Après la fin des quotas laitiers, la filière connaît à nouveau de profondes mutations. La vague des départs en retraite a atteint son pic, tandis que la conjoncture, plus favorable ces derniers mois, a stimulé des transformations structurelles : intensification de la production par vache, agrandissement des exploitations, robotisation accrue et recours croissant au salariat. Lors d’une conférence organisée par l’Institut de l’élevage au Space, experts et éleveurs ont partagé plusieurs « leviers inspirants pour préserver la production laitière dans nos territoires ».
Une vision à long terme
Au-delà du prix du lait, qui reste essentiel pour assurer une juste rémunération, les exploitations doivent bâtir une stratégie à long terme, en lien avec celle de leur collecteur. C’est l’orientation prise par la coopérative des Maîtres laitiers du Cotentin (803 adhérents – 408 ML collectés), qui a créé la filiale France Frais, « développée pour aller chercher du volume supplémentaire et de la marge en restauration hors foyer. Le circuit court facilite les négociations et une meilleure valorisation des producteurs », souligne Laurent Fontaine, administrateur. « Sans ces décisions, on manquerait de lait aujourd’hui. Cela a permis des investissements dans de nouvelles usines et donné des lueurs d’espoirs et des perspectives d’évolution aux producteurs. »
Une équipe fidèle et compétente
À Carentoir (56), Samuel Hervy s’est retrouvé seul aux commandes de son exploitation de 300 vaches laitières et d’un atelier de 1 800 porcs charcutiers sur 320 ha, après avoir compté cinq associés. Pour relever le défi, il s’est entouré « d’une belle équipe » : six salariés et un apprenti, organisés sur un rythme de quatre jours par semaine et un week-end d’astreinte sur trois. Pour une bonne organisation, chacun assure des passages réguliers au roto de traite.
Donner des lueurs d’espoirs et des perspectives d’évolution
« Pour recruter, je communique sur mes points forts sur les réseaux sociaux. Je ne recrute pas seulement pour recruter, cela ne fonctionne pas. Il faut prendre son temps et trouver la personne qui adhère au système de production en place, pour ne pas déstabiliser l’équipe. » La formation managériale lui paraît incontournable, tout comme l’accompagnement de ses collaborateurs : formations mensuelles et montée en compétences font partie du quotidien. « Le management moderne devra être dans l’ADN des éleveurs de demain », insiste Samuel Bulot, président de l’Idele.
Un système plus résilient
Dans un secteur séchant du Sud-Manche, Gildas Gedouin, à la tête de l’EARL Gedouin Besrest avec sa femme, a complètement repensé son système depuis 2008. Il est passé de 9 000 L à 5 700 L de lait par vache, privilégiant l’autonomie alimentaire et l’optimisation du foncier. Sa surface est ainsi passée de 35 ha en 2001 à 102 ha en 2025, grâce à un travail de « lobbying » auprès de la Safer, puis via des échanges de parcelles avec ses voisins.
« Ma première démarche avait été de chercher du foncier pour faire du maïs. Mais ce n’était pas une bonne décision sur notre territoire. J’ai évolué, je me suis formé à la culture de l’herbe pour ne plus courir après les stocks. Il ne faut pas calquer un système à notre foncier : j’ai plutôt estimé le potentiel de chaque parcelle et construit un système de production laitier cohérent et rentable sur cette base. »
Carole David

