14867.hr - Illustration « Autorisez-nous  à produire »
L’interprofession (Inaporc) redoute la fin de l’autosuffisance en viande porcine, qui est encore de 103 %. Elle met en garde contre un scénario « à la volaille » où les importations couvrent une large part de la consommation (près de 50 %).

« Autorisez-nous à produire »

La consommation de viande de porc augmente légèrement en France. La production ne suit pas. L’interprofession redoute, à terme, une hausse incontrôlée des importations.

La production porcine a régressé de 2 % en 2022, par rapport à l’année précédente. Le nombre de truies, de nouveau en baisse, de 2,6 % au dernier recensement, n’est plus compensé par la hausse de la prolificité ce qui augure une accentuation de la chute de production en 2023. Tous les projets de développement, petits et gros, sont systématiquement attaqués. Les derniers en date, dans le Finistère sud*, sont un signe négatif donné aux futurs investisseurs et aux jeunes en réflexion à l’installation. Pourtant, la viande de porc reste la préférée des Français. Sa consommation a progressé de 1,8 % en 2022, essentiellement en restauration hors domicile. Elle diminue de 0,5 % à domicile mais résiste plutôt bien par rapport aux autres viandes (- 5 %). L’évolution des prix y est pour beaucoup : + 5,1 % pour le porc quand les autres viandes sont à + 7,3 %.

Procédures administratives trop longues

Malgré des prix de vente du porc historiquement élevés, le maillon production est à la peine. Les éleveurs ont 49 ans de moyenne d’âge. « Ils vieillissent, les bâtiments aussi. Nous devons rénover, restructurer nos élevages pour rester compétitifs et répondre aux attentes sociétales de bien-être des salariés et des animaux », indique Philippe Bizien, président d’EvelUp. « Pour cela, les pouvoirs publics doivent nous aider. Les procédures administratives sont beaucoup trop longues. Avec l’opposition systématique d’une partie de la population, beaucoup de projets de développement sont abandonnés ». Dans un pays qui affiche sa volonté politique de renforcer sa souveraineté alimentaire…

Le porc a des atouts

La filière ne baisse pas les bras et se donne un cap pour 2035 dans le cadre d’une démarche de responsabilité sociétale. « Nous sommes trop discrets », déplore Anne Richard, directrice d’Inaporc. « Nous devons valoriser nos atouts. La production porcine émet peu de gaz à effet de serre (0,3 % des émissions nationales) ; elle recycle des co-produits de l’alimentation humaine, elle est productrice nette de protéines ; elle produit des engrais naturels ». La filière se félicite d’avoir réduit le volume d’antibiotiques de plus de 50 % ces dernières années et promet d’accroître le bien-être animal. « La libération des truies en maternité est engagée mais le changement de système dans tous les élevages de France coûterait 2 milliards d’euros. Il faudra se mettre d’accord avec les pouvoirs publics sur le délai et le montant des aides ».

Étiquetage plus précis ?

Le logo « Le porc français » fait l’unanimité. « Il répond à un sentiment patriotique et permet de protéger efficacement la production nationale », estime Bernard Vallat, président de la Fict (fédération des industriels charcutiers traiteurs). « 85 % de la viande utilisée par les industriels est française. C’est déjà beaucoup car notre élevage ne peut pas fournir suffisamment de jambons ; nous sommes donc obligés de nous tourner vers l’étranger ». Un étiquetage plus précis de l’origine de la viande (pays au lieu de UE) pourrait encore renforcer l’achat de produits français par les consommateurs selon certains observateurs, mais Bernard Vallat refuse de s’engager et assure que l’industrie est attachée à la souveraineté alimentaire. « Les capitaux sont nationaux. Les pays concurrents sont souvent moins disant sur la main-d’œuvre ou l’environnement, ce qui provoque des écarts de compétitivité ». Et leur permettent d’accaparer essentiellement les « premiers prix » dans la grande distribution. 

* Contestation juridique pour un passage de 70 à 170 truies malgré l’abandon de la production laitière et un passage de 160 à 200 truies pour installer un fils.

Des dépôts de bilan à prévoir dans l’industrie

La situation est sans précédent dans l’industrie, en raison de l’augmentation du coût de l’énergie. La charcuterie demande du froid pour la conservation et du chaud pour la cuisson. 75 % de la viande de porc française est transformée… Le coût de la main-d’œuvre augmente, celui des emballages et des transports également. Un tiers des entreprises prévoient de baisser leur activité, en diminuant leur gamme de produits. Il y aura une mise au chômage des personnels affectés à ces productions. Les aides publiques ne compensent qu’une petite partie de la hausse de nos coûts. Il y aura des dépôts de bilan en 2023. Le risque de rachat par des entreprises étrangères est élevé, tout comme la concentration des outils de transformation. Nous demandons une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les différents maillons de la filière et nous interpellons la distribution pour répercuter les hausses de coûts aux consommateurs. Bernard Vallat, Président de la Fict


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