L’essentiel du maïs breton est désormais en terre. Les rangs, alignés au cordeau GPS, pointent déjà sur les sols bruns et fumants, stimulés par les pluies de la semaine et la chaleur montante. Les céréales, déroulent leurs épis prometteurs. Et les prairies, d’un vert profond, reflètent l’abondance d’un printemps généreux. Silence, ça pousse…
En cette mi-mai, la campagne connaît un certain répit. Le répit mérité du travail bien fait après des semaines d’agitation dans les champs. C’est le moment, pour les agriculteurs, de contempler le tableau champêtre dont ils sont les auteurs. Oui la campagne bretonne est belle en ce joli mois de mai.
Semer aujourd’hui, c’est jeter les dés dans un monde imprévisible
Mais derrière cette apparente sérénité, nul n’est dupe. Car si le cultivateur sait composer avec les aléas du ciel, il ne maîtrise en rien le théâtre d’ombres mondialisé, capable d’assombrir la récolte aussi sûrement qu’un orage. Aujourd’hui, les marchés sont aussi instables qu’un ciel de juin. Ce n’est plus la météo qui fait le prix du blé : une rumeur sur les exportations, une saute d’humeur présidentielle, une crise en mer Noire ou un simple froncement de sourcils d’un autocrate… et l’équilibre vacille. L’agriculture est locale, mais ses risques sont devenus planétaires.
Semer aujourd’hui, c’est jeter les dés dans un monde imprévisible. Le jeu se joue désormais loin des champs : dans les chancelleries, sur les places boursières, entre deux sommets diplomatiques. Le grand cirque mondial, avec ses pantins puissants et ses coups de théâtre permanents, pèse parfois plus lourd qu’un orage. Face à ce tohu-bohu, l’agriculteur continue de tracer ses sillons, les pieds bien ancrés, mais la tête dans les turbulences. Cette ténacité tranquille du paysan a, en réalité, quelque chose de rassurant.