« On a programmé trois réunions publiques. Comme les articles de presse ont bien fonctionné, dès la seconde, il y a eu 90 personnes. On a même été obligé d’en refuser. En un mois et demi, les fonds ont été réunis… ».
Mais pourquoi donc faire appel à la presse pour reprendre une ferme ? Sur le papier, Yoann Le Strat semblait bien cocher toutes les cases pour une installation classique : dix ans d’expérience, un savoir-faire en élevage laitier et en fromagerie et une réelle passion pour le métier. Seul bémol, il était en quête d’une perle rare : « Mon projet consistait à créer un élevage comparable à celui de la dernière ferme où j’ai travaillé à Betton. C’est-à -dire trouver une trentaine d’hectares en parcellaire groupé et accessible pour pouvoir y conduire un petit troupeau avec transformation et vente en circuit court ». Profil foncier qui, il est vrai, ne court pas les champs !
Transition et travaux
« J’ai donc changé de stratégie en cherchant une ferme plus grande, mais, bien entendu, plus chère à l’achat ». Yoann identifie un élevage laitier à reprendre sur Planguenoual. Ce qu’il a en tête ? Effectuer une transition progressive du troupeau de 65 vaches laitières, déjà en place, vers un troupeau de 35 Bretonnes Pie Noir avec le démarrage, le plus tôt possible, d’un laboratoire de transformation.
« Mais il y avait, en supplément, des travaux de rénovation et d’adaptation à prendre en compte dans mes calculs de reprise. Voilà pourquoi j’ai fait appel à de l’épargne citoyenne en créant une Société civile immobilière (SCI) pour consolider mon plan de financement ».
Là encore, Yoann s’inspire de ce qu’il connaît. Il se renseigne auprès du Groupement foncier agricole ‘‘Sol en bio’’ à Fréhel (lire encadré). « Quand ils ont su que j’avais trouvé une ferme, ils m’ont soutenu et accompagné ».
En quelques mois, lui et ses futurs associés créent les statuts de la SCI et parviennent à récolter 190 000 € : « Bien sûr, c’était une vraie surcharge de travail au moment même où je finalisais mon parcours d’installation. Mais ça a fonctionné et puis j’ai eu de bonnes surprises : quand j’ai commencé à vendre des colis de viande, les membres de la SCI ont été mes premiers clients ».
Timing et bouton
Pour l’heure, Yoann continue de suivre le timing qu’il s’est fixé : « Les principaux travaux de déblaiement et de réaménagement sont terminés, le recrutement de nouveaux associés est en cours, les premières génisses Pie Noir vêleront en fin d’hiver et on prévoit de lancer la transfo dans le courant du printemps ».
À l’heure d’un premier bilan, le trentenaire peut avoir le sourire surtout quand il regarde dans le rétro. Fils d’un éleveur porcin de Saint-Caradec, il a d’abord tourné le dos à l’agriculture. « J’ai passé une licence d’histoire-géo puis je suis parti à l’université au Québec. C’est là qu’un jour un prof m’a dit : tu n’as rien à faire ici, ça se voit que tu aimes l’agricole, que tu as envie de t’installer… Il avait appuyé sur le bouton. C’est lui qui m’a fait m’avouer ça ! »
Pierre-Yves Jouyaux
Contact : Yoann Le Strat – 06 35 98 40 30 – fermedequere@gmail.com
Repères : Investissement : 505 000 € ; Répartition : Emprunt et apport personnel – Matériel : 75 000 € – Cheptel : 90 000 € – Travaux : 150 000 € – SCI ‘‘Terres paysannes et citoyennes du Penthièvre’’ – Bâtiments et 7,5 ha : 190 000 € – (55 ha en fermage classique) ; 160 associés ; Valeur d’une part : 200 € ; Perception d’un loyer annuel par la SCI (foncier et bâti) ; Distribution des bénéfices (rémunération des parts ou réinvestissement…) décidée en assemblée générale.
« Il a les pieds sur terre ! »
Céréalier, éleveur, viticulteur, maraîcher, arboriculteur, Groupama vous accompagne dans toutes les étapes de votre activité d’exploitant agricole avec des assurances agricoles adaptées afin d’envisager sereinement votre avenir. Chef d’exploitation, protégez-vous ainsi que vos proches, salariés et associés et sécurisez votre exploitation agricole.« On la chance de vivre dans une région où il y a des gens qui ont l’envie et les moyens de soutenir ce type d’initiative » Nadège Lefeuvre, l’une des associés de la SCI, raconte son coup de cœur pour le projet de Yoann : « Dès le départ, son discours a été très pro, notamment parce qu’il s’appuyait sur sa propre expérience dans des modèles comparables et rentables. On a bien vu qu’il avait les pieds sur terre et savait répondre à nos questions. De plus, il était enthousiaste, heureux de s’engager ! J’étais déjà membre d’un Groupement foncier agricole (GFA) sur le secteur de Fréhel. Yoann nous avait contactés parce qu’il était intéressé par quelques hectares que nous proposions en fermage. Insuffisant toutefois pour répondre à ses besoins. Alors, quand il trouvé une ferme, on l’a aidé à constituer une SCI en allant chercher d’autres personnes pour cofinancer l’opération. Grâce à ce qu’on savait déjà , il a gagné un temps fou sur la création de la société. Je suis ravie qu’on ait pu l’aider. Il démarre bien, c’est un beau projet ».