La limonade de sapin fabriquée en Centre-Bretagne est légère, peu sucrée, et dévoile des arômes délicieux de résineux. Rencontre avec Erwan Penard et Marie-Laure Millot, installés à Mellionnec (22).
Le Père Noël trouvera sans doute dans sa tournée imminente de quoi se désaltérer dans les chaumières de Mellionnec (22). Pour étancher sa soif, il se peut que des bouteilles de limonade de sapin soient mises à sa disposition, lui rappelant alors ses contrées lapones qu’il ne quitte qu’une fois l’an. Ce breuvage, il le devra à Erwan Penard et à Marie-Laure Millot, jeunes producteurs de « dour pik pik », (eau qui pique, c’est-à-dire limonade familièrement en breton), aux arômes de résineux.
Apprentissage dans le Jura
Passionné de cuisine et de confection de boissons, Erwan Penard a dans un premier temps travaillé dans diverses fermes, en tant que berger. Une formation suivie ensuite à Lons-le-Saunier (39) sur la production et la transformation de plantes aromatiques et médicinales lui a donné les armes pour produire diverses boissons pétillantes. Cette formation lui a aussi appris les techniques de cueillettes sauvages. « Le Jura propose de nombreux produits à base de sapin. Le sapin blanc est utilisé pour des sirops, pour de la vente aux laboratoires ou pour différentes transformations ». Lors de son retour en terres bretonnes, le producteur a posé son sac à Mellionnec pour fabriquer sa limonade, mais aussi pour brasser de la bière.
[caption id=”attachment_38413″ align=”aligncenter” width=”720″] La limonade contient une infusion d’Abies Alba, autrement appelé sapin blanc. Les jeunes pousses sont cueillies au mois de mai.[/caption]
Le plaisir de la cueillette
Le sapin pectiné (abies alba), est l’essence recherchée par Erwan Penard. Si les forêts de résineux sont plutôt composées d’épicéas, il arrive à trouver ce sapin blanc à Langoëlan (56) ou à Mellionnec. Pour sa limonade, le cueilleur recherche, au joli mois de mai, de jeunes pousses, d’un vert très clair. « Ces pousses sont très tendres, car peu lignifiées. Elles peuvent être consommées telles quelles ». Pour un litre de limonade, le Morbihannais a besoin d’environ 200 grammes de ces pousses. « J’aime la cueillette. La forêt est un lieu frais s’il fait chaud, qui abrite en cas de pluie ». Dans cette ambiance de solitude et de calme, Erwan Penard avoue n’ être qu’ à ses “pensées”. Silencieux, il est souvent un spectateur privilégié pour voir passer un chevreuil. « À deux, nous avons le temps de papoter », apprécie-t-il.
Un concentré d’arômes
Sitôt rentré de cette visite en forêt, le fruit de cette cueillette est porté à frémissement dans une grande cuve avec de l’eau filtrée, débarrassée de son chlore. Les producteurs laissent ensuite infuser cette mixture, afin de concentrer les arômes dans une tisane. « Ce jus est recueilli, puis congelé pour les besoins de fabrication de l’année ».
[caption id=”attachment_38411″ align=”aligncenter” width=”720″] Erwan Penard fabrique, avec Marie-Laure Millot, de la limonade, mais aussi de la bière, brassée à la pagaie.[/caption]
Pas de bonne limonade sans citron…
Pour trouver cet ingrédient indispensable, Erwan Penard et Marie-Laure Millot se rendent dans les Alpes-Maritimes (06), pour réaliser eux-mêmes la récolte des fruits jaunes acides. Pressés à la main à leur retour, le jus est également congelé. Cette eau, sucrée et enrichie en infusion de sapin et en jus de citron est ensuite gazéifiée, à l’aide d’un saturateur qui incorpore du gaz carbonique pour donner de l’effervescence à la limonade. « Après avoir été encapsulées, les bouteilles sont pasteurisées à 65 °C, car le sucre et les levures exogènes pourraient partir en fermentation et alcooliser la limonade ».
À consommer frais
Cette limonade se consomme fraîche, « pas trop froide, pour ne pas perdre ses arômes. Pour l’apprécier, il faut que le palet soit prêt ! », conseille Erwan Penard. Autrement dit, cette limonade de sapin se déguste en apéritif ou pour agrémenter le goûter. Les bouteilles de limonade affichent une DLUO (date limite d’utilisation optimale) d’une année. Au-delà, certaines saveurs peuvent disparaître. « Les bouteilles se conservent debout, pour éviter d’avoir une limonade trop nerveuse à l’ouverture, qui mousserait fortement ». Le citron et le sapin se décantent en fond de contenant, mais sont bien sûr à consommer pendant la dégustation.
Tous les progrès sont dans la nature
La Grobul’ Factory, nom de la brasserie des producteurs de limonade, fabrique également différentes bières brassées à la pagaie. Ces dernières répondent au cahier des charges de l’association Nature & Progrès qui rassemble producteurs et consommateurs. Une demande est en cours pour obtenir cette mention sur les limonades. Les idées ne manquent pas dans cette brasserie de garage, installée désormais dans une ancienne menuiserie. « La limonade peut être réalisée avec toutes plantes aromatiques », explique le producteur. Ainsi, des essais sont en cours pour proposer d’autres saveurs, à base de cassis, de menthe ou encore de gingembre.