Micro-parcelles d’essais variétaux. ©Arvalis - Illustration Ce que cache une nouvelle variété de maïs
Micro-parcelles d’essais variétaux. ©Arvalis

Ce que cache une nouvelle variété de maïs

Le sélectionneur Olivier Vimont parle de la complexité et de la multitude de données à traiter pour développer une nouvelle variété.

[caption id=”attachment_38330″ align=”alignright” width=”152″]Olivier Vimont, responsable sélection Europe chez Limagrain Olivier Vimont, responsable sélection Europe chez Limagrain[/caption]

« Nous avons du mal à faire sentir aux éleveurs toute la technologie et l’innovation qu’il y a derrière une nouvelle variété », démarre Olivier Vimont, responsable sélection Europe chez Limagrain pour les maïs précoces et demi-précoces. « À chaque fois, c’est indispensable pour obtenir l’inscription, il y a un progrès génétique sur le rendement, la valeur alimentaire et les qualités agronomiques par rapport à la génération précédente afin d’apporter davantage de sécurité au système fourrager des exploitations. Nous cherchons à améliorer le rendement à l’hectare avec l’objectif d’obtenir le maximum d’aliment pour remplir les panses du troupeau. En visant surtout un rendement digestible, c’est-à-dire utile à l’animal pour produire de la viande ou du lait. »

2018, une campagne plus qu’extrême

Des maïs productifs mais également « stables » (« ni par terre, ni malade… ») dans toutes les situations. Or, même si les semenciers ont étendu les zones du globe où ils testent les cultures en plein champ, il n’est pas possible d’exposer les variétés à toutes les conditions climatiques imaginables. « Nous écoutons ce que prédisent les climatologues. Nous mettons en place des plates-formes pour sélectionner dans des environnements de plus en plus extrêmes, en particulier concernant le stress hydrique », explique le spécialiste. « Mais il n’y a pas un mais des stress hydriques, différents en fonction de la période de développement de la plante à laquelle ils interviennent. »

La saison 2018 de maïs est une parfaite illustration de la nécessaire polyvalence des variétés aujourd’hui. « Ce n’était pas une campagne extrême, mais une campagne exceptionnelle. Au-delà de ce qu’on aurait pu imaginer ! Des récoltes avec un mois d’avance, c’est simplement incroyable. Et malgré des périodes sans pluie importantes et des sommes de température ahurissantes dans de nombreuses régions, les variétés ont tenu et ont produit. On nous reproche parfois de mener des tests dans des zones aux conditions très spéciales, décalées de la réalité en France, mais chaque année est de plus en plus particulière. Pour cette campagne, le travail des sélectionneurs depuis plus de 50 ans a clairement porté ses fruits : malgré la sécheresse, les rendements moyens en Bretagne n’ont perdu que 0,2 t MS/ha (13 t au lieu de 13,2) et certaines parcelles ont même atteint les 25 t MS. Les variétés d’il y a 50 ans auraient probablement donné 5 t seulement cette année… »

Une somme de données colossale

Plus globalement, les progrès technologiques dans tous les domaines permettent non seulement de gagner du temps – « il fallait 12 à 15 ans pour développer une variété, 8 ans aujourd’hui » – mais surtout d’explorer bien plus largement. L’enjeu est de taille : valoriser la somme colossale de données désormais récoltées.

« Par exemple, pour l’évaluation variétale, nos ensileuses ou moissonneuses sont de véritables laboratoires embarqués, des machines de phénotypage équipées de tas de capteurs capables de fournir énormément d’informations. Comme la taille, la forme et le nombre de plantes… Elles réalisent également des mesures de digestibilité, des pesées, des prélèvements d’échantillons en direct. Chez Limagrain, chaque année, nos ensileuses relèvent la digestibilité de quelques centaines de milliers de parcelles d’essai. Ces machines sont conçues pour traiter des micro-parcelles, s’arrêter fréquemment et se vider totalement. » Des drones et des robots sont aussi peu à peu développés pour automatiser le recueil de données phénotypiques dans les parcelles.

Modèles numériques

Surtout, les sélectionneurs se servent de modèles d’analyses statistiques permettant de simuler l’exposition de génotypes à certains stress sans avoir cultivé ces plantes sous les conditions en question. En associant techniques de marquage moléculaire (génotypage), analyse numérique et résultats de phénotypage (essai des variétés en plein champ) sur des plates-formes soumises à différents types d’environnements, le comportement du maïs est approché dans une multitude de situations. La puissance des ordinateurs d’aujourd’hui fait notamment la différence. « Dans les années 90, en faisant tourner un modèle numérique et statistique impliquant quelques dizaines de génotypes de maïs, les résultats étaient obtenus au bout de 3 à 6 mois. Actuellement, les modèles, pourtant plus précis et plus complexes, peuvent évaluer des milliers de génotypes en quelques minutes sur davantage de critères… »

Toutes les innovations améliorent sans cesse l’évaluation des variétés à haut débit. « Ensuite, le cœur du métier de sélectionneur est de transformer toutes les informations qu’il reçoit en décision. Et la décision ultime, c’est je garde ou je jette… Quand on sait que 40 000 lignes de sélection, c’est-à-dire 40 000 génotypes, sont nécessaires pour développer un hybride, on jette beaucoup plus qu’on ne garde… », conclut Olivier Vimont.

Contre-saison, générations continues

Depuis plus de 30 ans, les semenciers s’appuient sur la contre-saison. « L’idée : réaliser une 2e campagne l’hiver en s’installant dans l’hémisphère sud où c’est l’été. » De même, les « générations continues » sont utilisées depuis la fin des années 90. Il s’agit de cultiver du maïs en zone intertropicale où les conditions climatiques sont favorables toute l’année (été permanent) pour l’espèce. « Trois ou quatre cultures sont ainsi possibles dans l’année. » Il arrive aussi que ces générations continues soient conduites sous serre en Europe. « Nous utilisons cette voie seulement pour des opérations à forte valeur ajoutée. »


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