« Souvent, un commercial arrive dans la cour et me demande où est le patron. Il y en a un qui m’a fait le coup quatre fois. Je lui répondais : ‘Absent !’. Il a fini par me dire : ‘Mais, il n’est pas souvent là ?’. ‘Ici, le patron c’est moi, lui ai-je répondu, vous n’allez pas chercher bien loin’ ! ».
Cheveux courts, lunettes carrées et affichant un large sourire à la descente de son télescopique, Nadège Boulanger, qui se qualifie elle-même d’éleveuse « bien dans ses baskets », nous raconte la gestation d’une vie nouvelle où elle s’épanouit pleinement.
C’est important de faire ce qu’on aime, de se sentir bien dans son travail
« Petite, j’adorais donner un coup de main à la ferme de mon grand-père. Il avait l’habitude de dire : ‘c’est important de faire ce qu’on aime, de se sentir bien dans son travail’ ». En 2017, à son décès, Nadège réalise vraiment ce que cette phrase veut dire pour elle : « Je travaillais à la gestion du personnel dans une entreprise de sécurité. J’étais à la limite du burn-out et j’avais un grand besoin de retrouver ma liberté. Benoît, mon mari, m’a dit : ‘Toi, ce que tu aimes, c’est la nature, les animaux, être dehors…’. Il avait raison ! »
Soutenue et bien entourée
Avec l’accord de Benoît et de ses enfants, Nadège quitte son poste et le «confort tranquille du CDI» . Commence alors pour elle un parcours de quatre ans avec en ligne de mire une installation en élevage caprin.
BPREA en poche, Nadège rode son futur métier dans un élevage de Tréméheuc, puis enchaîne par deux années comme technicienne chez Eilyps (conseil en élevage laitier). Parallèlement, elle prend soin de bien s’entourer : «Vincent Riaux, conseiller stratégie à la Chambre d’agriculture, m’a rassurée sur le projet et accompagnée de A à Z, jusqu’à un rendez-vous avec les banques».
Il lui reste à trouver la « bonne » ferme : « Benoît voulait bien que je m’installe, mais à une condition : qu’on ne parte pas loin d’ici. Moi, il me fallait au moins 45 hectares afin d’assurer l’autonomie alimentaire du troupeau et que ces terres soient accessibles pour pouvoir sortir mes chèvres si un jour on me l’imposait ».

Davantage de liberté
Un jour, Hervé Guillois, technicien culture (qui la suit à présent), l’informe qu’une ferme sera bientôt à reprendre sur Saint-Domineuc… Parfait pour Nadège. « Je suis allée à la rencontre du couple d’éleveurs pour lui présenter mon projet. Véronique, la cédante, qui aurait adoré avoir des chèvres, s’y est vite identifiée ».
Nadège reprend donc cette ferme mixte (vaches laitières et porc) qui lui offre 60 hectares : « On a mis à nu et compartimenté la stabulation, puis monté une salle de traite neuve. Le bâtiment porcs, lui, a été aménagé pour accueillir la nurserie et les boucs ».
Aujourd’hui, même si elle n’est plus aux 35 heures, Nadège ne s’en plaint guère : « J’ai davantage de liberté et je suis plus disponible pour mes enfants. Le soir, d’un coup de vélo, Léa me rejoint sur l’élevage. Je peux l’aider pour ses devoirs ! ».
Pierre-Yves Jouyaux
Repères : Nadège Boulanger – 35 ans ; BPREA : 2018 ; Installation : mars 2021 à Saint-Domineuc (35) ; 230 chèvres alpines ; Production : 1 100 L/chèvre/an ; Laiterie : Olga (Noyal-sur-Vilaine) ; SAU : 60 ha ; Cultures : blé, triticale, maïs, luzerne, herbe, lupin ; Autonomie alimentaire ; Travaux culturaux délégués à une ETA et une Cuma ; 3 prix du meilleur troupeau lait au concours caprin en race alpine (Space 2024).
Quand les mises bas se passent bien
À l’heure d’un premier bilan, Nadège ne cache pas sa satisfaction ‘‘d’être-là où on ne l’attendait pas’’ : « J’ai été récompensée au dernier Space : 3e prix du meilleur troupeau lait au concours caprin. Sur le plan technique, j’ai fait deux choix clés : privilégier génétiquement les taux. Et sur le plan cultural : déléguer l’intégralité des travaux. Aujourd’hui, je suis au-dessus de mon prévisionnel. Cela montre qu’on a bien fait les choses avec la Chambre et que les objectifs étaient atteignables. J’apprécie quand mes mises bas se passent bien, sans intervention. Cela veut dire que le travail en amont est de qualité, que les chèvres sont correctement préparées et les plans d’alimentation bien suivis. Par ailleurs, je suis membre d’un groupe d’éleveurs où régulièrement se partagent de bonnes idées. C’est comme cela que je me suis fabriqué un chariot sur roues pour transférer mes chevreaux vers la nurserie sans me fatiguer ».