« Pâturer la lande permet d’effectuer un délestage sur nos prairies naturelles, autrement dit un temps de repousse. En les fauchant une à deux fois, on assure l’enrubannage d’hiver. C’est moins vrai les années à herbe quand le fourrage ne manque pas, mais en 2022, la lande a été très importante : c’est elle qui a nourri nos animaux tout l’été ! ». Au côté de Claire Amil, technicienne du PNRA, venue lui rendre visite, Jérémy Stéphan dit tout le bien qu’il pense du pâturage de la lande pratiqué avec son associé Rémy Thépaut depuis leur installation en 2019.
Ils ne font que perpétuer un usage ancestral
« Ils ne font que perpétuer un usage ancestral progressivement abandonné, note au passage Claire Amil. Depuis les années 90, plusieurs dispositifs ont permis de relancer la fauche et le pâturage dans ce milieu. Utilisée comme litière, la fauche s’avère toutefois risquée : avec les cailloux, il y a de la casse ! Quant à la lande, même si on peut y mettre ses bêtes, ce n’est pas une belle étendue de ray-grass où elles engraissent normalement. Ces pratiques contraignantes doivent donc être financées. Le parc naturel, lui, a tout intérêt à conserver ces espaces ouverts pour aider à la nidification d’espèces remarquables (courlis, busard cendré…), mais aussi lutter contre la propagation des flammes en cas d’incendie ».
« Retard de croît » compensé
Les aides accordées suffisent-elles pour autant à compenser le coût économique induit par ces pratiques ? L’exemple du Gaec des Landes Celtes apporte une réponse.
« Notre système est herbager, explique Jérémy Stéphan. Sur nos 300 ha, 90 ha sont de la lande. On y envoie des animaux en croît : bœufs et génisses. Comme on travaille en vêlage groupé, les bêtes y pâturent en été, à 18 mois puis à 30 mois (du 15 juin au 15 septembre). Il s’agit de parcelles privées : le suivi, les clôtures et l’abreuvage sont à notre charge, mais l’entretien y vaut fermage. Cela dit, sans le financement de la Pac, ce fonctionnement serait remis en cause. Nos bêtes ne sont pas des ‘‘formule 1’’, il y a du retard de croît : les bœufs partent entre 40 et 48 mois, quand d’autres éleveurs, sur pâturage exclusif, les vendent à 36 mois. Heureusement, nos calculs montrent que ce retard est compensé par l’aide financière perçue, permettant ainsi de respecter l’équilibre technico-économique de l’exploitation ».

Pour le reste, le choix des deux éleveurs relève avant tout de l’engagement et de leur attachement à ce coin préservé de la Bretagne : « Il y a clairement une prétention écologique dans notre démarche. On participe à la protection du territoire et on est sensible au rôle joué dans la prévention des incendies ». Enfin, cerise sur le gâteau : l’avantage de la renommée : « Le fait de pâturer la lande est un plus marketing pour notre viande, une valeur ajoutée estampillée ‘‘Entretien Parc Naturel’’ ! »
Claire Amil en profite pour lancer un appel aux éleveurs : « Nous sommes toujours en recherche de nouveaux porteurs parce que nous souhaitons entretenir la dynamique de pratiques gagnant-gagnant ! ».
Pierre-Yves Jouyaux
Contact : Parc naturel régional d’Armorique – 02 98 81 90 08
Repères : Parc naturel régional d’Armorique ; Superficie : 125 000 ha ; Landes : 10 000 ha (Pâturées : 200 ha ; fauchées : 800 ha ) ; Compensation : 203 €/ha/an en pâturage : 203 €/ha/an ; 150 €/ha/an en fauche ; Pâturage extensif < 1 UGB/ha. Gaec des Landes Celtes ; SAU : 300 ha (90 ha de landes) ; Bio et 100 % herbager ; Productions : vaches allaitantes ( 60 Charolaises) ; Volailles de chair ; Vente directe : 100 % en volailles, 50 % en bovins.
Paysans du paysage
« La lande armoricaine est un habitat d’intérêt communautaire, précise Claire Amil. Biotope spécifique, c’est en Bretagne qu’il est le plus étendu : 10 000 ha dans le parc régional dont 1 000 ha sont fauchés et pâturés. Rappelons que l’essentiel de ces landes n’est pas exploitable à l’image des zones humides (tourbières) ou des zones de crêtes. Nous regagnons entre 20 et 50 ha chaque année par défrichement (girobroyage), mais il nous faut d’abord trouver les agriculteurs qui ensuite les entretiendront… Pour financer ces pratiques de fauche et de pâturage, nous recourons à des dispositifs financés par la Pac dans le cadre du Plan agro-environnemental et climatique (PAEC). Aujourd’hui, nous accompagnons 45 éleveurs. Concrètement, nous les rencontrons, leur présentons les aides, établissons un diagnostic et les aidons à la contractualisation. Bien entendu, la fauche et le pâturage sont soumis à des contraintes spécifiques de calendrier cohérentes avec la nidification des espèces protégées et le renouvellement de la flore ».

 
								 
						
																				