Le feu

Pendant toute l’après-midi, ses longues flammes tournoyantes se sont élevées à plusieurs mètres de haut dans un crépitement enragé. Au cœur de ce brasier de plein champ, les branchages suintaient, chantaient, sifflaient avant de s’effondrer brûlées dans le trou béant de ce foyer à ciel ouvert. Puis le feu s’apaisait. Avant de ressurgir plus vigoureux de l’amas désordonné de falourdes déversé en son cœur par la grosse griffe du tracteur. Ce jour-là, en lisière d’un talus bocager taillé au cordeau, le feu était joie, le feu était roi. Dans une incandescence quasi instantanée, il transformait le fagot en braise ; la braise en cendre. Dans quelques heures, les reliquats du chantier de bois délaissés par le bûcheron ne seraient plus que souvenir, évanescence de fumée emportée dans les cieux par les sylphes flottant au-dessus de ce brasier géant des champs.

Puis la nuit est venue sur la campagne. Faute d’être nourri, le feu s’est replié dans le silence de son antre affamé. Sous une fine pellicule de cendre protectrice, oscille désormais la lueur rougeoyante du volcan de braise apaisé. Mais ne nous y trompons pas. Y jeter quelques branches rescapées de l’embrasement suffit à prouver que la bête qui couve n’est pas morte ; les flammes jaillissent incontinent.

Guidée par quelques flammèches revêches, c’est aussi l’heure où la famille de l’agriculteur s’avance vers cette fournaise endormie. Dans son panier pique-nique : des saucisses, des pommes de terre et des pommes soigneusement emballées dans de l’aluminium. La cuisson champêtre de ces victuailles au cœur de ce foyer à ciel ouvert leur donnera ce goût si inimitable d’un dîner buissonnier partagé à la belle étoile. Le goût des bonheurs simples…


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