Au Gaec de Queledern à Rosporden dans le Finistère, la gestion de la fertilisation est une priorité. « Je module le troisième apport sur blé depuis une dizaine d’années », indique Laurent Garo, l’un des deux associés. Complété de deux salariés, le Gaec comprend un troupeau de 130 vaches laitières produisant 1,1 million de litres et une SAU de 260 hectares. En plus du maïs et du blé, Laurent Garo cultive des légumes irrigués et des plantes aromatiques. Sur ses prairies et en amont des semis de maïs, l’agriculteur a affiné sa fertilisation organique : l’épandage du lisier s’opère désormais au moyen d’une rampe à patins. « Notre Cuma a renouvelé une tonne à lisier en 2021. À l’époque, la majorité des adhérents a préféré conserver une buse à palette pour limiter les coûts. Mais dans la perspective d’une interdiction de cet équipement, nous avons pré-équipé la machine pour qu’elle soit compatible avec un montage a posteriori », retrace l’éleveur.
Une tonne prééquipée dès l’achat
La tonne deux essieux Jeantil de 20 000 litres dispose ainsi d’un relevage, de sorties hydrauliques à l’arrière et de cloisons de report de charge. L’intention s’est concrétisée un an plus tard : la Cuma a fait le pas, équipant la tonne d’une rampe à patins Betec L-Line de 15 mètres de large.
la rampe à patins est éligible aux aides à l’investissement
« Agriest et notre concessionnaire EARL Douarin nous ont proposé le premier modèle commercialisé en France à tarif préférentiel, ce qui a accéléré la décision de la Cuma. » Les 25 adhérents auraient pu choisir un autre équipement, « mais les pendillards ne limitent pas assez les pertes et l’enfouisseur ne pourrait pas être valorisé sur prairie. La rampe à patins est apparue comme un bon compromis, le lisier étant déposé dans un sillon pour limiter la volatilisation. Elle a aussi l’avantage d’être éligible aux aides à l’investissement pour des matériels moins émissifs », analyse l’éleveur.


Des patins qui suivent le terrain
Le cadre de la rampe est monté sur les bras de relevage complétés de deux autres points de fixation déjà prévus sur la cuve. « Cela a nécessité seulement deux adaptations en haut du cadre. Il y a eu plus de travail pour l’intégration des supports de rampe de chaque côté de la cuve. » Repliée, la rampe respecte le gabarit routier de la tonne. Le relevage de la tonne est bridé en position haute et la rampe est reliée au cadre de manière rigide. « Une fois la rampe dépliée et pivotée, le suivi du sol est assuré uniquement par les lames supportant les patins. Sur une largeur de 15 mètres, il y a suffisamment d’amplitude. Les patins restent toujours bien ancrés dans le sol. » Malgré un poids additionnel de 1,3 tonne et la résistance de ses 60 patins grattant le sol, la rampe n’augmente que modérément l’effort de traction. « Le tracteur de 230 chevaux n’a aucun mal à l’emmener, sachant que la largeur d’épandage nous permet d’avancer pas trop vite. On ressent davantage la plus forte demande hydraulique. Au final, le débit de chantier est similaire à celui qu’on avait avec la buse. On perd juste un peu de temps avec le dépliage-repliage de la rampe », observe Laurent Garo.

Des fonctions hydrauliques séquencées
Afin d’optimiser l’ergonomie, le boîtier de pilotage d’origine a été remplacé par le dispositif Smart Control. Ce système offre une gestion simplifiée des séquences hydrauliques en activant l’ensemble des électrodistributeurs de la tonne. Composé d’un petit écran et d’un joystick, il propose des modes préprogrammés (pompage, rampe, route, épandage) qui automatisent les séquences de commande. Selon Laurent Garo, cette approche est « très intuitive et minimise le risque d’erreurs de manipulation, un atout majeur dans une Cuma sans chauffeur. Par exemple, quand on sélectionne le mode rampe, le dépliage et la mise en position travail s’effectuent automatiquement. Au transport, toutes les fonctions hydrauliques sont verrouillées. » Associé à un capteur d’ouverture de la vanne à l’arrière de la tonne, le Smart Control fait aussi office de DPA manuel en indiquant la vitesse à atteindre pour respecter la dose renseignée. « La valeur est corrigée à chaque tonne épandue par une mesure du temps de vidange. Par exemple, pour une dose de 50 m³/ha, on avance autour des 4 km/h. Mais cela peut fluctuer en fonction de la fluidité du lisier », précise l’agriculteur.

Deux broyeurs répartiteurs pour limiter les bouchages
La rampe est alimentée en lisier via une sortie de 200 mm de diamètre, permettant de se passer d’un accélérateur de flux. « Le compresseur de 14 000 L/min était également suffisamment dimensionné. Les deux broyeurs répartiteurs installés sur la rampe limitent la longueur des tuyaux alimentant les patins et assurent une compatibilité avec tous les lisiers. » Le lisier de bovins représente environ 40 % du volume épandu par la Cuma, contre 60 % de lisier de porcs. « On subit quand même quelques bouchages avec les lisiers les plus épais et les fins de fosse. Mais le changement régulier du sens de rotation des broyeurs et leur nettoyage régulier limitent le phénomène. Dans les cas les plus difficiles, il est toujours possible de repasser temporairement à la buse sans démonter la rampe. »
Outre le soin apporté aux broyeurs, l’entretien de la rampe se limite au graissage des articulations. « En trois ans d’utilisation, aucun patin ni lame n’a été changé. La tuyauterie semble aussi bien vieillir », constate Laurent Garo.
Michel Portier
En chiffre : 15 mètres de largeur de travail – 20 à 60 m³/ha de dose de lisier épandu (bovins et porcs) – 40 000 à 45 000 € d’investissement dans une rampe de 15 m (prix actualisé) – 40 % d’aide à l’investissement (conditionnée au DPA) – 10 000 m³ de lisier épandu par an avec la rampe.
Des performances validées par des mesures
La tonne à lisier équipée de sa rampe à patins a été l’un des matériels retenus pour un test réalisé par la fédération des Cuma de l’Ouest. Elle était confrontée à plusieurs machines dotées d’un pendillard, d’un enfouisseur à disques ou à dents et d’une autre rampe à patins. « Elle figurait parmi celles qui ont obtenu les mesures d’émissions les plus basses, faisant jeu égal avec les enfouisseurs. Notre tonne a aussi eu le meilleur score en termes de respect du volume d’épandage », se félicite Laurent Garo.
Le rétrofit ne s’improvise pas
Le rétrofit d’une tonne existante en bon état permet de faire des sérieuses économies à condition de respecter certains critères. Le montage d’une rampe ou d’un enfouisseur requiert un relevage ou des points de fixation prévus sur le châssis ou la cuve. Ces équipements d’épandage peuvent fortement alourdir l’arrière de la tonne. Le report de charge sur la flèche ne peut être préservé que par des cloisons dans la cuve. La tonne doit aussi disposer de prédispositions hydrauliques suffisantes pour le dépliage de la rampe et l’alimentation d’un broyeur répartiteur. Pour les lisiers épais, il faut s’assurer que le système de pompage débite suffisamment. Des équipements de grande largeur ou des orifices de sortie de faible diamètre peuvent imposer un changement de pompe ou l’ajout d’un accélérateur de flux. Inutile de voir trop large, une rampe de 15, voire 18 m de large est suffisante pour une tonne jusqu’à 20 000 L pour avoir suffisamment d’autonomie. Ce n’est qu’à partir de 24 000 L que peut se justifier un modèle de 24 m ou plus. Attention également au respect du PTAC de la tonne à lisier. L’ajout de poids aura forcément un impact sur la charge et donc le volume utile au transport.

