De gauche à droite : Laurianne Le Foll (stagiaire), Sylvie Le Dorner, Maxence Bellenger et Yann Chéritel. - Illustration Ty Lipous, moins de lait, plus d’emploi
De gauche à droite : Laurianne Le Foll (stagiaire), Sylvie Le Dorner, Maxence Bellenger et Yann Chéritel.

Ty Lipous, moins de lait, plus d’emploi

En s’installant, Yann Chéritel a fait évoluer le système d’exploitation et lancé la fabrication de yaourts. Transformer et vendre, ces nouveaux métiers ont conduit à l’embauche.

Depuis tout petit, la ferme est son « dada ». Tout au long de son parcours, Yann Chéritel, 25 ans, producteur de lait à Moustéru (22), avait en tête de s’installer sur l’exploitation familiale. Mais, en 2009, la crise laitière laisse des traces. « Pomper du lait pour l’étaler sur les champs… J’ai mal vécu ce moment. Je ne comprenais pas cette dépendance au prix de vente subie par l’agriculteur. » Un déclic. Il sera « peut-être » agriculteur… « Mais jamais dans l’incapacité de tirer de la valeur de son travail ».

L’âme d’un laitier

En suivant cette idée, après son Bac STAV, il prépare un BTS Transformation au lycée Pommerit (22). « La valorisation des matières premières en général m’intéressait. Mais ce qui me plaisait vraiment était de transformer du lait. » Ce leitmotiv guide ses stages vers de petits ateliers autant que de grosses structures comme Danone. Pourtant, diplôme en poche, le jeune homme ne se sent pas assez armé. « Il me manquait la partie vente. » Le Breton fait son sac et s’engage dans une Licence Valorisation des produits du terroir à Pau (64). « J’y ai appris le commerce, la mise en avant de la qualité… »

En 2013, à 21 ans, il débarque sur le marché du travail. Après une saison en ETA et une expérience comme représentant chez un concessionnaire, Yann Chéritel est prêt. Au 1er avril 2016, il rachète la ferme tenue par sa mère, construit son laboratoire et élabore ses recettes. En janvier 2017, l’atelier vend ses premiers yaourts sous la marque Ty Lipous. Depuis, la gamme s’est étoffée : « Yaourts nature, à la vraie vanille Bourbon, aux fruits, crèmes dessert, riz au lait… »

La diversification s’accompagne d’un remaniement du système. « À l’installation, la laiterie me proposait de doubler notre référence laitière. Mais je voulais transformer, pas allonger la stabulation. J’avais déjà intégré que nous allions, au contraire, produire moins qu’auparavant », explique le jeune homme. Rapidement, tout l’accessible est implanté en prairies. « À l’école, j’avais peu travaillé sur l’herbe. J’ai rejoint un groupe du Cédapa pour apprendre, en groupe, au contact d’autres agriculteurs. » La taille des paddocks est réduite ; un point d’eau, une entrée et une sortie aménagés pour chacun d’eux. Les surfaces en maïs chutent de 20 à 14 ha. « Le niveau d’étable est passé de 9 000 L par vache et par an à 5 500 L. Cela fait bizarre. Jusque-là, je vendais des vaches en lait », confie Sylvie Le Dorner qui travaille sous statut de salariée depuis l’installation de son fils. « Mais tous ces changements, c’est très bien. Je n’aurais pas eu cette force d’évoluer. Pire, avec mon ancien système, je n’aurais pas tenu le coup jusqu’à la fin de ma carrière. »

L’inquiétude de l’employeur

La tendance actuelle équivaut à près d’un tiers du lait transformé, « soit près de 70 000 L / an ». Pour répondre aux débouchés et aux « nouveaux métiers », l’exploitation est passée d’1 UTH avant l’installation de Yann Chéritel à 3,5 UTH aujourd’hui. « Nous avons d’abord eu besoin d’un mi-temps pour la traite et le soin aux animaux. Il y avait de l’appréhension : comment trouver la bonne personne quand on embauche pour la première fois ? », avoue l’éleveur qui s’est rapproché du groupement d’employeurs Terralliance. « Le chargé de clientèle est venu découvrir la ferme, nos caractères, notre manière de faire avant de proposer quelqu’un. C’est ainsi que nous avons rencontré la bonne candidate, Gwenaëlle Marlin qui effectue désormais un deux-tiers-temps. »

Pourtant bien occupé à la fabrication, le jeune homme a démarré la partie commerciale. « Mais vendre est très chronophage. Or moins on a de temps, moins on s’y consacre », rapporte-t-il. Alors Maxence Bellenger, en formation à la CCI de Saint-Brieuc, est arrivé en juillet en contrat de professionnalisation (40 semaines par an). Il livre, recherche de nouveaux clients et communique sur les réseaux sociaux. « Sa motivation lui a permis de vite me seconder sur la partie commerciale. »

Vivre d’un métier qu’on aime

Et la mue se poursuit avec l’entame d’une conversion en bio le 15 mai dernier. « Ce n’était pas dans les plans initiaux », confie Yann Chéritel. Mais la mise en place du système herbager a montré la voie. « Nous avons accepté la baisse de rendement laitier des vaches, ce n’était plus très compliqué d’embrasser cette philosophie pour les cultures. » Pressé, l’éleveur s’est rapproché du Gab 22 pour réaliser une étude de conversion et suivre des formations. « Là encore, travaux de groupe et visites sur le terrain ont été précieux. C’est indispensable de voir comment les plus expérimentés travaillent. La clé reste la rotation pour bien casser les cycles des adventices. » La surface en prairie passe de 26 à 50 ha (sur 70 ha de SAU) la campagne prochaine : l’ensilage d’herbe va remplacer celui de maïs dans la ration « pour éviter de devoir corriger avec une protéine à 1 000 € / t » mais 8 ha de maïs seront conservés pour récolter du maïs épi.

Pour l’instant, la nouvelle orientation fonctionne. « Des emprunts ont été soldés en avance sur le prévisionnel. Nous prélevons de quoi vivre décemment et réussissons à prendre un peu de vacances. Le développement durable ne doit pas être qu’environnemental, il doit aussi être social et économique. L’important est de bien vivre d’un métier qu’on aime », termine Yann Chéritel.

Rencontrer des éleveurs qui ont du recul en bio

Bien que la santé du troupeau soit souvent une inquiétude lors d’une conversion, l’expérience montre que le calage du système fourrager et du rationnement hivernal constitue les plus grands bouleversements techniques, y compris pour les systèmes déjà très herbagers. Afin de se rassurer et de sécuriser cette transition, il est préférable de se faire accompagner via la réalisation d’une étude de conversion, un suivi mais aussi en formation de groupe en rencontrant des agriculteurs bio qui ont du recul sur cette période particulière.

Guillaume Michel, Animateur au Gab d’Armor


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