Le chêne

Trois siècles durant, il défia le vent et le tonnerre. Mais aujourd’hui, le chêne séculaire est à terre. Son antique orgueil s’est écroulé sous les coups de boutoir de la fatale Carmen. Eut-il préféré succomber au feu d’Eleanor ? « Le chêne altier » qui hier « de son front audacieux touchait aux cieux » se terre dans le silence ravagé des lendemains de tempête. Jusqu’au bout, il s’est agrippé à ce talus qui l’a vu naître, grandir et régner. Et s’effondrer au petit matin.

Dans le puits de lumière ouvert par sa chute, un chêneau qui végétait dans son ombre voit désormais le ciel s’éclairer d’un avenir prometteur. Devant l’impatience du turgescent de s’élever, le vieil arbre à terre lui rappela avant de s’éteindre cette leçon d’humilité : « Avant de devenir majestueux, Grand chêne a été un gland comme toi ». Eut-il encore eu la force vitale qu’il aurait raconté que, sur son piédestal, il avait connu deux mondes : le vieux et le nouveau.

Quand, en 1718, il était germe émanant, il avait été témoin de la conspiration de Pontcallec, ardent défenseur des libertés de la Bretagne et des petites gens. Dans la force de l’âge de ses 80 ans, les chouans cachèrent de la poudre à son pied. Témoin de l’agitation des hommes, il gardait aussi dans son aubier la cicatrice d’une balle américaine qui lui perfora le tronc en 1944. Il l’appelait le « stigmate de la liberté ».

Aujourd’hui, les souvenirs du vénérable chêne sont brisés. Puisse sa mémoire vivre dans les craquements d’une solide charpente ou dans une bonne table plutôt que de s’évanouir dans l’âtre d’une cheminée. C’était sa dernière volonté.


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