La biofumigation en réponse aux taupins

Utiliser le gaz émis par la dégradation des glucosinolates contenus dans les crucifères est une piste explorée dans un essai à Saint-Thégonnec (29) pour lutter contre les taupins. Certains couverts végétaux sont riches en glucosinolates. Cette molécule, une fois cassée et sous l’effet d’enzymes, libère des substances volatiles biocides. Les crucifères font partie de ces végétaux qui contiennent une telle substance. C’est pourquoi l’idée d’utiliser cette volatilisation naturelle pour lutter contre des ravageurs a émergé. Et si ce gaz libéré sur des ravageurs répond à une absence de solution de lutte, ce levier devient très intéressant. Les producteurs de pomme de terre regardent avec intérêt cette forme de biofumigation pour chasser les taupins de leurs terres. Pour que l’effet soit maximal, il faut « broyer le plus finement possible le couvert pour casser les cellules et pour qu’il y ait le maximum de contact », intervient Cécile Goupille, conseillère à la Chambre d’agriculture, lors d’une visite d’essai mené en partenariat avec Bretagne Plants à Saint-Thégonnec (29). Chaleur et humidité sont aussi indispensables au bon déroulement du processus, tout comme une bonne incorporation immédiate du mulch dans le sol (à 15-20 cm). Pour garder au maximum le gaz libéré, la parcelle doit enfin être roulée, puis laissée au moins 2 semaines sans interventions. « Les teneurs en glucosinolates sont les plus importantes en pleine floraison des crucifères », note la conseillère. Sur l’essai, les couverts ont été implantés après céréales à 2 dates différentes : soit au 2 septembre, soit 15 jours plus tard. Les conditions sèches de l’été dernier n’avaient pas permis de semer plus tôt. Dans le choix des variétés, les expérimentateurs vont notamment regarder le comportement de moutardes brunes. L’une, précoce (Vittasso), a été choisie pour ne pas fleurir l’année de son semis. Le couvert doit aussi « ne pas être ligneux, pour se dégrader en 3 semaines et ne pas gêner le tamisage ». Favoriser la biomasse Pour un bon effet contre le ravageur, le broyage du couvert doit coïncider avec la présence du taupin. « Ils remontent courant mars/avril », explique Philippe Dolo, en charge du développement technique et des expérimentations pour Bretagne Plants Innovation. La biofumigation aurait un effet « plutôt sur les jeunes larves », les gros taupins passeraient au travers. « Si on ne tue que les petites larves, c’est seulement la moitié du travail qui est réalisé. Il faudrait introduire ces couverts de crucifère 2 voire 3 ans avant de recevoir une pomme de terre ». Aussi et pour une bonne efficacité, la quantité de biomasse produite doit être conséquente. Dans la parcelle implantée en couverts après céréales, les reliquats sont faibles, les végétaux n’affichaient en début mars que « 2,5 t MS/ha. Il en faudrait 5 t MS/ha », chiffre le responsable qui aimerait que les couverts végétaux puissent être fertilisés. « Une plante de 80 cm de hauteur ira chercher de l’azote à 80 cm de profondeur. Si elle ne mesure que 20 cm, l’azote en dessous de 30 cm dans le sol est perdu. Dans un sol plus fertile, ce sont aussi des plantes plus vigoureuses et des attaques de ravageurs diminuées ». Ne pas laisser la place vide Philippe Dolo énumère les autres solutions possibles pour se débarrasser de ces taupins. « Les nouveautés chimiques ? Il faut les oublier », prévient-il, en abordant le sujet de l’impasse chimique présente, sans arrivée de nouvelles solutions. « Il existe une cinquantaine de produits de biocontrôle sur le marché. Leur efficacité oscille entre 0 et 20 % », déplore-t-il. Parfois, une parcelle est infestée de taupins quand le champ juste à proximité n’en a pas… « La réflexion pousse à se dire que l’équilibre du sol est en jeu : si la biomasse microbienne est basse, on laisse davantage de place aux ravageurs ». De même et dans des essais, on remarque que les taupins sont présents dans des parcelles moins productives en biomasse, peu couvertes ou avec des assolements simples. Le fait d’avoir des sols vivants semblerait limiter leur prolifération.

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