« Nous devons investir dans une agriculture productive »

Les régions sont appelées à contribuer au projet de pacte agricole promis par le président Macron. La Bretagne lancera ce grand chantier le 9 février, à Rennes, sous la présidence d’André Sergent, président de la Chambre régionale d’agriculture. Lois d’orientation de 1960, 1962, 1980, 1994, 1999, puis 2006. Est-ce d’une énième loi agricole qu’ont besoin l’agriculture et les agriculteurs bretons ? La crise du Covid en 2019, puis la guerre en Ukraine, ont rappelé, s’il le fallait, l’importance de la notion de souveraineté alimentaire d’un pays. Autrement dit, la capacité nationale, ou dans notre cas de l’Union européenne, à nourrir sa population ; et sa réelle attente en la matière : rappelons-nous la ruée dans les magasins au début de la crise du Covid… Tout l’enjeu de cette future loi d’avenir et d’orientation agricoles projetée par le président de la République lors des Terres de Jim en septembre dernier plaide en faveur de cette souveraineté alimentaire. À cet égard, la loi n’est pas superflue. Elle est au contraire essentielle pour donner l’orientation que souhaite donner le pays à son agriculture dans un contexte international totalement nouveau. La notion de « souveraineté alimentaire » est souvent associée à « agriculture productive ». Ne craignez-vous pas que cette loi prête le flanc aux détracteurs de l’agriculture dite intensive ? J’entends en effet très souvent : « Il est temps de bannir ce modèle agricole breton et de le remplacer par un modèle vertueux ». Mais pour garantir l’indépendance alimentaire, il faut produire : c’est la base. Les agriculteurs qui pratiquent cette agriculture conventionnelle au quotidien intègrent déjà cette notion d’agriculture vertueuse, que ce soit en matière de bien-être animal, de réduction des phytosanitaires, etc. La loi d’orientation doit encourager l’initiative et l’innovation et fournir les leviers nécessaires pour donner un avenir à l’agriculture : accès aux nouvelles technologies, innovations agronomiques, formations… Il y a quand même le problème de l’acceptabilité de l’élevage, particulièrement en Bretagne… Parfois, je me demande si la profession a raté quelque chose en matière de communication. Pourtant ce n’est pas force de pédagogie et de dialogue en allant au-devant des citoyens et des consommateurs. Cette opposition systématique à l’agriculture, et à l’élevage, je ne la perçois pas dans les autres régions. En même temps, la Bretagne étant particulièrement attractive pour de nouvelles populations, il y a mathématiquement plus de conflits d’usage. Je pense toutefois que la controverse sur l’élevage tient davantage de la méconnaissance des citoyens. Or, quand on met noir sur blanc, nous voyons bien que la profession a réalisé un énorme travail pour un moindre impact de l’élevage sur l’environnement. Nous avons les outils pour concilier agriculture productive et environnement. La loi d’orientation doit renforcer et accompagner encore davantage les agriculteurs dans cette direction. Concrètement quel cap entendez-vous donner, le 9 février, à l’occasion du lancement de ces travaux ? Avec sa démarche prospective « Agricultures bretonnes 2040 » et cinq scénarios d’avenir possibles, la Crab a préparé le terrain. Les enjeux pour les filières et les territoires y sont clairement identifiés, les impacts environnementaux et sociaux se poursuivent. C’est un matériau pour débattre et formuler collectivement un cap. Cette démarche va nous être utile pour la consultation régionale. Nos propositions viseront à définir les leviers d’action que nous souhaitons mettre en œuvre pour répondre aux enjeux nationaux de souveraineté alimentaire. Je le répète : en Bretagne, nous devons investir dans une agriculture productive dans une logique de décarbonation. Je suis convaincu qu’un nouveau pacte ambitieux pour l’agriculture française est de nature à parvenir à l’objectif fixé par Emmanuel Macron. On le constate : une part grandissante des jeunes qui s’installent ne partage plus forcément la vision d’une agriculture que l’on qualifierait de « productive de masse ». Or, sans jeunes, il n’y a pas d’avenir… Il y a en effet un enjeu de transmission. Aujourd'hui, cet enjeu met les deux générations à rude épreuve notamment en élevage. D'un côté, une génération nombreuse d'éleveurs fatigués de ne pas avoir transformé ses gains de productivité et ses heures de travail en gain de revenu et, de l’autre, une jeune génération qui n'envisage pas forcément un projet en élevage, ou envisage l'élevage autrement pour mieux concilier projet professionnel et personnel. La façon dont va se passer ce passage de relais en Bretagne dans les 5 années qui viennent sera déterminante pour le paysage agricole et alimentaire régional. C’est exactement le même schéma en légume. Si pacte il doit y avoir, c'est bien un pacte de confiance en l'avenir où ceux qui facilitent la viabilité d'un projet nouveau puissent être encouragés socialement et fiscalement par exemple. Propos recueillis par Didier Le Du

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