L’élevage, gaspilleur de protéines ?

Les animaux de rente consomment trop et privent la population humaine de précieuses protéines végétales, entend-on de plus en plus souvent. La vérité est plus nuancée.

L’association Terra Nova a diffusé un rapport en début d’année sur l’alimentation carnée. Cette étude tente de démontrer la nécessité de modérer, pour des raisons environnementales, de santé publique et de bien-être animal, notre consommation de viande. Elle pointe également le gaspillage de protéines. « On mobilise aujourd’hui environ 5 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines animales », assure le laboratoire d’idées qui fait un certain nombre de recommandations. L’une d’entr’elles a été reprise par le ministre Nicolas Hulot. Il préconise de servir un plat végétarien par semaine dans les cantines scolaires françaises.

À l’échelle mondiale, compte tenu de la croissance démographique (9 à 10 milliards d’êtres humains en 2050, selon les Nations unies), les tensions alimentaires porteront davantage sur les protéines que sur les lipides et les glucides. Autant préparer les plus jeunes à consommer moins de viande. Mais, les chiffres évoqués dans le rapport sont-ils fiables ? Le gaspillage est-il si important ?

L’accusation de gaspillage, souvent répétée et rarement vérifiée, est battue en brèche par Jean-Louis Peyraud, directeur adjoint à l’Inra. « C’est vrai pour le bœuf mais loin d’être le cas pour la volaille, le porc et la vache laitière ». Le porc valorise parfaitement les coproduits végétaux qui ne sont pas consommés par les hommes (tourteaux d’oléoprotéagineux, drêches de blé, lactosérum, pulpes…). Terra Nova en convient dans son rapport : « …Certes, toutes les protéines végétales consommées par les animaux ne sont pas directement consommables par l’homme et la transformation par l’animal reste parfois nécessaire… ».

Jean-Louis Peyraud insiste : « La production animale peut avoir une contribution nette à la production de protéines. La filière porc, notamment, produit plus de protéines qu’elle n’en consomme ». Dans le cochon, tout est bon. La partie non consommée est faible, plus faible que chez la volaille ou le bovin. Le poulet s’en sort grâce à son indice de consommation exceptionnel. Quant aux bovins extensifs, ils se défendent plutôt bien, quoi qu’on en dise.

Certes, ils consomment beaucoup de protéines végétales mais les surfaces sur lesquelles ils pâturent sont généralement non cultivables (terres en pente, zones humides). Ils mangent donc de l’herbe que même les Vegans apprécient peu. Ils sont, dans ce cas, producteurs nets de protéines pour l’alimentation humaine. « Les ruminants sont efficients en termes de production de protéines quand ils consomment des fourrages ». Ils perdent cette efficience avec les aliments concentrés, à base de céréales.

Avancées technologiques

À l’avenir, certaines évolutions pourraient être défavorables aux animaux. Le cours des matières premières aura un impact. Trop chères, elles mettront à mal les filières animales. L’apparition de nouvelles technologies pourrait accroître l’utilisation des protéines végétales dans l’alimentation humaine. « Actuellement, aucun procédé industriel ne permet d’extraire et de consommer les protéines contenues dans les co-produits, largement utilisées en alimentation animale. Il est permis de penser que ce ne sera plus le cas dans quelques années ». Les porcs, les ruminants et les volailles auront du souci à se faire, face à l’avidité humaine. Tout n’est pas perdu pour les animaux d’élevage.

Dans les pays développés, la part des protéines d’origine animale dans l’alimentation est de 65 % (35 % de protéines végétales). Ce ratio devrait progressivement s’inverser, sans remettre en question l’existence de l’élevage. Celui-ci évoluera pour répondre aux nouvelles exigences sociétales, en termes de nutrition-santé ou de bien-être animal. Les filières se concurrenceront entr’elles. Celles qui s’en sortiront le mieux seront celles qui auront su anticiper ces attentes.

[caption id=”attachment_31796″ align=”alignright” width=”209″]didier-remond Didier Rémond, Directeur Unité de nutrition humaine Inra[/caption]

25% des personnes âgées ne mangent pas assez de viande

Les protéines animales possèdent un avantage sur leurs cousines végétales : elles apportent les acides aminés essentiels de manière équilibrée. Les protéines animales conservent cet avantage même quand on combine plusieurs protéines d’origine végétale. La consommation de viande de boucherie (mammifères) recommandée est de 70 g/jour, soit 500 g par semaine ; l’équivalent de 4 portions de 125 g, éventuellement complétées par de la volaille ou du poisson. Le message de réduction de consommation de viande de boucherie s’adresse seulement aux personnes qui sont au-delà de ces recommandations. 25 % des personnes âgées ne mangent pas assez de viande ; les besoins en protéines augmentent avec l’âge, alors que la consommation, souvent, diminue. Elles peuvent souffrir de dénutrition protéino-énergétique et de carences diverses dont le fer et la vitamine B12. Il faudrait proposer de nouveaux produits carnés attractifs pour ces consommateurs. Didier Rémond, Directeur Unité de nutrition humaine Inra


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