« Sur le papier, on calcule les rations en kilo de matière sèche. Mais ensuite, on charge la mélangeuse en matière brute. Cela comporte un vrai risque de décalage », faisait remarquer Denis Roiné, mardi 1er avril, aux Trinottières à Montreuil-sur-Loir (49). Lors de cette journée sur l’alimentation des vaches laitières, le technicien de la ferme expérimentale de la Chambre d’agriculture animait un atelier concernant l’impact des conditions météorologiques sur la composition du mélange distribué tous les jours à l’auge.
Variations constantes de matière sèche
Pour les essais, afin de connaître précisément l’ingestion réelle des animaux mesurée notamment grâce à des auges peseuses individuelles, l’équipe suit de très près les variations des taux de matière sèche des ingrédients de la ration, notamment des fourrages. Aux Trinottières, tous les jours, 500 g d’ensilage de maïs, d’ensilage d’herbe et de la ration mélangée finale sont ainsi prélevés et congelés. C’est une fois par semaine pour les concentrés. Ensuite, un étuvage de ces échantillons (24 heures à 105 °C) est réalisé une fois par semaine pour obtenir les taux de matière sèche. « Pour être le plus précis possible, l’idéal serait de le faire tous les jours. Mais nous limitons le démarrage de l’étuve à un usage hebdomadaire. L’alternative serait de recourir à des analyses quotidiennes au micro-ondes. »
Réfléchir à l’orientation des silos
Les résultats de ce suivi sur 2023 sont éloquents. Notamment d’octobre à décembre, période pendant laquelle 331 mm de pluie sont tombés. Sur cette durée, selon les semaines, la matière sèche de l’ensilage de maïs a oscillé entre 29 et 36,5 % au front d’attaque. Celle de l’ensilage d’herbe de 32,4 à 46,2 %… Ces taux évoluent sans cesse, à la hausse comme à la baisse, en fonction de la météo. Or quand les fourrages sont plus humides, les vaches ingèrent du brut bien sûr mais moins de matière sèche que prévu. La ration calculée n’est alors plus celle consommée dans la réalité. « Car, au jour le jour, l’éleveur met le même nombre de godets dans sa mélangeuse… Alors que pour distribuer la même quantité de matière sèche, il faudrait faire régulièrement évoluer la quantité de matière brute », reprenait Denis Roiné.
Tous les jours, ration à volonté
Aux Trinottières, du 29 octobre au 4 novembre 2023, semaine pluvieuse, l’ensilage de maïs titrait 29 % de matière sèche et l’ensilage d’herbe 32,4 %. C’est donc 4,25 t brut d’ensilages (3,14 t de maïs et 1,11 t d’herbe) par jour qui ont été glissées dans la mélangeuse pour 80 vaches. La semaine suivante, par une météo ensoleillée, les taux de matière sèche sont remontés à 36,3 % pour le maïs et 42,3 % pour l’herbe. Là, seulement 3,35 t brut de fourrages sont entrées dans le mélange quotidien (2,5 t de maïs et 0,85 t d’herbe), soit plus de 11 kg brut de fourrage apporté en moins par vache et par jour. « Pour, dans un cas comme dans l’autre, distribuer 24 kg de MS / vache / jour », reprenait Denis Roiné. « Sans ces ajustements, il y a un véritable risque que le troupeau ne soit plus nourri à volonté certains jours. »
Toma Dagorn
Suivre la météo et les refus
Pour l’éleveur, quels enseignements tirés de ces travaux sur les variations de taux de matière sèche des ensilages ? D’abord, à l’heure de monter un nouveau silo, voire de réaliser une taupinière, mieux vaut réfléchir à l’orientation de l’édifice. « Dans nos régions où la pluie vient majoritairement de l’ouest, un front d’attaque au nord ou à l’est sera à l’ombre l’après-midi pour limiter l’échauffement et beaucoup moins exposé aux précipitations », souligne Denis Roiné. Il recommande d’éviter toute contre-pente lors de la confection des dalles pour éviter que l’écoulement de l’eau se fasse vers l’ensilage.Ensuite, au quotidien, l’idéal serait de déterminer au micro-ondes la matière sèche des fourrages et d’ajuster leur incorporation en conséquence. Fastidieux, reconnaît le technicien. « Sur le terrain, la priorité est d’abord de travailler avec un godet ou une mélangeuse équipés de peson. Ensuite, il faut piloter à l’œil en observant au jour le jour d’un côté la météo et de l’autre les refus à l’auge. »