« En arrivant avec une bonne génétique et des vaches que l’on connaissait bien, on a gagné énormément de temps pour adapter notre système aux contraintes de l’île. Maintenant, on y est : en avril dernier – au pic de lactation – quatre de nos vaches, juste nourries à l’herbe et avec moins d’1 kg de céréales par jour, nous ont donné plus de 40 litres de lait… À terme, en améliorant la qualité de notre herbe, on pourra faire baisser ce complément en céréales, voire le supprimer ».
Ici tout dépend du bateau, il faut savoir anticiper
Une satisfaction clairement affichée confirmant que le ‘‘Gaec des vaches aux 4 vents’’ est désormais solidement amarré au ‘‘bout du bout’’ du Finistère. Réussite que l’on doit tout autant à la volonté des élus locaux qu’aux qualités de Thomas et Marie : courage, pragmatisme et savoir-faire.
Les bêtes et la terre
« Nos vaches passent toute l’année dehors. Au départ, elles ont un peu souffert de l’humidité, mais leur poil s’est épaissi. Par contre, nous avons fait l’erreur d’essayer d’avoir des mères nourrices pour nous économiser physiquement… On s’est vite rendu compte que, sans bâtiment, cela donnait des génisses ingérables. Côté traite, on utilise une salle mobile galvanisée de six places avec l’avantage de supprimer des tâches : nettoyage, entretien de la stabulation, allée et venue du troupeau… Et puis, pour le froid et la pluie, notre trêve hivernale dure quatre mois… ».
En système herbager, Thomas et Marie exploitent 110 ha essentiellement composés d’anciennes terres agricoles. Ces micro-parcelles, datant du cadastre napoléonien (l’île en compte 50 000 pour 1 500 ha) constituaient la clé de voûte d’une agriculture vivrière associant l’élevage (vaches, moutons, chevaux) à la culture de légumes et de céréales. « Pour avoir l’autorisation de les exploiter, on paye un loyer à la commune sur 20 ha, pour le reste des terres, l’entretien vaut fermage. Nos parcelles à foin se situent autour du château d’eau et de l’aérodrome ».
Indispensable mobilité
Côté infrastructures, les choses se sont améliorées quand le couple a pu louer les deux bâtiments spécialement édifiés par la commune à la sortie de Lampaul. Thomas y parque son tracteur et le matériel de fenaison. Marie y a installé son laboratoire d’abord aménagé dans le camion de déménagement…
Autre nécessité imposée par l’insularité : la mobilité ! « On croyait pouvoir se passer de voiture, mais on fait 1 000 km par mois avec le 4×4 ». Les navettes sont incessantes : déplacer deux fois par jour la remorque de traite et son tank jusqu’aux laitières ; visiter veaux, génisses et mâles dans leurs parcs ; se rendre au port du Stiff pour expédier une bête ou réceptionner du matériel… « Ici, tout dépend du bateau. Il faut savoir anticiper pour ne pas se retrouver bloqués pendant trois jours à cause d’un flexible cassé ».

Enfin, côté vente, c’est plutôt la bonne surprise : « On pensait tout écouler nous-mêmes. Mais les trois commerces locaux nous font travailler. Du coup, les gens de passage peuvent acheter nos laitages et repartir avec, même s’ils ratent l’un de nos deux marchés hebdomadaires. ».
Pierre-Yves Jouyaux
Repères : 55 UGB dont 24 VL ; 50 000 litres ; Transformation intégrale : fromage, yaourts, beurre, glace… ; SAU : 80 ha pâtures et foin ; 44 km de clôtures installées ; UTH : 2 ; Système herbager bio ; 6 tonnes de grains importées ; Vêlage groupé de printemps ; Double traite : mars à juillet – Monotraite : août à fin octobre ; Tarissement : novembre à février; Investissement total : 500 000 €.
Contact : gaeclesvachesaux4vents@gmail.com
Thalassa et Météociel
Le destin tient parfois à peu de chose… « Un soir, on regarde un numéro de Thalassa consacré à l’île. On se dit qu’il faut absolument aller la découvrir… Quelques jours plus tard, Thomas regarde Météociel pour préparer sa fauche et, sous la carte, voit cet appel d’offres de la mairie d’Ouessant associée au Conservatoire du littoral et au Parc régional d’Armorique. Objectif : relancer l’agriculture sur l’île, participer à son défrichage et à la relocalisation de la production alimentaire. »Thomas et Marie candidatent, leur dossier est retenu. « Cela nous faisait rêver de revenir à un système plus petit. On était prêts à travailler tous les deux ». Déjà associés sur un Gaec laitier, ils vendent leurs parts et mettent le cap sur Ouessant, emmenant avec eux 12 laitières et 8 génisses.« On est arrivé en plein Covid, cela nous a permis de rencontrer les Ouessantins. Et puis, comme on n’avait pas encore notre autorisation sanitaire, on a fait du troc. On donnait notre lait. En échange, on avait du miel, des œufs, des gâteaux… cela a créé du lien. »