19408.hr light - Illustration Comment reconquérir le marché français du poulet ?
La reconquête de 10 % des 50 % d’importation de volaille passera par la construction de 400 poulaillers de 1 500 m2 de surface.

Comment reconquérir le marché français du poulet ?

La reconquête d’une partie du marché français estimé à 160 000 tonnes de poulet sur les 800 000 t importées chaque année passerait par la construction de 400 poulaillers neufs (600 000 m2) et de 2 nouveaux abattoirs.

La volaille est la viande la plus consommée au monde depuis 2016. La France est le pays européen qui consomme le plus de volaille. Le problème est que 50 % de la volaille consommée dans l’Hexagone est importée et que ce chiffre est en constante augmentation. « Nous consommons 28 kg/habitant/an de viande de volaille en France. C’est le poulet qui en tire profit puisque la consommation est passée de 15,6 kg/habitant/an en 2012 à 22,5 kg/habitant/an aujourd’hui. Ce sont pour 53,7 % de la découpe, 30,3 % sous forme de produits élaborés et 16 % de poulet entier. La restauration hors domicile (RHD) qui ne pesait pas très lourd sur les chiffres il y a 10 ans représente 35 % de la consommation totale de viande de volaille à ce jour. Dans cette même RHD, 85 % de la volaille proposée au consommateur est importée », rappelle Simon Fourdin, directeur du pôle économie de l’Itavi, lors d’une table ronde organisée par le Think tank Agridées le 15 février. Et Arnaud Poupart-Lafarge, directeur général de Galliance, de rebondir : « La consommation de poulet se développe car c’est une viande saine, moins chère que les autres viandes et elle est aussi la plus décarbonée. »

Le filet de poulet du Brésil à 2,50 €/kg rendu Rungis

Dylan Chevalier, directeur RSE du groupe LDC, explique ce niveau d’importation grandissant avec des chiffres : « En 2023, le prix du filet de poulet rendu Rungis était de 2,50 €/kg pour du brésilien, de 3 €/kg pour de l’ukrainien, une origine UE (hors France) variait entre 3,5 et 5,80 €/kg et le filet français était affiché à 6,80 €/kg. Pour gagner en compétitivité nous investissons 300 millions d’euros chaque année dans nos outils d’abattage et de transformation notamment pour automatiser. Mais il est difficile de lutter sur certains postes comme la main-d’œuvre lorsque l’on a un Smic en France à 1 700 €, en Pologne il est à 970 € et en Ukraine à 250 €. » De son côté, Paul Lopez, ex-président de la FIA (Fédération des industries avicoles), pointe l’immobilisme de la filière avicole en France entre 2003 et 2021. « Nos voisins ne nous ont pas attendus, ils ont investi massivement pour développer leur production avicole et gagner en compétitivité. Ils ont amélioré les coûts de revient que ce soit au niveau des élevages, des couvoirs et des outils d’abattage. En France, nous produisons 275 kg/m2/an de poulet dans nos élevages. La moyenne des autres pays européens se situe à 375 kg/m2/an avec les mêmes souches et sur les mêmes marchés. Notre outil de production a vieilli. Chez nous, une chaîne d’abattage tourne 66 heures/semaine alors qu’ailleurs en Europe on est à 90 heures/semaine. Les outils sont donc amortis beaucoup plus rapidement. »

2 milliards d’euros d’investissements sur 5 ans

En France, nous avons un vrai savoir-faire avicole avec des élevages à capitaux familiaux. « Notre filière s’appuie sur des contrats qui permettent de sécuriser et de protéger les aviculteurs. Nous pouvons encore améliorer ces contrats, notamment sur les prix de reprise des volailles en créant du dialogue entre les éleveurs, les organisations de producteurs et les abatteurs », avoue Dylan Chevalier. Et Arnaud Poupart-Lafarge d’enchaîner : « Dans la filière, il faut aussi défendre le revenu de l’éleveur car si l’éleveur meurt de faim on n’aura plus de poulet français. »

Si l’éleveur meurt de faim on n’aura plus de poulet français.

L’objectif affiché lors de la table ronde du 15 février est d’établir un programme de reconquête d’une partie du marché français. « Globalement, nous produisons 800 000 tonnes de viande de poulet et nous en importons 800 000 tonnes chaque année. Se fixer un objectif à moyen terme de reconquête de 160 000 tonnes soit 10 % des 50 % importées n’est pas inatteignable », selon Yves Le Morvan, responsable filières et marchés chez Agridées. Ces 160 000 tonnes de viande de poulet reviennent tout de même à augmenter de 18 % la production française. « Cela nécessite la construction de 400 poulaillers neufs et la modernisation de 3 millions de m2 de bâtiments pour répondre à cet objectif, soit 840 millions d’euros d’investissement. La filière volaille de chair devra aussi se doter de 2 nouveaux abattoirs situés notamment sur le Grand Ouest pour 160 millions d’euros d’investissement et 700 millions d’euros nécessaires pour la modernisation des abattoirs existants. Ce plan de reconquête nécessite 2 milliards d’euros d’investissements sur 5 ans si on inclut la partie nutrition animale, sélection avicole et accouvage », indiquent Paul Lopez et Yves Le Morvan.

La directrice agriculture France pour l’institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), Aurélie Catallo, pointe les limites à ce développement de la filière volaille de chair que sont « l’acceptation sociétale de ces projets, le besoin de trouver des aviculteurs pour investir, le côté environnemental avec une augmentation des gaz à effet de serre, une augmentation des besoins en alimentation animale et donc un impact sur la surface agricole. » Et Dylan Chevalier de conclure : « La taille de nos élevages est bien loin de celle de nos voisins européens. Il ne faudra pas empêcher les aviculteurs de s’agrandir s’ils en ont envie et si on veut reconquérir des parts de marché sur l’import. L’intérêt général agricole devra être supérieur à l’intérêt général environnemental si l’on veut préserver notre souveraineté alimentaire. »

OPINION – Jean-Michel Schaeffer président d’Anvol (interprofession de la volaille de chair)

Favoriser le développement de la volaille standard

La filière avicole française illustre parfaitement notre perte de souveraineté alimentaire. Aujourd’hui, 50 % de la viande de volaille consommée en France vient de l’étranger. L’acte d’achat du consommateur qui s’oriente sur de la volaille standard est en contradiction avec la demande du citoyen qui exige une montée en gamme de la production. On nous demande de produire de plus en plus de poulets que l’on consomme de moins en moins. Il est urgent de favoriser le développement de la volaille standard en France et cela se fera si nous avons un appui politique et un soutien financier. La première montée en gamme est de remplacer la volaille importée par de la production française. 


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