations et produire des fumures organiques. « Cette question est encore plus vive en Bretagne : certains élevages restent dépendants du soja importé et les densités animales sont parfois très élevées » souligne Samuel Rebulard. « Le soutien politique sera indispensable pour accompagner les agriculteurs. »

Des rendements compétitifs

En moyenne, les rendements de l’agriculture bio sont 20 à 30 % plus faibles que ceux de l’agriculture conventionnelle, du moins en Occident. « Il y a cependant une disparité selon les cultures et la zone géographique », nuance l’agronome. « En maraîchage ou en arboriculture, par exemple, les différences sont souvent moins marquées. »

Alexis Jamet

De meilleurs rendements après 25 ans de bio

Bruno Martel est associé au Gaec de Guimbert, à Bains-sur-Oust (35). L’exploitation est en système bio depuis 25 ans. « Notre modèle de polyculture-élevage nous permet d’avoir des compromis entre productivité et technicité », explique l’agriculteur. « Le passage en bio nous a même fait progresser sur certains points. Sur maïs, par exemple, nous avons gagné 2 à 3 t MS/ha entre 2000 et 2025, notamment grâce au développement de la matière organique dans les parcelles. » En effet, la présence des bovins assure une fertilisation par le pâturage et, dans le cas du Gaec de Guimbert, par l’apport de lisier et de fumier composté. Quant au phosphore, des analyses de sol ont montré qu’il n’était pas déficitaire, même sans apports ciblés. Il est apporté via la fertilisation organique uniquement. « Néanmoins, dans des fermes céréalières ou maraîchères bio, des apports de matière organique ou de produits bruts issus de carrières seront obligatoires », conclut Bruno Martel.

Un homme dans un champ avec une vache couchée derrière
Bruno Martel

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