19934.hr - Illustration La Duke, une pomme de terre plus que centenaire
La parcelle collective est récoltée par les membres de l’association les jours précédant la fête où la Duke y sera vendue au prix de 3 €/kg.

La Duke, une pomme de terre plus que centenaire

La Duke est une variété de pomme de terre primeur rapportée dans le Trégor-Goëlo par des travailleurs bretons qui faisaient les saisons sur l’île de Jersey. Très longtemps cultivée pour être exportée en Angleterre, les surfaces sont aujourd’hui anecdotiques mais une association veille à la préservation de cette variété.

« La variété de pommes de terre primeur Duke a une très longue histoire sur la zone du Trégor-Goëlo. Elle a contribué à faire la richesse du secteur et à maintenir en activité de petites exploitations agricoles », raconte Christian Porteneuve, secrétaire de l’association la Duke de Bretagne. Cette variété a débarqué au nord des Côtes d’Armor vers 1890 en provenance de l’Île de Jersey. À l’époque les agriculteurs de Jersey produisaient déjà 20 000 tonnes de ce tubercule à destination de la Grande-Bretagne. Cette culture très demandeuse en main-d’œuvre nécessitait des saisonniers notamment pour les travaux de récolte. La population de l’île n’étant pas suffisante, beaucoup de personnes vivant dans les Côtes d’Armor et le Morbihan partaient faire la saison comme tâcherons sur Jersey. « Ce sont ces travailleurs qui ont rapporté en Bretagne de la semence de Duke car ils estimaient que sur notre zone côtière le climat était aussi favorable qu’à Jersey pour cultiver cette primeur », témoigne Guy Meudal, agriculteur à la retraite et membre de l’association. 

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Jean-Paul Rouzes, Daniel Le Merrer, Christian Porteneuve et Guy Meudal, des membres de l’association la Duke de Bretagne dans la parcelle collective.

Une patate ovale et plate

Les hivers doux et la presque absence de gelées sur le littoral du secteur de Tréguier, Plougrescant, Lézardrieux, Lanmodez, Pleubian… favorisent le développement et la réussite de cette culture de pomme de terre primeur. Cette patate ferme à chair blanche de forme ovale et plate plaît beaucoup aux Anglais. « Dès 1890, on observe les premiers départs de bateaux chargés de ce précieux tubercule au port de Tréguier à destination de Cardiff au Pays de Galles. Il fallait 24 heures pour envoyer un bateau rempli de Duke en Angleterre alors que c’était 4 jours pour les envoyer en train à Paris avec beaucoup plus de travail manuel pour le chargement et déchargement. Dans un bateau, il est possible de charger entre 100 et 300 tonnes de primeur alors que dans un wagon cela varie de 5 à 10 tonnes », rappelle Jean-Paul Rouzes, agriculteur à la retraite. 

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La Duke est une primeur à chair blanche de forme ovale et plate.

Transmission de père en fils

« La particularité de la Duke est que personne ne commercialise cette variété, ce sont les agriculteurs qui produisent leur semence. Elles se sont transmises de père en fils depuis 5 générations. Le plant est récolté tôt à partir de la mi-mai jusqu’à mi-juin et conservé dans les greniers de la ferme. À l’époque, les agriculteurs sélectionnaient déjà, ils enlevaient les pieds qui présentaient des signes de dégénérescence et conservaient les plus beaux tubercules ceux qui étaient bien ovales et plats », décrit Daniel Le Merrer, un agriculteur de Lanmodez à la retraite. Tous les agriculteurs s’accordent pour dire qu’il y avait 2 sortes de Duke. La « Korz berr » qui se traduit par « fanes courtes » présente un feuillage peu développé, procure moins de rendement, mais elle est très précoce et sensible au gel. La « Korz hir » qui se traduit par « fanes longues » est plus végétative, plus productive, moins précoce et résistant mieux au gel. 

Un coup d’arrêt en 1932

Vers la mi-novembre, les futurs plants étaient dégermés et disposés debout en clayettes. 2 à 3 germes repoussaient sur le sommet de la pomme de terre. C’est une semence flétrie et bien incubée qui était plantée dès que les conditions climatiques le permettaient, souvent à partir de la première quinzaine de février et cela s’étalait ensuite jusqu’au 15 mars. « C’était vraiment la course pour savoir qui allait planter en premier. Les agriculteurs regardaient facilement par-dessus le talus ce que faisait le voisin », racontent en rigolant les légumiers. La récolte débutait 80 à 90 jours après la plantation, les parcelles les plus précoces étaient celles en terres légères exposées sud, sud-est et abritées du vent par des talus d’ormes. « Quand les bateaux anglais arrivaient sur la côte, ils cornaient. C’était le signal qui indiquait aux producteurs qu’il fallait s’empresser d’aller aux champs pour arracher la Duke car elle allait bien se vendre », retrace Guy Meudal. La Duke a subi un coup d’arrêt en 1932 avec l’arrivée du doryphore dans les cultures, les Anglais ne voulaient plus des pommes de terre bretonnes. Le commerce a repris en 1950 et a perduré ensuite jusqu’en 1986-1987. « Les frigos ont permis la conservation de la pomme de terre de consommation qui devenait alors meilleur marché que notre primeur. Les agriculteurs ont ensuite continué de la cultiver mais en diminuant les surfaces pour vendre la production localement. Les particuliers et les agriculteurs à la retraite ont aussi sauvegardé la Duke en la cultivant dans les jardins ou sur de toutes petites parcelles. »

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Les pommes de terre vendues le jour de la fête arrivent par bateau à Port Beni.

Le 19 mai, c’est la fête de la Duke

L’association la Duke de Bretagne est née en mai 2019 et regroupe des producteurs locaux et des passionnés de cette pomme de terre primeur. « L’idée était tout d’abord de conserver et de promouvoir cette variété plus que centenaire qui fait partie de notre patrimoine », livre Christian Porteneuve. Les membres de l’association se retrouvent plusieurs fois par an pour dégermer, planter et arracher la Duke cultivée sur une parcelle de 1 200 m2 appartenant à Daniel Le Merrer. Une partie de cette production est donnée aux Ehpad du secteur et à la cantine de l’école de Lanmodez. L’autre partie est vendue au prix de 3 €/kg aux personnes qui viendront à la fête de la Duke le 19 mai à Port-Beni sur la commune de Pleubian. Un des moments forts de la fête est l’arrivée des bateaux et le déchargement des pommes de terre vers 17 h. Plusieurs associations partenaires de l’événement proposeront des animations ou des dégustations. La Fête de la Duke aura lieu le 19 mai à partir de 16 h 30 à Port-Beni, à Pleubian (22).


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