L’obsession de la qualité de l’herbe

En passant en bio, les associés ont abandonné les nombreux ateliers de l’exploitation pour simplifier le travail et dédier toutes les surfaces à la seule production laitière. Au Gaec Jaglin, les deux robots de traite Lely A3 d’occasion ont été installés en 2011. Les associés ont, dans un premier temps, relevé le challenge de la productivité en tournant à un niveau d’étable de plus de 10 000 kg de lait par vache et par an. « Ensuite, vers 2014 - 2015, nous avons pris un premier virage vers l’autonomie en cherchant à réduire les factures d’intrants dans un contexte de volatilité du prix du lait », expliquent Claudine et José Jaglin. Augmentation des surfaces en luzerne, intégration de lupin et de betteraves dans l’assolement… « En mettant l’accent sur les fourrages, nous avons perdu 2 000 L de lait par vache mais gagner 30 € / 1 000 L de marge sur coût alimentaire. » Passage de 8 à 30 ares pâturés par vache Puis au départ en retraite de Jean-Pierre, leur associé, la mère et le fils ont bouleversé leur exploitation pour faire face au manque de main-d’œuvre. Les ateliers céréales multiplication, vente de jeunes vaches et bœufs ont été abandonnés pour entamer une conversion à l’agriculture biologique permettant d’aller chercher un meilleur prix du lait en se concentrant uniquement sur la production laitière. « Notre lait, collecté par Agrial pour Eureden, est payé en AB depuis le 15 mai 2021. » Le passage en bio a bousculé le système alimentaire. Le pâturage est passé de 8 ares à 28-30 ares par vache. « Le premier chantier a été la mise en place de barrières canadiennes sur un chemin communal pour que les vaches puissent circuler en permanence vers les prairies. Cela a aussitôt offert 15 ha d’accessibles de plus. » La place des ensilages de luzerne et trèfle, déjà importante, s’est accentuée. Déjà passionné par la nutrition, José Jaglin avoue que la qualité des fourrages est devenue son « obsession » désormais. « Je veux que nos vaches ne fassent jamais la tête, ni à l’auge, ni à la pâture ! » En système de traite robotisée, il insiste sur l’importance de la qualité de l’herbe pour que les animaux aient envie de sortir, de circuler et de brouter. Pour atteindre cet objectif, l’éleveur a opté pour le pâturage tournant dynamique en créant des paddocks de 1,5 ha (avec fil avant) ouverts aux 120 vaches pour 2 ou 3 jours selon la pousse. « En alternant une parcelle jour, une parcelle nuit ouverte à partir du milieu d’après-midi, les vaches savent qu’elles doivent repasser par le bâtiment et se faire traire pour accéder à de l’herbe toute fraîche et appétente. Et à partir de 22 h, celles qui remontent aux robots ne peuvent plus sortir. Ce choix fonctionne bien : le matin, les trois quarts du temps, il ne reste plus de vache dans le paddock. Seulement parfois quelques fins de lactation. » Pendant des années en système en circulation libre « qui marchait très bien » (2,8 à 3 traites par vache et par jour), les 90 vaches allaient à leur rythme des logettes aux robots ou de l’auge à l’abreuvoir. Plus de 350 000 L de lait par UTH En passant en conduite bio et pâturante, les associés sont passés en système contraint. « Comme il n’y a quasiment plus d’aliment au robot en 2e partie de lactation pour attirer au robot, soit 150 à 200 g de méteil-maïs grain par passage, nous avons réorganisé le circuit dans le bâtiment. L’alimentation est d’un côté, l’eau de l’autre avec une porte anti-retour entre les deux zones. Ainsi, une vache est obligée de se faire traire au moins deux fois par jour. » Ensuite, pour s’assurer que les deux stalles presque saturées (120 laitières aujourd’hui) travaillent tout le temps, les éleveurs ont leur astuce. « À 7 h, nous bloquons aux robots 30 à 40 vaches. C’est plus que celles désignées en retard de traite par le logiciel. Les autres partent directement vers le paddock. Vers 10 h 30, les premières remontent du pâturage pour se faire traire… Grâce à ce tri exagéré du matin, mécaniquement, la rotation des animaux entre les robots et le pâturage se fait de manière assez homogène. » En hiver, la fréquentation des stalles est de 2,7 à 2,8 traites par vache par jour. Au pâturage, elle tombe à 2,3. « Mais la production reste assez stable autour de 23-24 kg de lait par vache », précise José Jaglin. Aujourd’hui, le coût alimentaire se situe autour de 95 € / 1 000 L. « C’est au-dessus de la moyenne en bio. Mais dans notre système fourrager intensif, nous livrons 780 000 L de lait pour deux UTH, contre 670 000 L à trois en conventionnel auparavant, grâce aux surfaces récupérées par l’abandon des autres ateliers », termine le Costarmoricain qui annonce une projection d’EBE de l’ordre de 250 € / 1 000 L de lait. « Un foin enrubanné pour les génisses » Sur les 160 ha de SAU, 31 ha sont implantés en mélange luzerne - trèfle violet. « La luzerne offre de super-rendements, mais peut réserver de mauvaises surprises à l’implantation en zone plus humide. En association avec le trèfle, on lisse la qualité sur l’année et il n’y a qu’un tas d’ensilage à gérer », expliquent les Costarmoricains. Cinq fauches par an sont réalisées, les deux premières ensilées à l’autochargeuse. (Moyenne des coupes : 21 % de MAT et 0,75 UF / kg de MS, à 35 à 40 % de MS). « La 1re fin avril, peu importe le stade de la luzerne, pour débrayer et gagner en qualité sur la 2e coupe. » Le Gaec s’est équipé pour la récolte de l’herbe : faucheuse, faneuse et andaineur soleil, tout en 9 m de large. « Sans conditionneuse pour éviter la perte de feuilles, ce combiné de fauche a deux intérêts : un débit de chantier jusqu’à 45 ha par jour et l’assurance de ne jamais rouler sur l’herbe fraîche coupée. De même, on fane sans gratter fort, juste en décollant le fourrage. Pour gagner sur le produit fini, il n’y a qu’à l’andainage que nous roulons sur le produit, mais il a séché, n’est plus collant. » Selon la météo, les 3e et 4e coupes peuvent être réalisées en enrubannage. Surtout, la moitié d’une de ces deux fauches est réservée à la récolte d’un « foin enrubanné ». José Jaglin explique : « En foin traditionnel, la luzerne est trop dure, perd de sa qualité et de son appétence. Je cherche donc un produit à 70 % de MS, entre foin et enrubanné, bien adapté à la croissance des veaux jusqu’à un an : à la fois très riche en protéines, fibreux pour le développement de la panse mais avec une texture souple qui reste appétente. » Avec ce régime fermier de foin enrubanné complémenté avec de l’orge et du maïs grain, les génisses poussent bien : « Le premier vêlage intervient en moyenne à 27 mois, c’est bien en bio, en race Pie Rouge et seulement en utilisant des fourrages et céréales de la ferme. »

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Gaec Jaglin, Saint-Gilles-Vieux-Marché (22)

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